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DIAL 2570

PÉROU - Les chiffres de la pauvreté

Adriana Muñoz

lundi 1er juillet 2002, mis en ligne par Dial

Les graves événements qui secouent le Pérou (manifestations contre la privatisation de deux compagnies électriques avec de sérieux affrontements, déclaration de l’état d’urgence à Arequipa, marche arrière du gouvernement, etc. ) ont une toile de fond : la situation de pauvreté. Cette pauvreté est une réalité complexe, que l’on ne saurait réduire à une simple absence de biens matériels de base. L’article ci-dessous communique les données chiffrées d’une enquête récente en matière de pauvreté, mais il donne aussi quelques éléments de compréhension concernant les causes de la pauvreté dans le Pérou d’aujourd’hui. Texte de Adriana Muñoz, Signos, avril 2002.


La mesure de la pauvreté au Pérou

La publication récente de l’Enquête nationale des foyers, faite par l’Institut national de statistiques et d’informatique, a révélé que la pauvreté dans le pays s’est aggravée au cours des trois dernières années 1997-2000. Cette façon de mesurer la pauvreté a été appliquée à un échantillon de 18 824 foyers, sélectionnés au hasard sur tout le territoire national.

Selon l’économiste Pedro Herrera, “il existe de nombreuses définitions de la pauvreté. L’Institut national de statistiques et d’informatique la définit comme une situation où la personne humaine a un bien-être inférieur au minimum accepté. Mais la pauvreté est un concept beaucoup plus large. Elle peut être définie comme un mal, un fléau social qui affecte une grande partie de la population et porte atteinte à la vie physique, morale, et psychologique des personnes, en raison non seulement d’un manque de ressources réelles suffisantes pour couvrir leurs besoins de base, mais aussi par manque de participation démocratique et civique adéquate.”

Ce que dit l’enquête

Un Péruvien sur deux est pauvre. Herrera explique : “Sont pauvres les personnes dont la consommation est inférieure au contenu du panier de base. Actuellement, ce panier de base par personne et par jour est de 8,70 sols pour Lima et de 4,90 sols pour les zones rurales à habitat dispersé. Ceci veut dire que dans la ville de Lima sont pauvres les personnes qui ont moins de 8,70 sols pour couvrir toutes leurs dépenses quotidiennes. Avec cet indicateur de pauvreté, 54,8 % de la population péruvienne vit dans des conditions de pauvreté, c’est-à-dire 14 609 000 habitants.”

Un Péruvien sur cinq est extrêmement pauvre. Herrera ajoute : “Sont extrêmement pauvres les personnes dont la dépense totale est inférieure au panier alimentaire de base. Actuellement, le coût de ce panier par tête et par jour est de 4 sols pour la ville de Lima, de 3,10 sols pour les zones rurales à habitat dispersé, et de 4,60 pour les villages. C’est dire que les personnes qui ont moins de 4 sols quotidiens pour leurs seuls besoins alimentaires sont considérées comme pauvres dans la ville même de Lima. Avec cet indicateur de pauvreté extrême, 24,4 % de la population nationale vit en situation de pauvreté extrême, c’est-à-dire 6 513 000 habitants.”

Si nous considérons les départements les plus touchés, Huancavelica est en première ligne puisque 88 % de la population y est pauvre, dont 74 % extrêmement pauvre. Dans Huanuco, Apurímac, Puno, Cajamarca et Cusco, les chiffres de la pauvreté sont également dramatiques. “Les populations rurales n’ont pas seulement un taux plus élevé de pauvreté, dit Herrera, mais elles sont en moyenne trois fois plus pauvres que les pauvres en ville. » (Caretas)

Les données révèlent que la majorité des chefs de familles pauvres et non pauvres travaillent dans le secteur informel. Il existe d’autre part pour les analystes “une relation non équivoque entre le niveau d’éducation du chef famille et le degré de pauvreté”, selon Gilberto Moncada, directeur de l’Institut national de statistiques et d’informatique. Selon le Profil national de la pauvreté 2001, la moitié de la population nationale (49,3 %) a à peine achevé le cycle primaire ou n’est simplement jamais allée à l’école. Un tiers (33,5 %) a suivi l’école secondaire et seulement 17,2 % ont un niveau supérieur d’instruction. Les deux tiers de la population ayant un degré moindre d’instruction (66,7 %) sont pauvres. 28,6 % de ceux qui ont accédé à l’école secondaire sont en-dessous de la ligne de pauvreté. Bien que l’éducation universitaire ait montré qu’elle est un solide bouclier contre la pauvreté, elle n’est pas pour autant un facteur infaillible parce que près de 5 % de ceux qui sont passés par l’université sont également pauvres.

La persistance de la pauvreté

Herrera signale finalement que “les indicateurs mentionnés ci-dessus ne peuvent nous dire que peu de choses ou rien du tout sur les raisons pour lesquelles la pauvreté est un problème persistant au Pérou.

L’adoption du modèle néolibéral au début des années 90 paraît être la cause principale qui explique cette persistance. En quelques mots, ce modèle ne permet l’accumulation de richesse et d’argent que pour un petit secteur de l’économie, composé de ceux que l’on appelle les capitalistes et les entrepreneurs. On fait l’hypothèse que cette classe sociale épargnera et pourrait distribuer la richesse accumulée en proposant des postes de travail, chose qui ne s’est pas encore produite jusqu’à présent. Parce qu’il s’agit d’un modèle de développement qui n’intègre pas les pauvres, on ne peut pas observer directement son effet en matière d’allègement de la pauvreté (...). Le gouvernement peut faire peu de choses, et se limite uniquement à mettre en œuvre des politiques de dépenses sociales temporaires, sans avoir un plan de développement social à long terme.”

“Il existe cependant, ajoute-t-il, d’autres facteurs qui expliquent la persistance de la pauvreté. L’un d’entre eux est le paiement de la dette extérieure, étant donné que l’on affecte au paiement de celle-ci des ressources qui pourraient être orientées vers des dépenses d’éducation, de santé, bref, pour un investissement social plus grand. La corruption est un autre facteur qui permet d’expliquer la pauvreté au Pérou. Nous tous les Péruviens, conclut-il, avons été témoins de la façon dont les ressources de l’État ont été destinées au contrôle des moyens de communication, du pouvoir judiciaire, des enquêtes d’opinion, etc., ainsi que pour acheter des consciences et continuer de cette manière à alimenter un État corrompu fondé sur une forme de gouvernement non démocratique.”


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2570.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Signos, avril 2002.

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