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AMERIQUE LATINE - Les charlatans du tourisme vert (par Anne Vigna, Le Monde diplomatique)

mardi 26 septembre 2006, par Dial

Les visites au temple d’Angkor au Cambodge confiées à une société de tourisme ; des villes historiques comme celle de Huê au Vietnam soumises à un flot touristique non maîtrisé… Malgré l’inscription de certains sites au patrimoine mondial de l’humanité par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), les objectifs financiers finissent par l’emporter, au détriment des lieux eux-mêmes et des populations. Certes, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) a promu l’idée d’« écotourisme ». Un mot qui sonne bien aux oreilles des voyageurs soucieux d’écologie. Mais, en l’absence de définition précise, des gouvernements et des groupes privés parent de ce label des projets fort peu écologiques et carrément antisociaux. Comme par exemple sur les sites en Amérique latine.

Dans le nord du Guatemala et de la réserve biosphère maya (RBM), la plus importante aire protégée d’Amérique centrale, le site archéologique du Mirador était un joyau bien gardé par la forêt. Hormis les communautés locales et les archéologues, personne ne connaissait l’existence de ces vingt-six cités mayas, datant de la période préclassique et antérieures de mille à mille huit cents ans aux autres grands sites mayas (Palenque, Copán, Tikal). Les spécialistes considèrent le Mirador comme le berceau de la civilisation maya ; il abrite les pyramides les plus élevées jamais construites en Méso-Amérique (147 mètres de haut). Un archéologue américain, M. Richard Hansen, a vu dans ce patrimoine une nouvelle mine d’or : « Nous avons ici une combinaison unique de forêt tropicale et de sites archéologiques d’une valeur inestimable, qui créent un potentiel touristique énorme pour le Guatemala. »

Et de proposer la construction d’un complexe touristique permettant, selon lui, d’assurer des revenus pour, à la fois, restaurer le site, stopper le pillage archéologique et conserver les ressources naturelles. Le projet El Mirador est donc né, affublé du label « écotourisme », et appuyé par le président du Guatemala, M. Oscar Berger, ainsi que par une longue liste d’institutions assurant n’œuvrer que pour la conservation de la réserve (1). Pourtant, avec l’arrivée prévue de cent vingt mille touristes par an dans ce milieu préservé, l’affaire divise les communautés jusqu’alors unies ; elle conduit à privatiser un patrimoine, sous couvert d’objectifs scientifiques et/ou touristiques peu clairs (2).

Avant que le projet ne soit connu dans le détail, et son impact écologique un tant soit peu établi, El Mirador est déjà annoncé dans la presse comme une très bonne nouvelle pour l’économie du pays et la conservation de la planète. La question de l’eau n’est même pas abordée. Or il n’y en a pas au Mirador ; pour les fouilles, elle est acheminée par hélicoptère. Et pour les touristes, le jour où ils arriveront ? Aucune réponse. Mais, pour M. Hansen, il serait urgent d’agir (c’est-à-dire d’exproprier) : « La richesse de la RBM doit être préservée ; les communautés locales sont responsables de sa détérioration. »

Une justification particulièrement scandaleuse. La communauté incriminée (lire « Un moyen de sauver les villages ») appartient au réseau de l’Association des communautés forestières du Petén (Acofop), primée au Sommet de la Terre à Johannesburg, en 1992, pour « sa gestion durable de 500 000 hectares de la réserve » sous les contraintes du label forestier Forest Stewardship Council (FSC) (3). « En aucun cas, Acofop n’est responsable de la déforestation de la RBM, s’insurge Mme Ileana Valenzuela, du groupe Actions et propositions du Petén. M. Hansen sait pertinemment qu’elle est détruite par l’exploitation pétrolière, forestière [privée] et par les routes du narcotrafic. Or le tourisme va créer des déplacements et des activités supplémentaires dans une zone encore préservée de la réserve justement grâce au travail d’Acofop. »

El Mirador a déjà dû revoir sa copie pour une présentation plus « verte », après le tollé général qui a accompagné ses premiers plans : un train et un héliport ont remplacé les routes et l’aéroport initialement prévus. Cependant, rien ne dit que cette zone ne sera pas, un jour, parcourue par les bus des touristes ou par les camions des entreprises forestières, si les « routes touristiques » que projette l’organisation Mundo Maya, une composante du plan Puebla-Panamá (4), voient le jour. Mundo Maya regroupe la Banque interaméricaine de développement (BID) et les ministres du tourisme du Mexique, du Guatemala, du Honduras, du Salvador et du Belize pour développer un tourisme « vert » et bénéfique pour les populations locales... tout au moins dans les intentions.

Dans les faits, les objectifs de Mundo Maya visent à « faciliter les déplacements des touristes entre les sites archéologiques mayas et créer des infrastructures de tourisme (5) ». Autrement dit, établir des voies de communication entre les sites de Palenque et Tulum au Mexique, Tikal au Guatemala et Copán au Honduras, qui traverseront la zone encore intacte de la RBM, très près du Mirador (6). Officiellement, la région s’est engagée à développer « un tourisme plus respectueux des cultures et de l’environnement dont les bénéfices permettent de combattre la pauvreté (7) ». En réalité, cette politique risque de provoquer rapidement le contraire.

Au Mexique, les côtes du pays se bétonnent, avec cent quarante-deux projets en cours de réalisation (sur deux cent soixante prévus) pour accroître l’« offre plage » (8). A l’exception notable du Costa Rica, qui met en œuvre une politique de conservation, l’Amérique centrale a compris que la nature se vend bien. Toutefois, les projets classés « écotourisme » impliquent bien souvent que l’activité se déroule dans la nature, sans prévoir ni participation des habitants à la définition et à la gestion du projet ni aménagements écologiques pour réduire l’impact de l’activité. Les investisseurs privés étant demandeurs de lieux vierges, protégés, les pays fournissent la matière première et, employant les recettes du tourisme classique, chaque administration rêve de développer un « grand projet » pendant son mandat.

Le président mexicain Vicente Fox a soutenu dès son élection, en 2000, une désastreuse initiative de Fonatur, l’instance fédérale chargée de l’essor du tourisme. Il s’agit d’exploiter le « dernier aquarium mondial », en Basse-Californie, région d’une biodiversité marine unique et lieu de reproduction de la baleine grise et du requin-baleine. Sur deux cent quarante-quatre îles (9), très sensibles aux sources de pollutions sonore et chimique, le projet Mar de Cortés veut attirer les yachts américains, construire vingt-quatre marinas susceptibles de recevoir cinquante mille embarcations privées. Cinq millions de touristes sont espérés d’ici à 2014.

Les investisseurs privés ont les mains libres : le projet Paraíso del Mar (« Paradis de la mer »), une des composantes de Mar de Cortés, a débuté sans disposer des autorisations nécessaires ni d’étude d’impact en bonne et due forme. Sur 500 hectares, il prévoit la construction de mille cinq cents villas, deux mille chambres d’hôtel, deux golfs, un centre commercial, un parc récréatif et deux hôpitaux privés, pour un investissement estimé à 900 millions de dollars. Face aux agissements des investisseurs (construction de routes sans autorisation, destruction de mangroves...), l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) vient de classer les îles du golfe de Californie, censées être protégées par le Mexique depuis 1978, au Patrimoine mondial de l’humanité. Il est significatif que ni le gouverneur de l’Etat, M. Narciso Agúndez, ni le maire de La Paz, M. Victor Castro Cosío, n’aient assisté à la cérémonie officielle de classement du site par l’Unesco, le 23 août 2005, alors que tous les deux avaient inauguré le chantier de Paraíso del Mar. « L’Unesco ne pourra réglementer quoi que ce soit face au tourisme, elle n’en a pas les facultés », déplore M. Gonzalo Halffter, expert auprès de l’organisation, qui ne peut intervenir que si un gouvernement le lui demande – et ce n’est pas le cas de l’Etat mexicain. En revanche, un réseau d’associations locales, Ciudadanos Preocupados AC, a attaqué en justice ces projets privés en raison « des études d’impact qui oublient la présence des baleines ou des mangroves ». D’après ce réseau, « le contexte social est nié, et le développement local est tout sauf une priorité ».

Le Honduras pratique aussi l’« écotourisme » sur une des plus belles portions de la côte caraïbe, à l’entrée du parc national Jeanette Kawas, terre des Garifunas, population afro-créole installée ici depuis 1880. Sur la côte, le pays a déjà « vendu » aux Nord-Américains ses îles pour la plongée – autour de Roatán, où l’on parle anglais et paie en dollars – et ses terres agricoles pour les ananas de la compagnie américaine United Fruit (devenue, depuis 1990, Chiquita Brands Company). Restait donc cette partie de côte ourlée de cocotiers jusqu’ici oubliée du gouvernement de Tegucigalpa.

Au nom du très pratique « intérêt national », l’Institut du tourisme du Honduras a purement et simplement exproprié 300 hectares de littoral sans indemniser les Garifunas. En 2004, il a vendu cette bande de terre 19 millions de dollars à la société privée qui s’est constituée pour réaliser le grand projet Micos Beach & Golf Resort. Cette dénomination a d’ailleurs ému plus d’un Garifuna. « Dans notre langue, micos signifie singe et il n’y a jamais eu de singe par ici. Leurs seuls singes sur la plage, c’est nous, les Garifunas ! », explique le jeune Alex Podilla, président de Pélican Café, association de promotion de la culture garifuna. Pas de singes donc, mais un golf de 25 hectares, deux mille chambres d’hôtel, cent soixante-dix villas, un centre de convention, une marina, etc. Si l’attraction principale est bien le parc national où doivent se dérouler, sans plus de précisions, « plusieurs activités », selon les promoteurs, « la danse et la musique garifunas ont aussi beaucoup d’attraits ». Les antres du tourisme sexuel sont-ils déjà prévus ?

Dans ces trois grands projets – El Mirador, Mar de Cortés et Micos Beach –, la nature est exploitée et vendue, comme l’a été, il y a quarante ans, la magnifique baie d’Acapulco. Les méthodes employées n’ont guère changé : corruption des autorités, information tronquée, indemnisation ridicule ou inexistante des terres, déni continuel des conséquences écologiques et sociales. A l’origine, on trouve les mêmes promoteurs et investisseurs (dénommés aussi « coyotes du tourisme » pour l’achat à bas prix des terrains), en quête des derniers bijoux intacts de la planète.

On est très loin des engagements pris par l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) et par les Etats en la matière, à travers le code mondial d’éthique du tourisme et la déclaration de Québec sur l’écotourisme (10). Et à des années-lumière d’une véritable définition de ce dernier. Sous couvert de conservation (réelle ou non), cette dénomination conduit à une privatisation encore plus rapide des ressources naturelles que ce que permettait le tourisme classique. Les projets affichent parfois des aménagements écologiques, mais tous exigent des garanties sur la propriété de la terre et poussent les habitants vers la sortie.

La communauté locale perd sa terre, sa réserve de pêche ou sa source d’eau, c’est-à-dire tout ce qui lui permet de survivre. Parfois, les zones fédérales (plages, bords des rivières, forêts) tombent dans les mains du privé par un tour de passe-passe d’une illégalité déconcertante. En fait, ces programmes réservent les dernières baleines, les ultimes ceibas (l’arbre emblème du Guatemala) ou le lagon des Garifunas aux plus fortunés, ceux qui justement auront contribué le plus à leur destruction. Il deviendra alors normal de payer, et de payer cher, pour profiter d’une nature préservée. El Mirador compte sur le tourisme européen (plus cultivé), quand Mar de Cortés et Micos Beach sont taillés sur mesure pour les Américains.

L’utilisation frauduleuse de la dénomination « écotourisme » n’est pourtant guère dénoncée. L’écotourisme en général bénéficie d’une bonne image, et son développement est d’actualité. Pour les agences de développement internationales, il semble même être devenu une panacée. En Amérique centrale et au Mexique, agences de l’Organisation des Nations unies (ONU) (11), organismes de financement, BID, Banque mondiale, United States Agency for International Development (Usaid) et Union européenne ont dans leurs cartons de multiples projets pour les communautés locales (12). Ils justifient les avantages de cette politique, au nom de la création d’une économie locale, de la formation professionnelle et de la prise de conscience par les habitants de la richesse de leur patrimoine naturel et culturel. Une formule presque parfaite en somme, qui répondrait à la nécessité de valoriser le patrimoine tout en assurant sa conservation.

Des organismes comme l’organisation non gouvernementale (ONG) Conservation internationale et la BID, pourtant très critiqués pour les politiques qu’ils ont menées dans la région, ont quand même financé, dans les années 1990, de petits projets de tourisme 100 % communautaires dans lesquels les habitants assurent une vraie préservation du milieu grâce aux gains obtenus du tourisme.

Dans les projets du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), explique M. Diego Masera, responsable du tourisme pour l’Amérique au sein de cette organisation, « la participation de la communauté est le moteur du processus de conservation, et aucune activité de tourisme ne se fait sans la population ». En revanche, du côté des Etats, la donnée « communautaire », c’est-à-dire la création et la gestion du projet par les habitants, pose un nouveau problème. Une communauté organisée et consciente de la valeur de ses ressources naturelles, se révèle moins à même de vendre sa terre à bas prix, de laisser privatiser sa source d’eau ou sa cascade.

Au Chiapas, les projets d’écotourisme promus par les gouvernements (local et fédéral) ne se fondent pas sur le modèle communautaire, mais tendent à promouvoir un tourisme familial et privé. Le gouvernement local ne cesse de vanter l’écotourisme comme la « solution aux problèmes économiques du Chiapas », mais finance depuis quelques années les pires projets d’écotourisme du Mexique... Selon M. Maxime Kieffer, consultant dans ce secteur, qui vient d’enquêter au Chiapas, « les habitants n’ont pas été consultés dans la phase préparatoire. On leur présente l’activité et les cabanes toutes prêtes, en béton, sans aucun aménagement écologique pour limiter les pollutions. Les responsables ne sont pas formés, il n’y a pas de gestion collective, pas de projet de développement local, même pas une réflexion sur les déchets ». Pis : quand les communautés refusent un projet sur leurs terres, les méthodes employées pour les convaincre laissent présager un sombre avenir dans la région. Ainsi, le conseil autonome de la communauté zapatiste Roberto Barrios a dénoncé à plusieurs reprises les intimidations de fonctionnaires publics comme celles d’investisseurs privés pour créer un projet d’écotourisme proche de ses cascades. Or le premier droit d’une communauté est de pouvoir refuser l’arrivée de visiteurs sur ses terres – donc de ne pas se voir imposer de projets, même s’« ils sont très, très bien », comme le répète sans cesse à la presse la responsable du tourisme au Chiapas.

Ces projets sont également financés par l’Union européenne à travers le programme Prodesis. Avec un tel partenaire – le gouvernement pourtant peu recommandable de M. Pablo Salazar (Parti révolutionnaire institutionel [PRI]) –, l’Union appuie des projets touristiques qui n’ont rien d’écologique et sont, sur bien des points, contraires aux règles de base de l’écotourisme. Dans la communauté lacandone de Lacanjá Chansayab, les familles gèrent des projets privés sans aucune collaboration entre elles. Elles reconnaissent porter toujours leur tunique traditionnelle (13) parce que les formateurs envoyés par Sectur (le ministère du tourisme) leur ont assuré que les touristes voulaient les voir ainsi.

Si l’on en croit les dépliants, le Chiapas est le royaume de la nature et de la paix. Le vert de l’écotourisme ferait ainsi disparaître le kaki des soldats, qui n’ont pourtant jamais quitté la région depuis 1994, date du soulèvement zapatiste. La communication est en effet astucieuse et pourrait bien fonctionner. Dans le bureau local de Sectur, à Tuxtla Gutiérrez, on reconnaît que les projets montés ne respectent pas les principes-clés de l’écotourisme, mais que le concept est utilisé dans toute la promotion du gouvernement.

En coprésidant le second Forum international du tourisme solidaire (FITS) au Chiapas en mars 2006, la France a pourtant cautionné cette fausse image. M. Fox, le même qui propose la destruction de la Basse-Californie, a été accueilli par M. Salazar, comme « le grand fondateur du tourisme solidaire ». Les efforts du Chiapas en la matière ont été abondamment vantés par M. Jean-Louis Dieux, vice-président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, pour lequel le Chiapas est un pionnier et bientôt un modèle du tourisme solidaire... Au même moment, les participants au forum venus d’Afrique et d’Asie se plaignaient dans une lettre ouverte aux organisateurs de « n’avoir discuté avec aucune communauté lors des visites de terrain ». Une preuve supplémentaire que la vision impulsée par le gouvernement local n’est pas exactement la même que celle des participants à ce forum.

Au sein du FITS comme ailleurs, le sauvetage de l’appellation « écotourisme » est devenu une priorité des réseaux, associations, universitaires qui défendent le concept. Le label, en particulier pour le tourisme solidaire, est apparu au départ comme la solution la plus indiquée.

Un label du tourisme solidaire garantirait, en plus d’un souci de préservation du milieu, la gestion par les habitants du projet de tourisme et un réinvestissement d’une part des bénéfices dans des services communs. En France, les voyagistes solidaires regroupés dans l’Association pour un tourisme équitable et solidaire (ATES) ont invité Fairtrade Labelling Organizations (FLO) (14), qui surveille la chaîne du commerce équitable, à travailler sur ce thème. Ces associations devenues voyagistes ont en effet tout intérêt à jouer la transparence et à mettre en avant leurs actions de solidarité et leur éthique, quand d’autres agences se limitent à un code de bonne conduite mais utilisent les termes attractifs de « tourisme responsable » dans leur communication.

Mais la certification reste un processus lourd, complexe et coûteux. Pour M. Ernest Cañada, responsable de l’ONG espagnole Action pour un tourisme responsable (ATR), « les frais de certification liés au label écartent les petits projets ». Au Mexique, par exemple, le coût de certification du label du commerce équitable avoisine les 2 000 euros par an pour une organisation de producteurs de café. « De plus, poursuit M. Cañada, en labellisant le café de multinationales comme Nestlé, McDonald’s ou Carrefour, FLO a pris un autre chemin. Certifier l’activité d’écotourisme que mèneront bientôt les chaînes hôtelières, qui continueront par ailleurs de violer les droits de leurs salariés, n’a pour nous aucun sens. »

Pour ne pas reproduire les erreurs de labellisation du commerce équitable, les frais de certification ne devraient pas être assumés par le projet, afin que les plus petits – qui sont la majorité – aient également accès à ce réseau. Mais, surtout, un label de tourisme solidaire, durable ou responsable, devrait dans ses fondements exclure de la compétition les grands groupes de tourisme.

Labellisé ou non, l’écotourisme doit cesser de tromper son client. L’activité n’est pas une solution universelle qui peut s’appliquer partout : il n’est pas possible de reconvertir tous les peuples qui vivent près d’un site archéologique ou dans une forêt primaire en « guides » sous prétexte de protection ou de développement social. Le gouvernement du Chiapas mine dangereusement l’avenir en misant, si vite et si mal, sur la case « écotourisme ». Et, de même que le commerce équitable n’a pas enrayé la crise du café dans la région, l’écotourisme « frelaté » ne fera pas grand-chose contre la pauvreté.


NOTES :

(1) L’Université de Californie, la National Geographic Society, Counterpart International, ou encore Global Heritage Fund.

(2) Au Chiapas, l’organisation Maderas del Pueblo a dénoncé plusieurs fois des programmes de biopiraterie affublés du nom d’écotourisme. A ce jour, ces accusations ne sont pas prouvées, mais aucune investigation sérieuse n’a été menée par les autorités.

(3) Le FSC est une organisation non gouvernementale (ONG) qui regroupe depuis 1993 des propriétaires forestiers, des entreprises de la filière bois, des groupes sociaux et des associations écologistes. Le label FSC se base sur dix principes et cinquante-six critères, avec vérification menée par des sociétés de certification indépendantes.

(4) Le plan Puebla-Panamá est un plan de « développement » censé créer des infrastructures (routes, ports, barrages, etc.) pour l’implantation d’activités économiques (maquilladoras, mines, etc.) du Panamá jusqu’à l’Etat de Puebla, au Mexique. Lire Braulio Moro, « Une recolonisation nommée “plan Puebla-Panamá” », Le Monde diplomatique, décembre 2002.

(5) Documents de la BID, projets tourisme, plan Puebla-Panamá, www.iadb.org/ppp

(6) Voir le dossier de l’ONG guatémaltèque Trópico Verde, « Qué es el proyecto Mundo Maya ? »

(7) « Déclaration des îles de Galápagos » (2002), sommet ibéro- américain et caraïbe des vingt ministres du tourisme et de l’environnement (Equateur). Engagements réitérés par les mêmes en septembre 2004 avec la « Déclaration du fleuve Amazonas », lors du sommet d’Iquitos (Brésil).

(8) Les autres segments comprennent le tourisme culturel, le tourisme d’affaires, le tourisme de croisière, le tourisme d’aventure et l’écotourisme. Source : Sectur (ministère du tourisme mexicain), Proyectos en desarrollo, Mexico, 2005.

(9) Pour l’Unesco, ces îles abritent la biodiversité marine la plus riche : huit cent quatre-vingt-onze espèces de poissons, six cent quatre-vingt-quinze espèces de plantes aquatiques, et un tiers des cétacés.

(10) Adoptée en mai 2002, après l’année internationale de l’écotourisme en 2001.

(11) Organisation internationale du travail (OIT), Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), OMT.

(12) La plupart des projets concernent des communautés paysannes ou indigènes installées dans des environnements protégés par une législation nationale ou internationale (les réserves de la biosphère de l’Unesco, le corridor biologique méso-américain...).

(13) Les Lacandons ne sont pas le peuple originaire de la « forêt lacandone », même si le gouvernement « vend » cette fausse identité. Cette population maya est originaire de la péninsule du Yucatán.

(14) FLO est né en 1997 pour regrouper une vingtaine d’associations du commerce équitable dans le monde (dont Max Havelaar). En 2004, FLO-Cert a certifié cinq cent quarante-huit coopératives (www.fairtrade.net).


Anne Vigna est journaliste et présidente de l’association EchoWay (promotion de l’écotourisme solidaire).

LE MONDE DIPLOMATIQUE | juillet 2006 | Pages 14 et 15

http://www.monde-diplomatique.fr/2006/07/VIGNA/13608

responsabilite

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  • Concernant la labellisation, il est important de savoir que les associations type FLO proposent un partenariat sur des longues durées. cela permet notamment de ne faire payer la labellisation que lorsque l’activité est en place et "rapporte " aux petits artisans ou aux cooperatives de quoi vivre décemment. Les associations comme Max Havellaar assument ainsi les frais de mise en place des filieres de commercialisation. Le label n’est interressant que si il s’accompagne d’un vrai soutien et d’un conseil dans la gestion et le developpement des activités. Sans interventionnisme et dans le respect des cultures locales mais juste en apportant le recul necessaire a un développement responsable et cohérent.

    et là dessus la labellisation du commerce equitable est loin d’avoir fait des erreurs au contraire : elle fait reference et elle est meme regulierement appelée à reflechir et à étendre son domaine d’activité.

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