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DIAL 2336

COLOMBIE - Les « mères communautaires » : Des femmes s’organisent pour prendre soin des enfants déplacés par le conflit intérieur

Noticias Aliadas

mercredi 15 décembre 1999, mis en ligne par Dial

A la veille d’une période où l’on espère toujours qu’une trêve aura effectivement lieu, de nombreux massacres faisant plus de 60 morts viennent de se produire en quelques jours à la mi-décembre. Aussi dramatique que soit la situation en Colombie, des signes positifs existent cependant, qui sont aussi la promesse d’un autre avenir. Tel est le cas des « mères communautaires » qui s’organisent pour s’occuper de ces milliers d’enfants déplacés par le conflit. Texte paru dans Noticias Aliadas (Pérou), 2 août 1999.


Au milieu de la confusion provoquée par 35 années de guerre civile, un groupe de femmes plus nombreux que les soldats en activité dans le pays, essaye de construire un futur pour les enfants victimes de la violence en zone rurale, toujours plus nombreux.

Le déplacement forcé est une des principales conséquences du conflit armé entre le gouvernement, les guérillas de gauche, les paramilitaires de droite et les cartels de la drogue. L’an dernier, 308 000 personnes furent déplacées à cause de la guerre, selon l’organisation non gouvernementale CODHES (Consultants pour les droits de l’homme et le déplacement), qui s’ajoutent au million de personnes qui sont devenues des réfugiés de l’intérieur entre 1994 et 1997.

Les paysans pauvres sont les plus touchés, parce qu’ils sont obligés d’abandonner leurs terres pour laisser la place soit aux cultures illicites qui alimentent le narcotrafic, soit à des projets de développement, ou bien ils sont simplement accusés de collaborer avec la guérilla. Parmi les enfants déplacés -plus de 200 000 - beaucoup ont été témoins ou ont été impliqués dans d’horribles actes de violence.

Il y a environ 86 000 mères communautaires réunies sous le couvert d’un programme gouvernemental d’aide aux enfants déplacés. Chaque femme prend en charge 15 enfants par jour dans sa maison-garderie, ce qui permet aux parents de travailler ou de chercher du travail.

C’est un service d’une importance vitale pour ceux qui ont été déracinés, traumatisés, et qui n’ont pas de revenus permanents dans une économie colombienne affaiblie.

Les mères communautaires fournissent un lieu aux enfants, évitent qu’ils s’ajoutent aux quelque 5 000 mineurs qui se prostituent, et les aident aussi dans leur apprentissage. Pour se qualifier pour ce programme, ces femmes suivent un stage de une à trois semaines pour apprendre à enseigner les cours de base d’alphabétisation et pour utiliser l’art et le jeu dramatiques dans la rééducation. Elles reçoivent aussi une formation en santé de l’enfant et en nutrition.

Comme la majorité des mères communautaires a peu d’éducation formelle, le projet leur donne aussi la possibilité de développer de nouvelles capacités.

La formation est la clé du succès du programme et reçoit l’appui de l’Institut colombien de bien-être familial (ICBF) et d’agences internationales comme Save the Children Fund.

Olinda Garcia, présidente de l’association des Mères communautaires de Bogota, a été veuve deux fois. Aujourd’hui elle utilise son expérience pour aider d’autres femmes et des enfants qui se trouvent dans des conditions semblables. Elle vit dans le quartier surpeuplé de Ciudad Bolívar et participe à la direction de deux foyers-garderies des mères communautaires.

« Il n’est pas bon qu’un petit enfant reste seul à la maison toute la journée ; il n’est pas bon non plus qu’il soit dans la rue toute le journée », dit-elle. « Ce programme évite ces deux choses. »

Garcia raconte comment les jumelles Paula et Jesús, qui avaient seulement cinq ans quand elles assistèrent à l’assassinat de leur père, sont arrivées à la porte de sa maison avec leur mère. Aujourd’hui, cette mère a trouvé un emploi permanent dans la floriculture de 5 heures du matin à 8 heures du soir, et elle est ravie du progrès de ses filles. « Sans les mères communautaires, elles seraient encore dans la rue. Actuellement, je sais qu’elles reçoivent une alimentation appropriée et ont la possibilité d’apprendre à lire », et Garcia ajoute que tous les enfants vont à l’école quand ils ont l’âge, et la majorité d’entre eux passe dans le secondaire.

« Je suis pour le programme en général, mais il n’y a pas de processus de sélection pour être mère communautaire », remarque l’assistante sociale Maria Isabel Noriega. « Les mères sont peu surveillées ; certaines sont très bonnes dans leur travail, d’autres ne le sont pas et ont peu de moyens pour travailler. »

Pour répondre à ces préoccupations, l’ICBF a mis au point un nouveau système dans lequel trois mères travaillent avec un groupe plus important d’enfants dans un seul lieu. Une professionnelle de l’ICBF leur rend visite chaque semaine et les encourage à convaincre les parents de s’impliquer dans le projet.

Rosario Barrera, de la Maison de la femme au travail, précise que, bien que le projet ne soit pas parfait, « c’est un grand exemple de la solidarité des femmes. »

Après le tremblement de terre dévastateur qui a frappé la Colombie en janvier, le groupe a montré qu’il a les connaissances et la faculté d’organisation pour rendre des services à d’autres communautés en temps de crise. Les mères communautaires de la région centrale de Pereira, qui a été ravagée, ont organisé des cantines pour alimenter presque 25 000 personnes, alors même que les approvisionnements se raréfiaient.

Ce n’est pas la première fois que les femmes latino-américaines s’unissent pour faire face à des temps difficiles ou à des régimes oppressifs ou violents. Les protestations des Mères de la place de Mai en sont peut-être le meilleur exemple.

Les groupes paramilitaires ont accusé les mères communautaires de collaborer avec la guérilla en travaillant avec les réfugiés dans la zone démilitarisée sous contrôle des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), depuis que le gouvernement a ordonné le retrait des troupes gouvernementales fin 1998.

Une série de garderies relevant du programme de cette zone ont été la cible de violentes attaques.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2336.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Noticias Aliadas, août 1999.
 
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