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Entrevue avec Kevin Deer / Ka’nahsohon (La Plume Trempée), proviseur de l’école

CANADA - L’école d’immersion Karonhianónhnha : la lutte des Mohawk pour préserver leur langue et culture

David Millar, Vents Croisés

lundi 14 mai 2007, par John Malone

Karonhianόnhnha (prononcé garonya NOHnyana) signifie la gardienne du ciel.

C’est le nom traditionnel de Mme Angeline Rice-Delormier qui a fait don de sa terre pour l’école. Quand on hérite d’un nom, on se dédie à mériter l’honneur qui lui donnaient les illustres ancêtres.

Notre école d’immersion se consacre à la survie linguistique et culturelle des Mohawk de Kahnawake, communauté qui se situe sur l’autre rive du Saint-Laurent en face de Montréal, près du pont Mercier. Notre but consiste à nourrir l’enfant dans son entiereté, rencontrer ses besoins à la fois éducatifs, émotifs, physiques, sociaux et spirituels. Leurs parents ont le choix entre une école anglophone et la nôtre qui enseigne en Mohawk jusqu’en 5e année. Nos quelque 200 étudiants apprennent, tout en suivant les compétences comprises dans le curriculum MEQ, notre propre génèse Mohawk, l’histoire de notre nation, les contes traditionnels, aussi bien que chansons, danses, rites de base, et paroles du Conseil de la Grande Loi (la loi de la Grande Paix du Haudenosaunee, le peuple de la Maison Longue, dit les Six Nations Confédérés ou – originalement par mépris – les Iroquois).

Unir nos enfants dans l’amour, la sympathie et la sécurité d’une ‘grande famille’ : voilà notre mission. En tant que directeur j’envisage une école oǜ chacun prend au sérieux ses buts éducatifs, pratique le bien-agir, sans punition. Ça fait une différence. Depuis un an, nos infractions baissent au rhythme de 70-75%. Et nous nous savons jouer aussi. Personnellement, lors de chaque réunion mensuelle je joue un personnage – un phantôme à Halloween, un Bonhomme Hiver, un Père Noël, un ourson – afin de montrer qu’on peut tous jouer. Et être fiers de nos propres traditions, la création telle que racontée par nos ancêtres, qui enseigne l’intendance de la terre ; les cérémonies de respect de la vie et de l’action de grâce.

Ainsi à Karonhianόnhnha on devient un être équibilibré, ayant acquis des connaissances requises pour bien décider de sa vie. Dès la 6e année, dans laquelle ils peuvent choisir des classes en anglais ou français, nos étudiants ont une choix libre d’école secondaire. Un moment de décision oǜ ils seront entiers, fiers d’être d’une Première Nation, et capables d’apprendre le savoir et la technologie d’autres sociétés. Bon nombre de ceux de la 6e font des projets environnementaux. En tant qu’adultes et enseignants, nous les encourageons car nous avons vu le fleuve se polluer, s’empirer le climat. Oǜ allons-nous ?

Le cercle de la paix des Mohawk

Il faut que tous les canadiens et leurs élus apprennent la sagesse spirituelle des Premières Nations, ce que nous enseigne la Terre notre mère. Elle n’est pas à dominer ni gruger. Toute créature a une âme que nous devons respecter. Notre rôle humain est de maintenir l’équilibre. Le succès ne consiste pas à amasser de l’argent mais à assurer le bien des générations à venir. Les nôtres hériteront-ils d’une demeure joyeuse, saine et sauve avec tous les peuples qui volent, qui nagent ou qui marchent sur pattes ? Alors il s’agit d’amener nos enfants à la sagesse autant qu’au savoir, afin qu’on trouve les bonnes solutions pour sauver la terre et nous-mêmes.

A mon école élémentaire, on nous appelait sauvages, sans religion. Que les Nouveaux Peuples nous apportait la civilisation et la foi, qu’ils savaient tout. Qu’ils nous ont sauvés de nos péchés. Pas un mot sur ce que les Premières Nations apportaient à la civilisation, de quoi être fier. Comment le petit peut-il répondre à ça, répondre à l’enseignant omniscient ? Et puis en secondaire on enseigne que les Premières Nations n’étaient que des immigrés qui ont (d’un temps hors mémoire !) traversé le détroit de Béring, et pour tout confondre qu’ils sont des singes évolués ! Mal pris ou compris, cet apprentissage nous amène à mépriser nos ancêtres, nos traditions, et nous-mêmes.

A cette heure je comprend comment la colonisation s’insinuait dans notre nation, comment la déchirait les guerres impériales entre rois de France et d’Angleterre, notre Grande Loi et nos traditions piétinées, comment notre peuple était divisé entre ceux du vallée Mohawk sous le joug anglais, et ceux du nord, les chrétiens catholiques sous celui des français. Ici, c’était les religieux qui enseignaient ; faut aller à la messe, se mettre à genoux devant les images, se confesser. Le directeur frappait avec un courroi : ce que nos ancêtres auraient considéré une molestation ! Et puis arrivent d’autres religions protestants, s’ensuivent conflits dans notre communauté entre parents, entre enfants qui se lancaient des injures, le peuple Mohawk déchiquété. A la dérive des fondations culturelles, nos structures de clan matriarchal déplacées par la patriarchie à l’européen. La perte de nos terres, notre mode de vie, notre spiritualité, notre langue et notre culture. Déchirement intérieur…

En conséquence, en adolescent et jeune adulte, j’ai commis des erreurs. Estime de soi à la baisse, confusion, la pression des paires m’amènent à penser qu’être homme c’est fumer, boire, tout ce qui voile l’esprit. Si j’avais alors eu la connaissance de la Grand Loi dont je bénéficie actuellement, je n’aurais jamais touché à l’alcool, abusé du tabac que l’on doit dédiér au Créateur durant les grands cérémonies. J’aurais eu ce pouvoir de guerrier spirituel prêt à défendre et à conserver mon corps et la terre dont il est issu.


L’esprit des lois du peuple de la Maison Longue**

l’arbre de la Grande Paix des Haudenosaunee*

Trois principes soutendent la Grande Paix des Nations Confédérées.

  Skén:nen (prononcé SKONnen) : Paix
  Karihwí:io (prononcé gareeWEEyo) : la Bonne Piste
  Ka’shatsténhsera (prononcé GAshatSTONsera) : Pouvoir

Skén:nen = paix ou équilibre, indique en plus de l’enterrement des armes de guerre (sous les racines de l’arbre), l’harmonie des nations, et la santé mentale de l’individu : un état spirituel fort, content et concentré. Sur de lui-même, chacun agit sans violence, haine ou rancune. Souvent employé en salutation : ‘que la paix soit à vous’.

Karihwí:io = la bonne piste ou le bon message, parfois mal traduit par droiture ou vertu. Mais celui-ci n’est que le résultat de suivre résolument la bonne piste. On substitue parfois le mot ‘bon esprit’ car il s’agit de raisonner et de bien agir. Ainsi s’assure la liberté de chacun et la justice entre tous.

Ka’shatsténhsera = pouvoir, le lien spirituel qui s’établit parmi ceux qui pratiquent les principes de paix et du bien-agir.

Sources :

* http://www.ratical.org/many_worlds/6Nations/

** Cette explication grâce à Teyowisonte[AT]hotmail.com du Centre Mohawk Culturel (www.korkahnawake.org) qu’on peut contacter ou visiter pour avoir plus de détails.


Suivre la Bonne Piste

« La jeunesse doit être respectée par la communauté, et ses soucis pris au sérieux. On ne peut pas bien agir pour la génération qui suit sans les consulter et sans obtenir leur consentement. Dans notre avenir aborigène chacun compte. Sont perdus non seulement ceux qui se détruisent mais ceux qui abondonnent… »

Taiaiake Alfred, Peace, Power, Righteousness (Oxford University Press, 1999), p.130, à noter que son titre cite les principes de la Grande Paix.


Trouver son Pouvoir : tonnerre dans mon âme

Je n’ai pas appris ma confiance à l’école mais malgré elle… voici un des grands échecs du système actuel.

Pour bien éduquer nos enfants et notre jeunesse il faut l’implication des Aînés à tous les niveaux.

Le meilleur guerrier est un homme de paix…celui qui protège la terre, protège le peuple.

Patricia Monture-Angus, Thunder in My Soul : a Mohawk woman speaks (Fernwood, 1995.), p. 78, 83, 85.


Article à paraître dans le numéro 12 de la revue Vents Croisés, consacré au thème de la jeunesse. Reproduction autorisée.

responsabilite

Messages

  • Bonjour,
    je me nomme Marilou. Je suis née de parents québecois francophones qui m’ont enseignés le mieux qu’ils ont pu de l’éducation reçu. Depuis toujours me semble-t-il je suis à la quête d’une philosophie plus juste, plus naturelle que celle que le système actuel nous enseigne. Depuis mon adolescence, j’ai puisée mon énergie dans la sagesse des Premières Nations. J’ai toujours été attiré par votre culture et fasciné par votre courage face aux épreuves qui ont talonés votre histoire . Ce n’est que dernièrement, en retracant mon arbre généalogique, que j’ai appris que j’ai probablement des ancêtres Mohawk. Je suis touchée et fière d’apprendre que je suis liée à une culture et des valeurs aussi riches que les vôtre. Mais je suis triste et sans mot devant le mur qui divise les "Blancs-francophone" ou "Blancs-anglophones" des Premières Nations ! Je comprends les raisons, la tristesses voire même la détresse qui en découle, mais je suis tellement navré de constater que je représente pour la majorité l’ennemi ! J’enseigne du mieux que je peux à mes enfants ce que je peux apprendre de votre histoire, de votre spiritualité mais aussi du mal que vous avez subit afin qu’ils sachent ce que l’école ne leur apprend pas ! Mais que puis-je faire de plus sinon de vous encourager à poursuive cette lutte pour maintenir votre culture et votre langue ? Combien sommes-nous à vouloir s’acceullir à bras ouvert dans la paix ?
    merci de m’avoir lu. Je tenais à vous dire, qu’ici prêt de chez vous, une petite franco-québecoise vous admire et vous aime.

    Nia : Wen,
    Marilou

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