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DIAL 3197

CÔNE SUD - Le Quiproquo historique chez les Guarani. 2, Le quiproquo missionnaire

Dominique Temple

mercredi 13 juin 2012, mis en ligne par Dial

Ce texte de Dominique Temple, dont la première partie a été publiée dans le numéro de mai 2012, prolonge par une perspective plus historique celui du philosophe bolivien Javier Medina, paru dans le numéro de décembre 2011 (DIAL 3174 - « Ch’ulla et Yanantin, les deux matrices civilisationnelles de l’Orient et de l’Occident »). À partir de la notion de réciprocité, sur laquelle l’auteur a beaucoup travaillé [1], D. Temple met en évidence l’ampleur du malentendu initial – ce qu’il appelle le « Quiproquo historique » – entre peuples indiens et conquistadores espagnols. Ce texte a d’abord été publié en espagnol en 2002 (Dominique Temple, « El quid pro quo guaraní », dans Ñande reko  : la comprensión guaraní de la vida buena, édité par Javier Medina, La Paz, FAM-Bolivia / Programme de soutien à la gestion publique décentralisée et de lutte contre la pauvreté, « Gestión Pública Intercultural » n° 7, 2002, p. 44-85.) puis repris dans Teoría de la reciprocidad (2003). Il est aussi disponible en français sur le site de l’auteur.


Le « teko » : « mode d’être » guarani

Jusqu’à présent, les Espagnols ont eu affaire aux tubicha, autorités politiques et guerrières dirigeant de grandes communautés. Ces communautés étaient établies sur les rives des fleuves où l’agriculture était prospère. Les Espagnols ont détruit ces nations agricoles, ils ont exécuté les tubicha, et les Guarani ont trouvé refuge dans les forêts plus montagneuses où les communautés sont plus petites, nomades, difficiles à localiser et à dominer.

L’organisation sociale guarani se révèle alors diversifiée et complexe. La structure fondamentale, le tekoha, est une unité de production-consommation, unité de vie religieuse et politique qui réunit sur un même territoire des familles d’un seul lignage. Toutes les familles vivent sous l’autorité du pa’ï, responsable de la communauté, gardien de la Tradition, et qui a souvent des pouvoirs magiques, à moins que ceux-ci ne soient réservés à un chaman, le paje.

Les deux modèles culturels de Susnik

B. Susnik [2] a mis en évidence deux modèles culturels qui polarisent différemment l’évolution de cette organisation de base. Le premier est celui du tekoha guasu, le « grand tekoha » qui rassemble plusieurs maisons en un village bien protégé de palissades. Ces villages pouvaient s’allier et former des sortes de fédérations que les Espagnols reconnurent comme des provinces et qu’ils nommèrent du nom du tubicha qui y jouissait du plus grand prestige appelé mburivicha. Susnik soutient qu’il y avait même différenciation et complémentarité des villages fédérés, les uns spécialisés dans l’agriculture, les autres dans la défense ou la guerre. Dans ces tekoha guasu, les autorités « politiques » auraient eu une importance supérieure aux autorités « religieuses ».

Le second modèle culturel de Susnik est celui des « montagnards » (les kanigua). Dans les zones montagneuses, les familles sont obligées de se disperser pour faire face à la précarité des ressources. Les « toits » abritent seulement une maisonnée de quelques familles, voire une famille, ce sont les tey’i.

Les conditions de vie seraient donc déterminantes de ce qui, pour Susnik, représente les étapes d’une évolution. Le tey’i traduirait un état primitif, le tekoha le début d’une organisation sociale, et le tekoha guasu la forme la plus évoluée de la société guarani.

Les deux évolutions de Melià

Bartomeu Melià a reconsidéré cette opposition en observant la relation des Axé du Paraguay avec les Guarani. Il reprend d’abord l’opposition de Susnik.

« Des indices culturels et linguistiques à la fois paraissent insinuer que, comme le dit poétiquement un mythe guarani [...], Axé et Guarani dansèrent ensemble ; mais, plus tard, la communauté se défait et le processus de développement des Axé se retourna pour régresser jusqu’à l’extrême de ce que l’histoire nous propose. Les Axé souffrirent une régression culturelle ; ils perdirent une partie du patrimoine culturel qu’ils avaient acquis probablement avec les Guarani [...]. Quelle aura été la tragédie ? Il est difficile de la conjecturer. La région orientale du Paraguay se divise en champs fertiles et cordillères basses, couvertes de bois et moins favorables à l’agriculture. En simplifiant un peu, les Axé occupaient jusqu’à des temps récents, les parties les moins accessibles des cordillères boisées, et les Guarani, les champs fertiles et les bois d’accès plus faciles » [3].

On pourrait conclure que les Guarani ont pris l’avantage sur les Axé et qu’ils les ont relégués dans les montagnes où ceux-ci auraient régressé par le seul fait de leur marginalisation historique, mais l’analyse de Melià est plus profonde : ce qui apparaît comme une régression des Axé du point de vue des Guarani, est en fait une évolution en sens opposé. Et l’évolution des Guarani est, du point de vue des Axé, une régression.

Les Axé se seraient spécialisés dans une économie prédatrice au fur et à mesure que les Guarani auraient davantage maîtrisé agriculture et élevage. Les Guarani auraient colonisé les terres fertiles contraignant les Axé à se réfugier sur des territoires propices à la cueillette et à la chasse, mais alors les Axé leur auraient fermé l’accès à ces territoires, les contraignant à ne tirer leurs ressources que des terres cultivables. Cette différenciation mutuelle n’était-elle pas déjà motrice des « modèles culturels » de Susnik avant la colonisation ?

« Dans une situation semblable à celle des Axé, nous trouvons certains groupes guarani. C’est à eux que se réfère Susnik sous la dénomination de « Guarani montagnards ». Ces Guarani, qui pratiquaient l’agriculture mais qui habitaient cependant la montagne, occupent une position intermédiaire entre les Axé et le reste des Guarani » [4].

Les deux Paroles originaires

La distinction de deux évolutions, proposée par Melià, suggère qu’il pourrait y avoir deux principes d’évolution, deux Paroles fondatrices capables d’organiser la société. S’il n’existait qu’un seul principe d’organisation sociale, l’évolution serait, comme le propose Susnik, linéaire. Or, dans tout teko (mode d’être) guarani, on trouve une « dualité de principes » ou de « paroles fondatrices ». Les termes de « politique » et de « religieux » sont très souvent employés pour caractériser l’un et l’autre.

Le pa’ï du tekoha guarani, qui devient tubicha des tekoha guasu ou même cacique (mburuvicha) d’une province, est un chef « politique ». Mais il est surtout un coordinateur ou un sage réputé : les différentes activités de la communauté tendent chacune à un statut particulier. Susnik distingue dans cette différenciation les compétences guerrière, agricole, religieuse, médicale...

Par contre, dans les tey’i, le pa’ï assure à lui seul toutes les fonctions. Ce cumul serait-il dû seulement à la réduction de la communauté à de petites dimensions démographiques ? La fragmentation des tekoha, l’errance, l’isolement, le repli sur les rites fondamentaux peuvent aussi conduire paradoxalement à de vastes rassemblements lorsque des événements graves menacent toutes ces communautés. Que les terres s’épuisent, que les palmiers manquent, que l’ennemi s’annonce, les Guarani changent de territoire ; que des épidémies sévissent, que les récoltes soient compromises... alors les Guarani quittent le pays. Des paje particulièrement redoutables, probablement devenus de grands chamans, deviennent des guides prophétiques : les karaï. Or, il n’y a pas alors différenciation de statuts, bien au contraire. Le karaï rassemble toutes les énergies dans une seule parole dont on dit plus que jamais qu’elle est d’essence religieuse.

À partir du choc colonial, ces migrations prennent une importance considérable. C’est que le teko guarani lui-même est en péril. Et sa vision du bonheur se réfugie dans l’espérance d’une terre promise, provoquant des migrations de populations importantes sur de grandes distances. Ces migrations ont donné lieu à de nombreux commentaires centrés sur le thème de la « terre sans mal » (tierra sin mal) que les karaï promettent au terme du voyage. Les chamans de l’époque coloniale ont en effet intégré certaines visions chrétiennes dans les motivations de leurs exodes, bien que le fond religieux guarani ait suffisamment de ressources pour autoriser des visions prophétiques ou mystiques [5].

Cependant, Melià estime qu’avant la colonisation, les expressions guarani que l’on traduit par la « terre sans mal » pouvaient simplement signifier un terroir agricole vierge ou qui ne soit pas épuisé par les cultures, car le teko guarani est indissoluble des conditions de vie. Pour donner à autrui, pour établir ces relations de réciprocité qui sont à la base des valeurs sociales de toute communauté, il faut produire, et puisque les Guarani sont avant tout des agriculteurs qui cultivent le maïs et le manioc, il faut mobiliser la terre pour cette production, ouvrir des clairières dans la forêt en ménageant des arbres qui tiennent le sol et le protègent du soleil ou de la violence de la pluie... La terre est donc intégrée au mode d’existence qui lui-même est intégré au teko, au mode d’être ; car si l’invitation et la fête engendrent la paix et l’amitié, pour inviter et donner de grandes fêtes, il faut disposer du cawin, cette bière très fine obtenue à partir de la fermentation du maïs ou du manioc. La « terre sans mal » n’est donc pas une terre promise mais plutôt la terre vierge, celle de la forêt riche d’humus et de palmiers... qui permet au travail humain de produire beaucoup de fruits.

Nous suggérons cependant l’hypothèse de deux « Paroles » guarani, qui orienteraient deux évolutions : Pa’ï-tubicha-mburivicha (cacique) d’une part, et, d’autre part, Pa’ï-paje-karaï, car on ne saurait voir dans l’évolution du chaman (paje) en karaï une régression, ni encore seulement une adaptation écologique. Mais, évidemment, chacune de ces potentialités différentes de la parole s’est épanouie chaque fois que les conditions lui ont été favorables.

La rencontre « franciscaine »

Lorsque les Franciscains arrivent au Paraguay, ils héritent d’une situation dramatique. Toutes les grandes communautés agricoles du Paraguay ont été détruites. Alors que Schmidl était reçu par des communautés si grandes qu’il les appelait des « nations », et qu’il chiffrait chacune à plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’hommes (les Timbu : 15000 hommes ; les Coronda : 12000 ; les Quiloaza : 40000 ; les Mocorete : 18000 ; les Mapeni : 100000 !). Quelques années plus tard, le Jésuite Antonio Ruiz de Montoya a de la peine à trouver des régions où il puisse rassembler quelques dizaines de familles ou quelques centaines de Guarani pour fonder une « réduction » :

« Vivaient là environ 200 Indiens qui reçurent les Pères avec beaucoup d’amour. Ils élevèrent là l’étendard de la croix ; ils firent une petite hutte pour l’église qu’ils nommèrent Notre Dame de Loreto » [6].

Et les « réductions » elles-mêmes sont définies comme le rassemblement de familles éparses dans la montagne :

« Nous appelons “réductions” les villages d’Indiens qui, vivant selon leur antique coutume dans les bois, cordillères et vallons et des ravins secrets, dans trois, quatre ou six maisons isolées, séparés d’une, deux ou trois lieues ou plus les uns des autres, furent réduits par la diligence des Pères à de grandes populations et à une vie politique et humaine... » [7].

Mais tout peut être rejoué car c’est avec une parole religieuse qu’ils vont à la rencontre des Guarani. Leur premier objectif sera d’arrêter leur fuite, de les regrouper, de les sédentariser dans ce que les Espagnols appelaient des « réductions », c’est-à-dire des réserves où devait être développée la « civilisation » mais où l’on ne rencontre en réalité que l’esclavage, avant que n’interviennent les missionnaires.

Pour faire reconnaître leur autorité, les Franciscains devront affronter les paje, ou les karaï, à la tête de communautés devenues très sensibles à la parole « religieuse » ou « prophétique », parole qui réconforte ou réanime leur teko menacé.

On peut reconnaître dans le succès des missions franciscaines l’effet d’une dynamique réactionnelle : la fuite de l’encomienda espagnole (la propriété coloniale sur laquelle les Indiens sont réduits au servage) et la recherche d’une nouvelle « territorialité », d’un nouveau tekoha sous la protection des missionnaires. Dans les « réductions », la terre est en effet le bien de tous ; le don et la réciprocité redeviennent les fondements du travail. Les Guarani se rendent compte que le statut de la « terre » est une question capitale puisque sa privatisation conduit à la disparition de leur tekoha et donc de leur teko. Et depuis cette époque, ils en ont toujours fait un enjeu crucial de leurs rapports avec le monde occidental.

« Pour eux (les Guarani actuels du Paraguay), la terre est une source de subsistance qui fut créée pour l’usage de tous. Seul Dieu possède la terre. La culture de la terre, comme le fruit de la terre est la même chose que de créer des enfants. Acheter des terres, par conséquent, serait la même chose qu’acheter l’homme ; ce qui signifierait la perte du concept moral de l’être humain et par suite, de la dignité transcendantale d’être homme » [8].

Mais il y a un autre motif à cette réussite, un indéniable avantage économique : dans les « réductions », les Guarani acquièrent des haches de fer qui leur permettent de cultiver plus facilement de vastes vergers, de créer de nombreux excédents et de multiplier les fêtes. Les « réductions » ne sont donc pas seulement un refuge pour la restauration d’une territorialité guarani mais l’opportunité d’un développement du système de la réciprocité des dons.

« Or, à l’intérieur de cette tendance, on peut lire à l’origine de quelques réductions, l’intérêt que certains caciques montraient pour la formation de bourgades plus grandes et potentiellement plus fortes » [9].

Les missionnaires réalisent en quelque sorte le rêve des tubicha : de grands villages où peuvent être organisées [10] des fêtes, des spectacles, et où peuvent se différencier de nombreux statuts. Mais alors, l’expérience religieuse centrée sur la redistribution et l’organisation collective selon l’imaginaire des paje est remise en question. Les religieux chrétiens s’allient en effet avec les tubicha guarani ! Mais cette alliance se fait au détriment des paje. Melià observe :

« Les lettres qui relatent les premiers pas de la fondation d’une nouvelle réduction sont pleines de ces conventions passées entre les missionnaires et un ou plusieurs caciques. […] Comme, d’autre part, il arrivait que le cacique se heurte dans sa communauté ou aux alentours à quelque chaman ou sorcier qui, avec ses visions prophétiques et ses appels radicaux à la tradition, s’opposait au pacte colonial, cacique et missionnaire en venaient parfois à se convertir également en alliés pour éliminer le caractère contestataire du sorcier qui était marginalisé, et ils parvenaient ainsi à annuler sa possible influence » [11].

Les religieux s’attribuent l’autorité suprême par le don aux caciques (nom que les Espagnols donnent aux tubicha) des capacités de production qui renforcent leur prestige. En contrepartie, les caciques assurent la défaite des paje et le succès des références religieuses missionnaires.

Le compromis historique des « réductions » n’est pas l’œuvre exclusive des missionnaires. Y contribue la partie amérindienne : la défaite des chamans-prophètes fut sans doute celle de chamans religieux devant des caciques politiques qui entendaient poursuivre le développement de la réciprocité positive grâce à la perspective ouverte par les Franciscains. Le compromis comporte une défaite de la parole « religieuse » guarani devant la parole « politique » guarani, et une soumission de la parole « politique » guarani à une parole « religieuse » occidentale afin d’échapper au servage.

Le Quiproquo masqué

Pour les encomenderos, la pacification religieuse n’est que l’occasion de rassembler les Guarani dans de vastes camps où il redevient possible de se procurer de la main-d’œuvre sans s’inquiéter de l’entretien de leurs familles. Cette main-d’œuvre est à leur merci. Les missionnaires sont, de leur point de vue, des « collaborateurs » de la colonisation [12].

Il est vrai que la « réduction » franciscaine résulte d’un accord entre le gouverneur Hernandarias et le Franciscain Bolaños (1580). Le point faible des missionnaires est leur dépendance vis-à-vis des objets du don grâce auxquels ils acquièrent leur prestige politique. Ces objets, ils ne les produisent pas. Ils sont donc obligés de les obtenir des colons : les colons fournissent les haches de fer et les autres richesses qui orientent le cycle de la réciprocité au bénéfice des missionnaires. Mais ils ne « donnent » pas, ils exigent des religieux une contrepartie. Les colons, en fournissant les objets du « don franciscain », s’octroient une créance qu’ils entendent recouvrir ensuite en force de travail. La « réduction » reproduit le quiproquo sous le masque missionnaire : le prix du don, c’est le service personnel.

Dans la rencontre guarani-franciscaine, l’étranger s’avance donc sous le masque du don. Les Franciscains dépendent de l’autorité administrative d’Asunción. Ils dépendent surtout de la richesse coloniale. La « pauvreté » des Franciscains se retourne ici contre sa finalité, car pour garder leur titre de grands donateurs vis-à-vis des Guarani, ils sont obligés de passer sous le joug colonial. Même s’ils veulent évangéliser hors du contexte de l’encomienda, ils doivent accepter que les colons prennent serviteurs, ouvriers et même femmes dans les communautés qui se mettent sous leur tutelle.

La hache du don

Quelle que soit la « réduction » franciscaine ou jésuite, la clef du pouvoir est la même. Alfred Métraux se demande :

« Pourquoi les Indiens reçurent-ils les Jésuites comme des amis et acceptèrent-ils jusqu’à leur tutelle ? La réponse à cette question n’est pas simple. La politique des Jésuites triompha pour différentes raisons, mais si nous lisons attentivement les lettres et relations qui nous décrivent leurs premiers contacts avec une tribu sauvage, nous noterons le rôle primordial que le fer joua [...]. Le fer créa entre ceux qui découvrirent son usage, une tyrannie invincible » [13].

Pour comprendre ce que fut cette révolution du fer, il faut se remettre en mémoire en quoi consiste ce changement de technique en termes de quantité de travail. Voici une description d’Up de Graff chez les Awajun (Jivaros du Haut Marañon) de l’abattage d’un arbre de la forêt avec la hache de pierre, citée par M. Harner dans sa monographie sur les Untsuri Suarä (les nombreux hommes jivaros de l’Équateur) [14] :

« Si vous aviez vu les haches de pierre maniées d’une seule main, qui sont les seuls outils dont ces gens disposent pour abattre des arbres énormes (dont certains mesurent un à deux mètres de diamètre) afin d’obtenir une clairière (dont la superficie peut aller jusqu’à trois hectares), vous vous demanderiez comment il est possible d’accomplir un tel exploit. C’est un exploit de patience plutôt que d’adresse : le bois n’est pas coupé, mais réduit en pulpe, avec six ou huit hommes travaillant en même temps tout autour de l’arbre. La première étape pour faire une « chacra » (de l’espagnol, jardin) est d’enlever la végétation touffue des fourrés ; les tiges tendres sont coupées avec des machettes de bois dur ; ce qui peut être arraché par des racines est arraché et des petits arbrisseaux sont brisés d’un coup sec. C’est alors qu’on s’occupe des arbres les plus grands. On taille un anneau dans le tronc de tous les arbres dans un rayon d’à peu près trente mètres autour d’un arbre géant qu’on a choisi, afin d’amoindrir leur résistance et de les préparer à la traction qui finira par les rompre. Enfin, on s’attaque au géant lui-même : un groupe armé de haches travaille pendant des jours et des semaines, jusqu’à ce que vienne enfin le jour où le tronc immense s’abatte. Mais il ne tombe pas seul car il entraîne dans sa chute tous les arbres plus petits de l’endroit qui étaient attachés à lui et dont, de surcroît, les branches supérieures se trouvaient liées entre elles par un réseau infrangible de plantes grimpantes [...]. J’ai bien des fois examiné les souches de ces arbres : elles ressemblent en tout point à celles qu’on trouve dans une clairière faite par des castors » [15].

Les nouvelles techniques, surtout celle du fer, auraient dû permettre aux Guarani d’accroître leur puissance et de faire face aux occupants, de rivaliser avec eux en termes de productivité, du moins. Au lieu de cela, elles les inféodent... mais c’est évidemment le don du fer et non pas le fer, comme le reconnaît finalement Métraux, qui « réduisit » les Guarani.

Les Guarani se sont inféodés aux donateurs, et loin de retourner contre eux les techniques acquises, ils les ont acceptées comme un don qui les soumettait à leur autorité. Ils sauront d’ailleurs le rappeler un jour aux Jésuites lorsque ceux-ci abandonneront le Paraguay en l’an de grâce 1768 [16]. Nombre de relations missionnaires font même état avec une certaine ingénuité du nombre de haches nécessaires pour... pacifier une région !

« Les caciques voisins se rassemblèrent et vinrent voir les Pères et prendre des haches (ce avec quoi ils se font prendre) parce que la hache étant reçue, ils s’obligent à la réduction ou s’ils veulent s’en aller, à la rendre [...]. En ce même jour, ayant fini de répartir deux cent haches avant de dire la messe, le père Roque écrivit un billet au père Pedro Romero (qui fut le dernier qu’il écrivit dans cette vie) dans lequel il disait que cette réduction était comme on pouvait la désirer, et que, s’ils avaient eu assez de haches, seraient venus plus de cinq cents Indiens » [17].

« D’autres atouts, qui peuvent être considérés comme mineurs mais qui probablement exercèrent une influence psychologique considérable sur les Indiens, étaient tous motifs d’attraction. Parfois, c’était des présents et cadeaux de tissus et objets de métal : couteaux, ciseaux, hameçons, aiguilles [...] ou bien encore la répartition de nourritures. » [18]

Les « réductions » jésuites

Ce sont les Jésuites qui, forts de leur sujétion directe à la couronne d’Espagne, pourront affronter le pouvoir colonial et refuser aux encomenderos l’accès aux réductions. Ils vont créer un État dans l’État, et définir les conditions d’un système de réciprocité qui seront acceptées des Guarani.

« La protection de l’Indien contre le service personnel qu’exigeaient les “encomenderos”, constitua un principe de base du plan jésuite de la réduction. Les pères qui s’en allèrent fonder les réductions du Guayrá portaient des instructions précises de leur provincial Diego Torres Bollo pour que l’entrée des Espagnols soit contrôlée et que d’aucune manière on permit que ces derniers ne sortent de “pièces”, c’est-à-dire des Indiens de service » [19].

La réduction jésuite est construite à partir de la distinction de deux secteurs bien improprement appelés « secteur privé » et « secteur commun ». Le secteur « privé » est celui de la production familiale guarani, traditionnellement communautaire, fondée par le don et la réciprocité mais ici réduite à la sphère familiale nucléaire et que l’on retrouve aujourd’hui toujours en vigueur dans les familles de paysans paraguayens. Il ne s’agit pas de secteur privé au sens capitaliste du terme, c’est-à-dire destiné à satisfaire un intérêt égoïste, mais d’un territoire sur lequel chacun exerce souverainement sa responsabilité de producteur-donateur, un territoire inviolable où l’autorité supérieure de la communauté ne peut empiéter par ses prérogatives sur l’autorité personnelle. La notion de secteur privé renvoie à la doctrine de François d’Assise fondée sur le don et la réciprocité. La conception du « domaine privé » de Thomas d’Aquin ne contredit peut-être pas celle des Guarani, et la conjonction Guarani-franciscain-jésuite pourrait ainsi s’expliquer parce que le « privé » se définit pour les uns comme pour les autres par le champ de la responsabilité individuelle du don et non pas par celui de l’intérêt privé.

Le secteur dit « commun » regroupe les activités du service public. La production est répartie en fonction des objectifs de la mission. Une part est redistribuée sous forme de fêtes prestigieuses, une part est versée en tribut à l’État. Le travail est, chez les Guarani, travail-pour-autrui, travail-pour-le-don. Le don du travail est de la responsabilité du producteur. Sa raison en est la dignité ou le prestige du donateur. Hors de cette relation entre le don et le prestige, le travail n’a pas de sens. Les Guarani n’ont pu accepter d’être dépossédés de leur autorité sur le travail que dans la mesure où ils purent se reconnaître comme membres d’une communauté supérieure, une communauté définie comme une communauté de redistribution et dont le nom, la renommée, leur revenait collectivement (le nom de chrétien). Ils crurent que ce nom-là leur appartenait et que les missionnaires étaient leurs nouveaux responsables [20].

Désormais, les Guarani travaillent collectivement sous l’autorité des missionnaires. Chaque producteur ne perd ainsi de son prestige personnel que pour le retrouver sous une forme collective dans une représentation religieuse. Les valeurs de prestige, obtenues par un tel don, ont seulement ceci de particulier de s’exprimer dans un imaginaire étranger. Et puisqu’ils retrouvent du prestige dans le nom de chrétiens, les Guarani vont l’honorer. S’explique alors comment les Guarani ont pu être les auteurs de cet art splendide des « réductions » jésuites, empruntant au baroque colonial mais l’enrichissant d’une présence naïve qui donne aux églises et aux statues qui restent de cette époque, une fraîcheur et une jeunesse particulière [21].

La substitution d’imaginaire

Au départ des Jésuites (1767), aucun Guarani ne pourra faire preuve d’assez d’autonomie et d’initiative pour assurer leur succession. Selon Susnik, le désarroi fut tel que devant la menace de privatisation de leurs terres, ils pensèrent que leur teko était définitivement perdu et s’enfuirent, parfois en abandonnant tout y compris leurs familles. Ce fut, d’un coup, un chaos généralisé. Personne ne fut en mesure de traiter avec les émissaires de Buenos Aires [22].

Si les Guarani surent défendre leurs « réductions » contre les attaques armées des Espagnols et des Portugais, ils furent incapables d’affronter la privatisation des terres par l’administration coloniale. Cet effondrement montre à quel point les Guarani avaient perdu le contrôle politique de leurs institutions. Ils avaient été, en réalité, placés sous « tutelle ».

La doctrine des missions a été parfois comparée à celle du communisme. Il y a en effet un aspect collectif de la production et de la redistribution et un déni de responsabilité par le pouvoir religieux qui peut être comparé à la collectivisation des systèmes communistes. Les commentateurs qui font ce rapprochement permettent de souligner ceci : la collectivisation décapite les producteurs-donateurs de leur responsabilité, de leur prestige personnel et de l’autorité politique qu’ils méritent. Mais les différentes formes du communisme que nous avons connues ne font aucune part au prestige, au nom, à la gloire. Elles se contentent d’une redistribution matérielle. Elles réduisent en fait la redistribution à un échange collectivisé. Elles prétendent imposer par la nationalisation des moyens de production, l’égalité. Elles entendent par cette égalité supprimer toute autorité transcendante, comme celle-là qui fut apportée aux Guarani par la parole religieuse des Jésuites.

Au contraire, les Jésuites reconnurent que le don des Guarani méritait de se traduire par une dignité supérieure. Cette dignité, ils l’ont exprimée par la liturgie, les fêtes, les danses, les arts. Les Jésuites voulurent exprimer un prestige guarani dans des catégories chrétiennes. La dépense gratuite des Guarani fut métamorphosée en gloire du nom, du nom de Dieu, du nom du Christ, du nom de Marie. En ce sens, les « réductions » sont fort différentes des expériences communistes modernes. Les Jésuites n’ont pas tant détruit les valeurs de renommée guarani qu’ils ne leur ont donné un autre visage.

« On sait par des sources ethnographiques que la valeur culturelle la plus importante des Guarani est la religion dans laquelle se structure leur mode d’être authentique et spécifique. Leur religion est une religion de la parole rêvée et dite par les chamans et dite en prière au cours de rituels prolongés. […] La religion de Jésus-Christ est aussi une religion de la parole qui au XVIe siècle, en pleine culture et style européen baroque, était une parole localisée de façon préférentielle dans le temple et s’appuyait énormément sur la représentation plastique et picturale et sur la sculpture à tel point que pour beaucoup de missionnaires, un peuple comme le peuple guarani, qui ne montrait ni temple ni idoles, n’avait pratiquement pas de religion. » [23].

« Or, dit encore Melià, la religion guarani n’était pas une religion du temple ni de l’image ni du culte, moins encore une religion du livre, mais une religion de la parole, rien que de la parole. Et c’est pourquoi l’affrontement le plus dur au début de la mission a été entre le missionnaire et le chanteur sorcier, le “paje”. Il ne faut pas confondre chez les anciens Guarani, le chef tubicha et le meneur du chant et de la danse qui est souvent sorcier. Les missionnaires ont respecté les premiers qu’ils ont même incorporés à l’organisation sociale des réductions, ils se sont attaqués aux seconds. En fait, l’opposition proprement religieuse venait de ces derniers [...]. Du sein des réductions, il fallait éliminer les “chanteurs”. Ce serait devenu possible grâce au remplacement du chaman par le missionnaire, remplacement que celui-ci peut ne pas prendre au sérieux, mais qui n’en a pas moins été réel » [24].

« La réduction, conclut Melià, ne réalisait pas au sens propre une conversion de la religion guarani, mais une substitution. » [25].

Retirer à autrui le droit ou la possibilité d’exprimer dans son imaginaire les valeurs de l’humanité qu’il crée sous le prétexte de le faire participer à une humanité déjà constituée, c’est le priver d’un droit fondamental. C’est peut-être pourquoi la civilisation des « réductions des Guarani » n’a pu se maintenir dans l’histoire. Mais il y a peut-être une autre contradiction entre les religieux guarani et chrétiens qui explique l’attitude de la mission. D’un côté, une théologie qui interprète une révélation donnée une fois pour toutes dans l’écriture, de l’autre une théogenèse car les danses rituelles, les longues pratiques ascétiques sont ordonnées à l’apparition de la Parole. Chaque Guarani reçoit en effet une « inspiration divine », une inspiration qui fait de lui un être-parole, mais au prix d’une activité génératrice de cette inspiration. Chaque pa’ï reçoit de ses pères les hymnes sacrés, mais il ne saurait ni les retenir ni les transmettre si lui-même ne pouvait les re-susciter par sa propre pratique sociale. Pour être inspiré, il faut une discipline, une pratique qui exige à son tour un rapport à l’autre particulier, celui de la réciprocité, et qui doit être renouvelé de façon permanente. La tradition orale est contrainte de se ressourcer constamment aux conditions d’origine de la révélation elle-même.

Sans doute les deux approches religieuses, jésuite et guarani, s’éloignaient-elles encore davantage l’une de l’autre pour une autre raison qui justifie cette fois que les missionnaires aient eu l’impression qu’il était nécessaire de procéder à une substitution radicale... Ils furent confrontés en effet avec un imaginaire qui faisait droit autant à la valeur issue de la réciprocité des dons qu’à celle issue de la réciprocité de vengeance, réciprocité de mort et de meurtre, et face à l’anthropophagie, ils se trouvèrent devant un problème dont nul ne sut, semble-t-il, découvrir la solution.

Ceux qu’ils nommaient les « hechiceros », les « sorciers », les « paje », exprimaient leur sentiment religieux autant sinon plus dans un imaginaire engendré par la dialectique de la vengeance que dans un imaginaire engendré par la dialectique du don. Or, nombreux sont les Guarani qui restèrent fidèles à cet imaginaire. Quelle est la raison de cette résistance des paje qui pouvait aller jusqu’au sacrifice ? Pour comprendre pourquoi certains Guarani préféraient la mort au christianisme, il faudrait découvrir les raisons de la réciprocité négative. Mais, ni les Franciscains ni les Jésuites ne surent interpréter la réciprocité de vengeance, et ils décidèrent de la combattre par la force [26].


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3197.
 Première publication (espagnol) : Dominique Temple, « El quid pro quo guaraní », dans Ñande reko : la comprensión guaraní de la vida buena, édité par Javier Medina, La Paz, FAM-Bolivia / Programme de soutien à la gestion publique décentralisée et de lutte contre la pauvreté, « Gestión Pública Intercultural » n° 7, 2002, p. 44-85.
 Publication en français : site de Dominique Temple. Reproduction autorisée par l’auteur.

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[1Voir notamment, en français, Dominique Temple et Mireille Chabal, La Réciprocité et la Naissance des valeurs humaines, Paris, l’Harmattan, 1995, 263 p. ; et, en espagnol, l’anthologie en 3 volumes publiée sous le titre Teoría de la reciprocidad (D. Temple, Teoría de la reciprocidad, édité par Javier Medina et Jacqueline Michaux, La Paz, Padep - GTZ, « Literaturas Indígenas Latinoamericanas » n° 82, 2003.).

[2SUSNIK, Branislava, El indio colonial del Paraguay, I, El guaraní colonial, Museo Etnográfico « Andrés Barbero », Asunción, 1965-1966.

[3Bartomeu MELIÀ & Christine MÜNZEL, « Ratones y Jaguares. Reconstrucción de un genocidio a la manera del de los Axe-Guayaki », Suplemento Antropológico de la Revista del Ateneo Paraguayo, vol. 6, n°1-2, Asunción, 1971.

[4MELIÀ, B. & Ch. MÜNZEL, op. cit..

[5Cf. MELIÀ, B., « La tierra sin mal de los guaraní, economía y profecía », America indígena, vol. XLIX, n°3, [1987] 1989, p. 491-507.

[6« Vivían en él como 200 indios que recibieron con mucho amor a los Padres. Allí levantaron el estandarte de la Cruz, Hicieron una pequeña choza para iglesia que intitularon de Nuestra Señora de Loreto... » MONTOYA, Antonio Ruiz (de), La conquista espiritual del Paraguay, (Madrid, 1639), Asunción, El Lector, 1996.

[7« Llamamos reducciones a los pueblos de indios, quien viviendo a su antigua usanza en montes, sierras y valles, en escondidos arroyos, en tres, cuatro o seis casas solas, separados a legua, dos, tres y más unos de otros, los redujo la diligencia de los Padres a poblaciones grandes y a vida política y humana ». MONTOYA, A. R. (de), op. cit..

[8GRUNBERG, Georg & Friedl, Proyecto « Pa’ï Tavytera », Programa de desarrollo de comunidades indígenas, Asunción, C. C., 1975.

[9« Ahora bien, dentro de esta tendencia, se puede leer en el origen de algunas reducciones el interés que mostraban ciertos caciques hacia la formación de aldeas mayores y potencialmente mas fuerte. » MELIÀ, B., El guaraní conquistado y reducido : ensayos de etnohistoria, « Biblioteca paraguaya de antropología », vol. 5, Asunción, Centro de estudios antropológicos, Universidad católica, 1988, p. 198.

[10L’accord est fait selon la règle de la proximité plutôt que selon celle d’une supposée prépondérance du masculin sur le féminin – note DIAL.

[11« Las cartas que relatan los pasos fundacionales de una nueva reducción, estan llenas de estas convenciones pasadas entre el misionero y uno o varios caciques. [...] Como, por otra parte, el cacique solía encontrar en su comunidad o en su contorno, algún chaman o « hechicero » que, con sus visiones proféticas y con sus apelaciones radicales a la tradición, se oponía al pacto colonial, cacique y misionero llegaban a veces a convertirse también en aliados para eliminar el carácter contestatario del « hechicero », marginalizado, y así anular su posible influencia ». Ibid., p. 198-199.

[12Cf. NECKER, Louis, Indiens guarani et Chamanes franciscains : les premières réductions du Paraguay (1580-1800), Paris, Anthropos, 1979, p. 81.

[13« ¿Porque los Indios recibieron a los jesuitas como amigos y aceptaron incluso su tutel ? La respuesta a esta cuestión no es simple. La política de los jesuitas triunfo por diversos motivos ; pero si leemos atentamente cartas y relaciones que nos describen sus primeros contactos con una tribu salvaje, notaremos el papel primordial que el hierro desempeña en eso [...]. El hierro crea entre quienes descubrieron su uso, una tiranía invencible ». MÉTRAUX, A., cité par B. MELIÀ, El guaraní conquistado y reducido, op. cit., p. 179.

[14HARNER, J. Michael, The Jivaros, New York, Doubleday, 1972 ; trad. franc. : Les Jivaros, Paris, Payot, 1977.

[15HARNER, J., op. cit., p. 172.

[16MELIÀ, B., El guaraní conquistado y reducido, op. cit., p. 185.

[17« Fueron juntándose los caciques comarcanos a ver los Padres y tomar cuñas (que es con lo que se prendan) porque recibida la cuña se obligan a reducirse o si se quieren ir, volverla [...]. Este mismo día, habiendo acabado de repartir doscientas cuñas antes de decir misa, escribió un billete el Padre Roque al Padre Pedro Romero (que fue el último que escribió en esta vida) en que decía que estaba aquella reducción tal cual se podía desear, y que si tuvieran cuñas vendrían más de quinientos indios. BLANCO, José María, Historia documentada de la vida y gloriosa muerte de los Padres Roque González de Santa Cruz, Alonso Rodríguez y Juan del Castillo, de la Compañía de Jesús, mártires del Caaró e Yjuhí, Buenos Aires, 1929, p. 486-487. Cité dans MELIÀ, B., El guaraní conquistado y reducido, op. cit., p. 179.

[18« Otras ventajas que pueden considerarse menores pero que probablemente ejercieron una considerable influencia psicológica en los indios, eran también motivo de atracción. A veces eran los presentes y regalos de ropas y objetos de metal : cuchillos, tijeras, anzuelos, agujas [...] Otras era incluso la repartición de alimento. » MELIÀ, B., El guaraní conquistado y reducido, op. cit., p. 179-180.

[19« La defensa del indio contra el servicio personal que exigían los encomenderos constituía un principio básico del plan jesuítico de reducción. Los Padres que fueron a fundar las reducciones del Guayrá, llevaban instrucciones precisas de su Provincial Diego Torres Bollo, para que se controlara la entrada de españoles y de ningún modo se permitiría que estos sacaran “piezas”, es decir indios de servicio ». Ibid., p. 180.

[20Ibid., p. 189.

[21Cf. ESCOBAR, 1982.

[22Cf. SUSNIK, B., op. cit..

[23« Se sabe por datos etnográficos que el máximo valor cultural de los Guaraníes es la religión, en el cual se estructura su modo de ser auténtico y específico. Su religión es una religión de la palabra « soñada » y dicha por los chamanes y « rezada » en prolongados rituales [...]. La religión de Jesucristo que también es una religión de la palabra, en el siglo XVI, en pleno estilo y cultura europea barroca, era preferentemente palabra localizada en un templo y se apoyaba enormemente en la representación plástica-pintura y escultura hasta tal punto que, para muchos misioneros, un pueblo como el Guaraní que no mostraba ni templos ni ídolos, prácticamente no tenía religión ». MELIÀ, B., op. cit., p. 202.

[24MELIÀ, Bartomeu. La Création d’un langage chrétien dans les réductions des Guarani au Paraguay, Thèse, miméog., Strasbourg, 1969.

[25« La reducción no realizaba propiamente una conversión de la religión guaraní, sino su sustitución ». MELIÀ, B. El guaraní conquistado y reducido, op. cit., p. 202.

[26Cf. MELIÀ, B., El guaraní conquistado y reducido, op. cit., p. 184-185.

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