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DIAL 2313

HONDURAS - Après l’ouragan Mitch, la lente reconstruction du Honduras. La multinationale bananière chiquita tire profit de la situation.

Paul Jeffrey

mercredi 1er septembre 1999, par Dial

À quelques mois des ravages causés par l’ouragan Mitch, est-il encore raisonnable de penser, comme

tant de personnes et organisations l’ont souhaité, que ce désastre pourrait être mis à profit pour construire des sociétés plus justes ? Espérance difficile dans le cas du Honduras, le pays le plus touché d’Amérique centrale. Ci-dessous, un article de Paul Jeffrey, paru dans Noticias Aliadas du 19 juillet 1999 et un communiqué de Campaign for Labor Rights (Washington D. C., USA) en date du 25 août 1999.


Derrière sa maison, Oscar López regarde la brèche faite dans la digue par où les eaux de l’ouragan Mitch ont inondé sa communauté de La Compuerta. Huit mois après le désastre, cette crevasse de cent mètres n’a pas été réparée en dépit des promesses gouvernementales répétées.

López ne cultive plus de maïs dans sa propriété. « Je ne vais pas risquer de faire les semailles, affirme-t-il. Quand les fortes pluies viendront, la rivière va monter et tout sera inondé une nouvelle fois. Le gouvernement promet mais ne fait pas. »

López connaît les promesses gouvernementales. Quand les leaders politiques et les chefs d’entreprise d’Amérique centrale sont allés à Stockholm en Suède à la fin du mois de mai pour obtenir de la communauté internationale des fonds pour la reconstruction, López était l’unique sinistré dans la délégation hondurienne de soixante personnes.

López sait mieux que personne ce qu’est lutter avec de l’eau jusqu’au cou. Lorsque se sont produites les inondations à la fin d’octobre, sa communauté dans le département de Yoro, dans le nord du pays, est restée isolée du monde et sa propriété qui se trouvait au-dessus de la digue se transforma en un lieu de refuge pour des centaines de voisins dont les maisons sont demeurées submergées.

López qui a représenté la société civile hondurienne à la seconde réunion ordinaire du Groupe consultatif pour la reconstruction et la transformation de l’Amérique centrale, a dit que dans cette rencontre « on a beaucoup parlé des sinistrés et en leur faveur, mais il fut difficile d’écouter la voix des sinistrés eux-mêmes, les gens les plus vulnérables. »

La délégation hondurienne, qui a sollicité 3,67 milliards de dollars comme fonds et crédits pour la reconstruction, est rentrée au pays avec près de 2,6 milliards de dollars d’engagements, y compris l’argent déjà reçu dans la première phase de secours.

« Avec l’argent qu’il a obtenu, le gouvernement a répondu aux communautés de la population avec autorité et aux compagnies bananières avec de l’argent. Le gouvernement ne voit pas les besoins des gens les plus vulnérables, dit López. Nous n’avons pas une importance suffisante pour que le gouvernement vienne ici monter un spectacle avec la reconstruction. »

À quelques kilomètres à l’est, huit tracteurs travaillaient jour et nuit jusqu’à la fin juin pour terminer une digue énorme pour protéger l’usine qui transforme l’huile de palme africaine. Dans la partie orientale du fleuve, la petite localité de Río Abajo demeurait sans protection.

« Il suffit d’observer de quel côté de la rivière le gouvernement travaille. Ici nous sommes oubliés, l’argent pour la reconstruction va de l’autre côté. Quand la pluie viendra nous serons une fois de plus submergés par la boue », dit Francisco Javier López de Río Abajo.

Au sud de cette localité, les exploitations bananières de Chiquita Brands International se déploient à l’horizon. La reconstruction a commencé après que le président Carlos Flores ait planté le premier bananier le 20 mai. Chiquita avait retardé la réhabilitation de ces terrains pendant des mois tandis qu’elle faisait pression pour obtenir des concessions de la part du gouvernement et du syndicat des travailleurs de la banane.

Dans la plantation Cobb, propriété de Chiquita près de El Progreso, les travailleurs permanents syndiqués attendaient pendant des semaines tandis que les travailleurs temporaires commençaient la reconstruction des plantations. Selon des syndicalistes, Chiquita utilise des travailleurs temporaires mieux payés pour conduire les travailleurs permanents à se retirer du syndicat.

« Mitch a été une bénédiction pour Chiquita, a dit Fidel Chavarría, un travailleur qui vit dans la Cobb. L’entreprise a cherché pendant des années à saper les droits pour l’obtention desquels nous, les travailleurs, nous avons lutté. »

Les travailleurs de Cobb ont finalement bloqué la route qui conduit à l’entreprise, obligeant Chiquita à embaucher à nouveau de nombreux syndicalistes.

Après l’ouragan, Chiquita a fourni le transport gratuit pour faire parvenir des centaines de tonnes d’aide urgente, mais la générosité a aussi sa face obscure. Chiquita a offert de construire des nouvelles maisons pour quelques travailleurs, mais dans la ville de La Lima et non pas sur les terrains des plantations bananières.

« Le démembrement des communautés bananières va diminuer la capacité des travailleurs de mettre en place une résistance effective, dit Osvaldo Martínez, chargé des nouvelles à Radio Progreso, radio dirigée par les jésuites. Quand les travailleurs vivaient sur les plantations, ils pouvaient bloquer la production lorsqu’ils le voulaient et survivre en mangeant des bananes. Depuis la grande grève bananière de 1954, les bananes ont servi de combustible pour la victoire des travailleurs, mais si on les fait sortir des plantations ce sera comme enlever les poisons de la mer. »

Les communautés et les organisations non gouvernementales ont essayé de convaincre le gouvernement de moins insister sur la reconstruction des ponts et davantage sur la transformation de la société hondurienne. Des années de rivalités étant surmontées, plus de 500 organisations ont formé la coalition Interforos qui a présenté son propre projet alternatif au plan massif de reconstruction que Flores avait amené à Stockholm.

Le président a essayé d’ignorer Interforos, en disant aux donateurs étrangers qu’il avait consulté la société civile à travers le Foro de Convergencia Nacional (FONAC).

Mais le FONAC est accusé d’être contrôlé par les partis politiques et d’endosser simplement toutes les politiques gouvernementales. Interforos a insisté sur la participation citoyenne, la transparence et un développement respectueux de l’environnement.

Dans le cas contraire, indique la coalition, c’est la même société injuste et écologiquement vulnérable qui existait avant l’ouragan qui sera reconstruite.

Pendant les semaines qui ont précédé le sommet, les gouvernements européens ont suggéré à Flores d’écouter Interforos. Le président a fait résistance, mais après leur présentation officielle à Stockholm, Flores et ses ministres ont reçu des critiques des représentants des pays donateurs qui déclarèrent que les points mis en avant par Interforos manquaient précisément dans le plan de Honduras.

Un diplomate suédois a convaincu Flores, contrarié, de se réunir avec les dirigeants d’Interforos à l’hôtel, dans la suite présidentielle elle-même, et on parvint à un nouvel accord auquel le président s’engage à intégrer de nombreuses exigences des ONG.

« Nous voulons la transparence, non seulement pour éviter les vols mais pour être sûrs que les ressources sont bien utilisées et soutiennent une authentique transformation de notre pays », a déclaré Mauricio Díaz, leader d’Interforos.

Mais Chavarría a des doutes. « Il va y avoir une transformation, c’est sûr. Les riches vont devenir plus riches et les pauvres plus misérables. »


La stratégie de Chiquita

Le syndicat représentant les travailleurs de la banane de Chiquita au Honduras a lancé un appel urgent pour une action de solidarité1 en réponse aux plans de la Compagnie de transformer trois plantations de production de bananes en cultures de palmiers africains. La production de la banane requiert beaucoup plus de main-d’oeuvre que le palmier africain et la force de travail sur les trois plantations concernées serait réduite de plusieurs centaines de travailleurs pour atteindre la centaine ou moins.

L’inquiétude majeure du syndicat est qu’il s’agit là du premier pas dans la reconversion de beaucoup plus de plantations. Chiquita n’a donné aucune assurance de ne pas reconvertir des nouvelles plantations de bananes en plantations de palmiers africains.

(...)

Depuis que l’ouragan Mitch a détruit la majorité des plantations de bananes en octobre dernier, la majorité des travailleurs de la banane de Chiquita au Honduras a été suspendue sans salaires (bien qu’ayant droit au logement, aux soins médicaux et à quelques autres avantages). La transformation des plantations avec les palmiers africains réduira le nombre total d’emplois disponibles sur les plantations de Chiquita.

Les membres du syndicat (SITRATERCO) étaient de 5 800 avant l’ouragan, mais seulement 1 000 ont été capables de revenir travailler pour replanter pendant la première phase de réhabilitation commencée le 1er mai 1999. La majorité des travailleurs employés par Chiquita avant l’ouragan restera en attente jusqu’à l’année prochaine au moins, selon les plans de Chiquita.

(...)

Chiquita déclare que tous les travailleurs de ces trois plantations se sont vus offrir des emplois soit sur les plantations reconverties, soit sur des plantations voisines. Chiquita peut faire cette proposition parce que beaucoup de travailleurs sont partis et ont reçu leur compensation pour perte d’emploi. Ils recherchent des emplois rémunérateurs ouvrant sur un large éventail de situations diverses.

Le syndicat affirme également que Chiquita a choisi de reconvertir des plantations où il y avait un syndicat plutôt que les plantations sans syndicat dans d’autres régions du Honduras, et qui ont été replantées avec des bananiers. Le syndicat voit dans la reconversion des plantations où il est implanté une attaque portée contre lui.

1. Pour cela et pour une information plus complète, écrire à Campaign for Labor Rights : clr chez igc.apc.org. Il est aussi possible de s’adresser directement au président de Chiquita Banana Group : Mr Robert Kistinger, Président Chiquita Banana Group, Chiquita Brands International, 250 E. Fifth Street, Cincinatti, OH 45202, USA (NdT).

Campaign for Labor Rights, 25 août 1999


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2313.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Noticias Aliadas, juillet 1999.
 
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la source française (Dial - http://www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

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