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BOLIVIE - Le gouvernement semble prêt à mettre fin à son accord avec le Fonds monétaire international (par Mike Dolan, CADTM)

samedi 25 mars 2006, mis en ligne par Dial

La Bolivie va probablement devenir ce mois-ci le dernier pays d’Amérique latine à mettre un terme à son accord financier officiel avec le Fonds monétaire international (FMI), ont indiqué mardi des représentants officiels et des experts.

L’accord actuel passé entre le pays et le FMI pour une durée de trois ans, une série de prêts liés à des critères de performance économique et structurelle, expire le 31 mars.
Selon des sources du FMI, le programme va probablement prendre fin sans aucun nouvel arrangement et aucune décision ne sera prise avant plusieurs mois sur le financement à venir du pays andin appauvri.

« Un nouvel accord impliquant un financement n’est pas nécessairement d’actualité, parce que les réserves internationales sont très élevées » a dit un représentant du FMI.
« Une FRPC (la « Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et pour la Croissance » du FMI, à destination des pays pauvres) est une possibilité, mais cela dépendra de l’issue du programme national pour le développement du nouveau gouvernement », a indiqué le représentant, ajoutant qu’une telle décision ne pourra probablement être prise que très tardivement dans l’année.

Un contrôle normal, incluant le bilan économique annuel du Fonds, va probablement être maintenu, une mission du FMI étant attendue pour une visite du pays le plus pauvre d’Amérique latine dès le mois prochain.

Des experts disent, cependant, que le gouvernement du nouveau président Evo Morales pourrait chercher à éviter tout financement du FMI, avec ses conditionnalités, au moins tant que son propre programme de développement n’est pas en place.

N’ayant pour le moment pas de problèmes majeurs de balance des paiements ni de réserves internationales, la Bolivie n’a pas un besoin urgent de l’aide du FMI.

« En évaluant combien nous devons, nous verrons si nous pouvons, via le FMI, ouvrir des canaux financiers », a déclaré le Ministre de l’Economie Luis Alberto Arce, cité par le quotidien bolivien La Razon de mardi.

« Mais si la quantité de financements dont nous avons besoin est faible, un accord avec le FMI ne sera pas justifié. Cela mérite d’être évalué », a-t-il ajouté.
Certains économistes estiment que si la Bolivie accepte de mettre un terme à l’accord, cela constituera une nouvelle mise à l’écart du FMI en Amérique latine. Le Brésil et l’Argentine ont remboursé leur dette au FMI en décembre, mettant encore plus de pression sur ses finances.

Contrairement au Brésil ou à l’Argentine, la Bolivie a été libérée de ses obligations vis-à-vis du FMI grâce à la décision générale, prise l’année dernière, d’annuler pour les 19 pays les plus pauvres du monde les dettes contractées auprès du FMI.

La pauvreté relative de la Bolivie pourrait rendre plus significative encore cette décision de mettre un terme à ses liens avec le FMI, posant la question du rôle joué par le FMI dans les pays à faible revenu tout en soulignant le désir grandissant de cette région d’être indépendante dans ses choix de développement.

Une indépendance qui grandit

Même avant que le Brésil et l’Argentine payent leur dette au FMI, les pays asiatiques à revenu intermédiaire ont constitué des réserves internationales afin d’éviter tout recours au bailleur de fonds, conséquence d’une méfiance répandue dans tout la région et suscitée par la façon dont le FMI a géré la crise qui a dévasté l’Asie en 1997-1998.
Mark Weisbrot, co-Directeur au Centre de Recherche sur la Politique Economique de Washington, a indiqué que la longue expérience bolivienne des programmes du FMI n’a pas toujours été très heureuse, ajoutant que des points de désaccord cruciaux perdurent avec le nouveau gouvernement.

Le FMI s’oppose à une loi sur les hydrocarbures, adoptée par la Bolivie l’année dernière, qui augmente fortement le montant des royalties versées au gouvernement par les compagnies gazières étrangères et favorise la renégociation de certains contrats d’exploitation, et qui pourrait être, selon Weisbrot, déterminante pour les finances gouvernementales.

Un problème qui existe depuis plus longtemps concerne la privatisation, en 1998, du système de sécurité sociale, privatisation soutenue par le FMI et qui pèse toujours lourdement sur le déficit budgétaire du gouvernement.

« Le besoin de nouvelles politiques économiques peut être expliqué par la faillite économique sévère du dernier quart de siècle » a indiqué Weisbrot dans un rapport paru cette semaine, ajoutant que le revenu par habitant de la Bolivie est plus faible aujourd’hui qu’en 1978.

« Cela ne serait pas surprenant que le nouveau gouvernement bolivien accepte de mettre un terme à son accord actuel avec le FMI, qui expire fin mars, et ne cherche pas à le renouveler », a-t-il dit.

La question fondamentale qui se pose, indique Weisbrot, est de savoir si un accord avec le FMI sera présenté comme la condition pour d’autres sources de financement - en particulier la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement et les pays riches.

« Par le passé, cela aurait été presque obligatoirement vrai. Cela peut ne pas être vrai aujourd’hui », a-t-il dit. « Le pouvoir du Fonds a diminué de façon considérable depuis la fin des années 1990 ».

Un autre haut-représentant officiel du FMI a minimisé la signification de tout hiatus dans les accords entre la Bolivie et le FMI.

« C’est juste que la Bolivie n’a aucun problème de balance des paiements, en tout cas aucun qui nécessiterait un support financier, et les nouvelles autorités ont intérêt à prendre leur temps avant de décider si elles en souhaitent un ou pas » a-t-il dit.
Cependant, il a ajouté que : « Replacé dans le contexte latino-américain, effectivement, le Fonds a du mal a garder ses clients et n’est pas très populaire en Amérique latine. »
Les agences de notation financière semblent confiantes par rapport à la situation, mais elles en surveillent les développements. Fitch and Standard & Poor’s ont tous deux attribué à la Bolivie la note « B- », avec perspective négative.

« Dès aujourd’hui, les deux points clefs pour la Bolivie, par rapport aux investissements, sont le secteur des hydrocarbures et la politique que le nouveau gouvernement mène dans ce domaine, ainsi que les relations avec les Etats-Unis », a indiqué Morgan Harting, analyste chez Fitch, basé à New-York.

« Si le gouvernement applique correctement ces deux politiques, les prêts vont augmenter - c’est ce à quoi nous sommes le plus attentifs » a-t-il ajouté. « Nous n’avons pas identifié un nouveau programme du FMI comme un élément moteur crucial pour les investissements. »


Source : Reuters, 7 mars 2006. Traduction : Aurélie Vitry (CADTM Orléans).

http://www.cadtm.org/article.php3?id_article=1809

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