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DIAL 2332

CHILI - La position de l’épiscopat chilien sur la situation du sénateur Pinochet conséquences

communiqué

mercredi 1er décembre 1999, mis en ligne par Dial

Depuis l’arrestation du général Pinochet, l’épiscopat chilien, à l’instar des plus hautes instances du Vatican, s’est distingué par ses recommandations en faveur de mesures « humanitaires » à l’égard de l’ex-dictateur. Nous en avons une nouvelle manifestation dans ce communiqué du Bureau des affaires publiques et de la presse de la Conférence épiscopale du Chili (CECH), en date du 12 novembre 1999, chargé de faire connaître aux médias la position de la Conférence. Les arguments les plus élevés sont mis en avant : louange du droit international, appel à l’amour universel, miséricorde à l’égard de tous, valeur inestimable de la cohabitation de tous les citoyens dans la nation, etc. Qui pourrait être contre de si nobles causes ? La question toute simple qui se pose est la suivante : pourquoi rien n’est-il dit des raisons pour lesquelles Pinochet est en état d’arrestation ? Pourquoi rien n’est-il dit de la nécessité d’une justice à l’égard des tortionnaires ? Pourquoi les évêques du Chili, contrairement à certains de leurs pairs dans d’autres pays d’Amérique latine, ne se font-ils pas l’écho des victimes ? Pourquoi parler d’« ambiguïté juridique », alors que le droit international lui-même autorise la Grande-Bretagne à retenir le général Pinochet ? Comment ne pas voir, comme tant de personnes l’ont vu, que le droit international, encore à parfaire, est sérieusement encouragé par cette arrestation légitime ? En réalité, c’est bien le non-dit de ce genre de discours qui est le plus important et qu’il faudrait ressaisir. Tout donne à penser qu’il est à rechercher dans cette inépuisable reconnaissance que la hiérarchie de l’Église chilienne éprouve, envers et contre tout, à l’égard d’un homme aux mains pleines de sang et aux paroles sans repentance, mais dont elle pense qu’il a libéré la société et l’Église du péril marxiste en éliminant du pouvoir le socialiste Salvador Allende et en poursuivant tous ceux qui se réclamaient de lui.


La situation concernant le sénateur Augusto Pinochet et ses répercussions dans notre société ont conduit divers moyens de communication à solliciter l’opinions des évêques du pays. C’est pour cela que le Bureau des affaires publiques et de la presse de la Conférence épiscopale du Chili fait savoir que, sur ce point particulier, la Conférence a exprimé ce qui suit :

L’Église encourage l’engagement grandissant de la communauté internationale pour le respect de la dignité des êtres humains et participe à ces efforts qui sont, sans doute, un progrès de l’humanité. Pour cela, le droit, appliqué tant à l’intérieur de chacun des pays que dans leurs relations entre eux, est un moyen indispensable. Dans ce sens, le Comité permanent de la Conférence épiscopale pense que, tant que le Tribunal pénal international n’entre pas en fonction, l’ambiguïté juridique existante provoque, déjà dans ce cas, des difficultés entre notre pays, qui sent sa souveraineté atteinte, et des nations traditionnellement amies.

Au-delà de la façon dont cela affecte la situation du sénateur Pinochet et du problème des rapports entre États, les Pasteurs voient avec douleur le mal subi par la cohabitation de tous dans notre société, y compris dans les relations avec des personnes qui font partie de la communauté nationale et qui proviennent - elles-mêmes ou leurs ancêtres - des nations concernées. L’Église demande à tous de réfléchir avec sérénité et de rechercher les moyens d’exprimer les divers points de vue sans offenser les autres personnes ni nuire à la cohabitation de tous dans la nation. Elle rappelle aux chrétiens que le Seigneur nous a laissé le commandement évangélique d’aimer toutes les personnes, sans aucune exclusion.

En référence aux violations des droits de l’homme qui se sont produites dans le passé, les évêques invitent toutes les personnes à créer un climat permettant d’avancer vers une situation où elles ne soient plus un obstacle à la cohabitation sociale, parcourant dans le respect mutuel les chemins de la vérité et de la justice qui concernent les uns et les autres, avec le même esprit miséricordieux avec lequel Dieu, Père très bon, offre à chacun de nous, avec la même disposition, le pardon qu’il a à l’égard de ses fils. Faciliter le travail de la Table de dialogue créé par le ministère de la défense paraît une très bonne opportunité dans ce sens1.

Dans cet esprit, en prenant en compte ce qui est indiqué auparavant ainsi que les conditions précaires de santé et l’âge avancé du sénateur Pinochet, les Pasteurs estiment que, en ce qui concerne sa situation en Europe, les considérations humanitaires doivent l’emporter.

À la demande du Comité permanent,

Enrique Palet C., diacre

directeur des affaires publiques et de la presse de la CECH


Cette table de dialogue - où l’Église catholique est représentée par Mgr Sergio Valech, évêque auxiliaire de Santiago - est une initiative de Edmundo Pérez Yoma, ministre de la défense. Elle est née de la volonté de surmonter la situation conflictuelle créée par le fait que des militaires soient, depuis peu, mis en procès pour des crimes commis pendant la dictature (cf. DIAL D 2321). De façon officielle, le but de cette table de dialogue, dont la séance inaugurale s’est tenue le 21 août, est de faire la lumière sur les détenus-disparus et de donner des orientations générales applicables à l’ensemble des démarches particulières concernant la vérité, la justice, la réparation, le pardon et la révision. L’association regroupant les familles de détenus-disparus, qui n’a été invitée à ce dialogue que par voie de presse, estime que la finalité poursuivie est d’« échanger » l’impunité des militaires contre la vérité sur les détenus-disparus et craint que cela n’aboutisse à une « loi du point final ». De plus, 34 avocats des droits de l’homme ont élevé de vives critiques sur cette table de dialogue (Note DIAL).


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2332.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : communiqué du Bureau des affaires publiques et de la presse de la Conférence épiscopale du Chili, novembre 1999.
 
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