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DIAL 2344

MEXIQUE - Don Raúl Vera López ne succèdera pas à Don Samuel Ruiz comme évêque de San Cristóbal de las Casas, Chiapas.

I – documents

samedi 15 janvier 2000, mis en ligne par Dial

La nouvelle est tombée le 30 décembre 1999 : le pape Jean-Paul II a décidé de nommer Don Raúl Vera López au siège épiscopal de Saltillo, dans le nord du Mexique, et non pas au siège de San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, là où il était depuis 4 ans évêque coadjuteur (donc avec « droit » de succession) de Don Samuel Ruiz, démissionnaire pour raison d’âge. La nouvelle a causé une véritable consternation et une grande douleur chez tous ceux qui voyaient en Raúl Vera l’assurance que serait poursuivi le travail pastoral effectué par Samuel Ruiz depuis 40 ans en faveur des peuples indigènes, de l’inculturation de l’Église et de la paix dans cette terre où règne tant d’injustice. Cette décision est largement interprétée comme une victoire de l’aile la plus conservatrice de l’Église mexicaine et, bien que la hiérarchie catholique démente avoir subi des influences extérieures, comme une victoire du parti politique au pouvoir qui s’est toujours opposé vigoureusement à Samuel Ruiz. Les principales victimes d’une telle mesure risquent bien d’être les populations indigènes, ces pauvres d’entre les pauvres dont l’Église catholique ne cesse de répéter qu’ils sont à ses yeux l’objet d’une « option préférentielle ».

Deux dossiers sont ici consacrés à cette grave affaire : l’un (D 2344) présente des documents émanant de la Nonciature apostolique à Mexico, des deux évêques de San Cristóbal, des agents de pastorale du diocèse, du Centre des droits humains « Fray Bartolomé de Las Casas » (créé par Samuel Ruiz), de la communauté infigène de Las Abejas dont 45 membres ont été massacrés à Acteal il y a deux ans et du Collège des consulteurs du diocèse. Un second dossier (D 2345) présente quelques commentaires suscités au Mexique par cette affaire.

Pour faciliter la lecture du premier dossier, nous avons mis en gras certains passages, sous notre seule responsabilité.


Communiqué de la Nonciature apostolique à Mexico

Le Saint-Père a nommé comme nouvel évêque de Saltillo, S.E. Mgr Raúl Vera López o.p., jusqu’alors coadjuteur de San Cristóbal de Las Casas. Il succède à S.E. Mgr Francisco Villalobos Padilla, qui avait présenté sa démission le moment venu, pour des raisons d’âge.

Ce sont des raisons purement ecclésiales [1], aussi bien pour San Cristóbal de Las Casas que pour Saltillo, qui motivent le transfert de Mgr Vera López, rendu public aujourd’hui. En effet, considérant le bien spirituel des fidèles, après avoir prié et avoir procédé aux consultations opportunes, le Souverain Pontife a estimé que l’amour sincère pour l’Église, le zèle apostolique et la disponibilité dont a toujours fait preuve Mgr Vera López font de lui un prélat qui convient particulièrement bien à l’important diocèse de Saltillo.

Le fait que Mgr Vera López quitte San Cristóbal de Las Casas ne diminuera en aucune façon l’engagement de l’Église en faveur de la paix civile et de la promotion spirituelle et humaine de tous les membres qui composent la population du Chiapas. Le Saint-Siège ne peut manquer de renouveler aussi dans cette occasion, le soutien que toutes les parties impliquées dans les tensions existantes ici peuvent trouver dans le dialogue et dans le droit, ainsi que dans la concorde à laquelle elles aspirent légitimement.

C’est l’occasion d’évoquer ici les paroles que, dans l’homélie prononcée dans la ville de Mexico, le 24 janvier de cette année, le Saint-Père a adressées aux indigènes du pays :

« Le Pape se sent très proche de vous tous, en admirant les valeurs de vos cultures et en vous encourageant à surmonter, dans l’espérance, les situations difficiles que vous traversez. Je vous invite à vous efforcer d’atteindre votre propre développement et de travailler à votre propre promotion. » À cette occasion, il n’a pas manqué d’exhorter tous les fils du Mexique « à aider et promouvoir les plus nécessiteux » d’entre eux, réaffirmant en même temps que « tous les membres de la société mexicaine sont égaux en dignité car ils sont fils de Dieu et, pour autant, ils méritent un entier respect et ils ont le droit de se réaliser pleinement dans la justice et dans la paix. »

Mexico, le 30 décembre 1999

Aux prêtres du clergé séculier et régulier, aux religieuses et aux religieux, aux catéchistes, aux diacres, aux divers ministres et serviteurs de la foi et à tout le peuple de Dieu.

Aujourd’hui, 30 décembre 1999, avant que s’achève ce deuxième millénaire, le Saint-Père a officiellement annoncé qu’il a nommé un nouvel évêque au diocèse de Saltillo, en la personne de S.E. Mgr Raúl Vera López, jusqu’à présent évêque coadjuteur du diocèse de San Cristóbal de Las Casas.

Nous, évêques, (spécialement l’évêque Raúl Vera López o.p.) ayant exprimé notre respect devant la décision du Saint-Père, nous voulons faire les réflexions suivantes, en tenant compte du communiqué du Saint-Siège :

1. Quand le diocèse a accueilli Mgr Raúl Vera López comme évêque coadjuteur, les interprétations négatives n’ont pas manqué. Mais Notre-Seigneur nous a donné la grâce de vivre et de témoigner l’unité dans la parole et dans l’action du service pastoral. Dieu notre Père nous a donné la grâce d’agir ensemble. L’esprit d’obéissance, l’amour, la simplicité et l’esprit chrétien des fidèles ont fait mûrir notre amour pour le diocèse et ont permis d’affermir son action. La collaboration entre les deux évêques, l’action conjointe de tous les agents de pastorale, l’activité coordonnée des fidèles (malgré la situation contraire avant et après le conflit armé), ont permis de remporter certains succès dans un processus diocésain marqué par le Concile œcuménique Vatican II et par la réalité socio-économique et politique, et d’obtenir aussi des résultats dans l’effort accompli pour une action évangélique qui annonce la Bonne nouvelle de la Paix proclamée à Bethléem.

 [2]. Pendant plusieurs années, des informations intéressées et non conformes à la vérité, ainsi que la manipulation de divers moyens de communication, ont tendu à générer un climat justifiant une position hostile au diocèse. Ce genre d’informations a aussi trouvé des moyens d’arriver jusqu’à diverses instances du Saint-Siège.

3. Nous, évêques, conscients de la gravité de cette situation, nous avons multiplié les démarches pour faire parvenir aux diverses instances de la Curie romaine et au Saint-Père lui-même, surtout ces derniers temps, les conséquences négatives que pourraient avoir des décisions prises sur la base d’informations sérieusement lacunaires. D’autre part, la solidarité manifestée par la Conférence épiscopale mexicaine, avec des envois de personnel, avec sa présence physique, avec son aide pastorale, avec les déclarations officielles et avec les visites et déclarations publiques faites par la Commission épiscopale d’aide au processus de paix, donnent des signes clairs de la position et de la préoccupation que la Conférence épiscopale elle-même manifeste à l’égard du Chiapas.

4. Aussi est-il très important de lire la décision prise, ainsi que celles qui par la suite se prendront, en accord avec la perspective que proclame explicitement le communiqué du Saint Siège et que nous citons textuellement : « Ce sont des raisons purement ecclésiales2, aussi bien pour San Cristóbal de Las Casas que pour Saltillo, qui motivent le transfert de Mgr Vera López, rendu public aujourd’hui. En effet, considérant le bien spirituel des fidèles, après avoir prié et avoir procédé aux consultations opportunes, le Souverain Pontife a estimé que l’amour sincère pour l’Église, le zèle apostolique et la disponibilité dont a toujours fait preuve Mgr Vera López font de lui un prélat qui convient particulièrement bien à l’important diocèse de Saltillo. »

5. Le communiqué de Rome transmis à Mexico fait remarquer aussi que le fait pour Mgr Vera López de quitter San Cristóbal de Las Casas « ne diminuera en aucune façon l’engagement de l’Église en faveur de la paix civile et de la promotion spirituelle et humaine de tous les membres qui composent la population du Chiapas. Le Saint-Siège ne peut manquer de renouveler aussi en cette occasion, le soutien que toutes les parties impliquées dans les tensions existantes ici peuvent trouver dans le dialogue et dans le droit, ainsi que dans la concorde à laquelle elles aspirent légitimement. »

6. La nouvelle destination de Mgr Raúl Vera López ne signifie pas non plus un abandon ou un oubli de la pastorale indigène. Le communiqué cite à ce sujet les paroles que le Saint-Père a adressées aux indigènes dans la ville de Mexico le 24 janvier de cette année. Il a dit : « Le Pape se sent très proche de vous tous, en admirant les valeurs de vos cultures et en vous encourageant à surmonter, dans l’espérance, les situations difficiles que vous traversez. Je vous invite à vous efforcer d’atteindre votre propre développement et de travailler à votre propre promotion. » À cette occasion, le Pape a exhorté les Mexicains, « à aider et promouvoir les plus nécessiteux » d’entre eux, réaffirmant en même temps que « tous les membres de la société mexicaine sont égaux en dignité, car ils sont fils de Dieu, et pour autant, ils méritent tout le respect et ils ont le droit de se réaliser pleinement dans la justice et dans la paix. »

7. Pour tout cela, nous voyons clairement qu’il y a un soutien à l’activité pastorale : que la collaboration exercée dans le diocèse par le coadjuteur est louée, que la démission de l’évêque du diocèse, Mgr Samuel Ruiz, n’est pas encore acceptée, qu’il n’y a pas de doute que le prochain évêque soutiendra le processus du diocèse en faveur de la culture indigène et des pauvres.

Nous engageons vivement nos fidèles et tous les agents de pastorale de notre diocèse à ne pas s’écarter de cette lecture et de cette interprétation affirmées dans le communiqué et que, obéissant avec empressement à la volonté du Saint-Père, nous ne cessions pas de poursuivre notre processus ecclésial déjà en cours et notre travail infatigable à partir de notre foi, pour la justice, le droit et le respect de la dignité humaine.

Nous trouvons providentiel qu’en ces derniers jours nous ait visité la Vierge de Guadalupe, car son message continue de nous être très clairement adressé, puisque Juan Diego est présent ici avec ses douleurs, sa souffrance, sa marginalisation, mais aussi avec ses désirs et ses espérances.

Fait à San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, le 30 décembre 1999

Samuel Ruiz García, évêque de San Cristóbal de Las Casas

Fr. Raúl Vera López o.p., évêque coadjuteur de San Cristóbal de Las Casas

« Dieu dispose toutes choses pour

le bien de ceux qui l’aiment. »

(Rm 8, 28)

À ce jour, nous avons reçu au diocèse de San Cristóbal de Las Casas la notification de la nomination de notre évêque coadjuteur Don Raúl Vera López o.p., comme évêque diocésain pour le diocèse frère de Saltillo.

Sans le réconfort de nos évêques, cette nouvelle, de soi déconcertante, serait un profond défi à notre foi et à notre sens de l’Église, étant donné que nous ressentons comme brusquement interrompu le processus d’intégration entre cette partie du peuple de Dieu et celui qui avait été désigné par le Souverain Pontife pour succéder à notre bien-aimé Don Samuel Ruiz García. Cela fait quatre ans que Don Raúl a partagé le chemin difficile pour les chrétiens de ces terres affectées par le conflit et la persécution.

Ceci nous fait expérimenter notre fragilité et nous unit plus intimement à la croix de Jésus. Nous sommes même assaillis par la tentation de nous sentir abandonnés. Mais le témoignage édifiant de confiance que nous recevons aujourd’hui - comme toujours - de nos deux évêques, nous conduit à réaffirmer notre communion inébranlable avec le successeur de Pierre et à accepter dans la foi sa décision pour douloureuse qu’elle puisse être.

La séparation juridique de Don Raúl, loin de rompre les liens de communion intime créés pendant les années de son séjour parmi nous, renforce une unité qui répond plus amplement à la catholicité de notre Église.

Portés par l’Esprit Saint qui a convoqué le Concile Vatican II et qui continue à nous parler dans le magistère pontifical et, de façon particulière, dans les Conférences épiscopales latino-américaines, nous poursuivrons la promotion d’une pastorale qui réponde à la réalité majoritairement indigène de notre diocèse et qui s’incarne dans les cultures et les valeurs des divers groupes humains.

De la même manière, nous voulons maintenir dans notre travail, dans notre vie et dans nos structures, l’option préférentielle pour ceux que l’Évangile proclame bienheureux : les pauvres.

Nous savons que ces options ne sont pas partagées par ceux qui méprisent ou simplement oublient l’indigène et le pauvre, créant ainsi des conditions qui menacent sérieusement la paix. Nous pourrons promouvoir la paix seulement à travers la justice et le respect total de tous, spécialement des exclus de notre société, bien que cela provoque incompréhension, calomnie et persécution.

Nous demandons avec ferveur à Dieu, d’illuminer avec la lumière de son Esprit le Saint-Père pour que l’élection du digne successeur de Don Samuel réponde aux besoins de notre peuple, de notre Église, des pauvres, qui en attendent tant comme signe de la rédemption intégrale réalisée et annoncée en Jésus-Christ.

À nos frères chrétiens de Saltillo, nous disons qu’ils reçoivent un pasteur exceptionnel, un amant radical de la vérité, que nous avons vu, fidèle à l’Évangile, s’approcher de la douleur de notre peuple victime de la guerre, avec une tendresse qui reflète celle du Père.

Don Raúl a accompli avec délicatesse et jusqu’au bout la tâche pour laquelle il avait été envoyé, car il a mis en œuvre point par point toutes les facultés qui lui furent accordées dans la bulle de sa nomination et, en même temps, il parvint à le faire avec un profond respect envers la personne de Don Samuel et de l’histoire du diocèse. Il a atteint ainsi une communion des volontés avec Don Samuel, avec tout le corps des agents de pastorale et avec le peuple de Dieu qui chemine ici, en nous donnant à tous un témoignage de liberté chrétienne et d’amour de l’Église, en continuité avec l’exemple de Don Samuel.

Ici, nous l’avons vu grandir toujours davantage et aujourd’hui, dans un mélange de fierté et de douleur, nous l’envoyons vers son nouveau destin.

Nous reconnaissons le travail pastoral de Don Raúl qui a parcouru tous les chemins pour atteindre le cœur du peuple. Pendant les quatre années d’un intense labeur et en continuité avec le processus diocésain, il a compris les aspirations des pauvres, et il n’a pas cessé de lancer des avertissements à propos des menaces et des dangers que connaît ce diocèse.

Nous profitons de cette occasion pour réaffirmer notre communion avec notre évêque Don Samuel, qui nous a donné le témoignage d’un don total pendant quarante ans, dans sa mission évangélisatrice et prophétique.

Nous invitons de nouveau à la solidarité dans cette marche de l’Église en recherche de la paix véritable au Chiapas, pour que tous ensemble nous maintenions la foi et l’espérance.

San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, le 30 décembre 1999

Au nom des agents de pastorale :

P Felipe Toussaint, vicaire général - Gonzalo Ituarte o.p., vicaire de justice et paix - P Oscar Salinas c.m., vicaire de pastorale - Jorge Santiago, délégué diocésain - Sr Constanza Aguilar, déléguée diocésaine - P Alberto Velázquez s.j., délégué diocésain, P Javier Ruíz-Velazco, délégué diocésain, Sr Migdalia A. Pérez o.p., chancelier

Aujourd’hui, le 30 décembre 1999, on a fait connaître officiellement que le Saint-Père a nommé comme nouvel évêque pour le diocèse de Saltillo la personne de S. E. Mgr Raúl Vera López qui était jusqu’à présent évêque coadjuteur du diocèse de San Cristóbal.

Du point de vue du Centre des droits humains Fray Bartolomé de Las Casas, et en particulier de notre travail pour la défense et la promotion des droits humains, nous considérons que cette nomination est une perte réelle pour le peuple du Chiapas, étant donné que l’évêque Raúl Vera, membre du directoire de ce Centre, a manifesté que son engagement pour la défense des droits des peuples indiens faisait intégralement partie de son travail pastoral dans le diocèse de San Cristóbal de Las Casas. Aujourd’hui, la défense des droits humains est indissolublement liée au travail pastoral et à la recherche de la paix.

« Que personne n’imagine que la simple absence de guerre, aussi désirée qu’elle soit, soit synonyme d’une paix durable. Il n’y a pas de paix véritable si elle n’est pas accompagnée d’équité, de vérité, de justice et de solidarité... Celui qui viole les droits humains fait offense à la conscience humaine. »

Ces paroles de Sa Sainteté Jean-Paul II dans son message Pour la célébration de la Journée mondiale de la paix, le 1er janvier 2000 résonnent comme un appel urgent dans le contexte de notre État. Que personne ne s’imagine que l’absence de combats signifie qu’il y a la paix au Chiapas. Les évêques, Don Samuel Ruiz García et Don Raúl Vera López, ont travaillé infatigablement pour l’équité, la vérité, la justice et la solidarité comme fondements de la paix véritable. Cet engagement de faire « des pauvres les protagonistes de leur propre développement » (Jean-Paul II, op. cit.), leur a valu calomnies et persécutions. Dans la conjoncture actuelle, ce Centre réitère ce qu’il a dit récemment : le danger existe que le transfert de Mgr Raúl Vera López puisse profiter précisément à ceux qui les ont calomniés et persécutés, afin de déclencher une nouvelle vague de répression au Chiapas, nous éloignant encore plus de la paix véritable.

La décision du Vatican nous peine et nous déconcerte ; cependant, nous sommes certains que Mgr Vera ne se détachera pas de la réalité chiapanèque et que les liens se maintiendront, étant donné qu’il continuera à faire partie du directoire de ce Centre des droits humains.

Ce Centre maintiendra son engagement pour la défense des droits des pauvres, en accord avec la tradition inaugurée par Bartolomé de Las Casas o.p., et poursuivie par ces successeurs Samuel Ruiz García et Raúl Vera López o.p., évêques défenseurs des peuples indigènes.

Finalement, nous lançons un appel à l’opinion publique nationale et internationale pour qu’elle reste en alerte sur les suites de la situation au Chiapas et redouble ces efforts solidaires en refusant tout ce qui porte atteinte à la paix.

Acteal Terre sacrée, Chenalhó, Chiapas, Mexique, le 1er janvier 2000

À tous les hommes de bonne volonté :

Il y a deux jours nous avons appris à travers les médias que notre pasteur, l’évêque coadjuteur Don Raúl Vera López, quitte le diocèse de San Cristóbal à destination du diocèse de Saltillo. Cette nouvelle nous a remplis de surprise, de douleur et d’inquiétude.

L’année et le millénaire sont en train de finir. Partout, on fête avec joie l’arrivée du nouveau millénaire, avec de grandes célébrations, beaucoup de lumières et de grandes dépenses. Nous ne pouvons pas oublier ce qu’ont été les dernières années de souffrance et de douleur. Notre pensée n’a pas encore retrouvé son cours normal, à cause du massacre qui s’est produit [3] : nous nous le rappelons à travers les blessures et les cicatrices des victimes de ces terribles violences portant atteinte aux droits humains. Nous finissons un millénaire et nous arrivons au suivant avec une guerre dans notre État, avec des milliers de déplacés, avec des menaces des groupes paramilitaires, avec une militarisation qui s’accroît tous les jours et avec un dialogue interrompu en dépit des discours qui font semblant de le reprendre.

Aujourd’hui, nous arrivons au nouveau millénaire en regrettant le départ de notre pasteur, Don Raúl, car il est un pasteur qui est venu pour nous consoler et pour guérir nos blessures, et pour apaiser ceux qui étaient tristes et calmer nos larmes. Il a mangé avec nous, il a dormi avec nous, il connaît profondément la situation qui s’est produite. Il a bien fait son travail de nous apporter la Bonne nouvelle. Pourtant, il n’est pas possible de laisser les brebis sans pasteur alors que la paix n’arrive pas mais s’éloigne. Nous savons que Don Samuel a déjà présenté sa démission, et avec surprise nous constatons la nouvelle que nous serons orphelins lorsque nos pasteurs quitteront le diocèse. (...)

Nous avons besoin que l’évêque du diocèse ait de l’amour pour les pauvres et pour les plus nécessiteux, que ce soit un évêque qui respecte notre culture indigène comme racine de notre vie, avec la force de la Parole de Dieu.

Nous demandons, dans nos prières et de bon cœur, que la paix vienne à nous, que nous marchions avec l’Église, et que nous ayons toujours un évêque qui veille pour la vie des plus nécessiteux, afin d’être guidés et protégés par le Christ Notre Seigneur.

Que ce millénaire qui commence aujourd’hui nous aide à trouver un chemin de frères où la paix, l’amour et la justice soient toujours avec nous.

Fraternellement.

Le Peuple croyant de Las Abejas, de Chenalhó

Vicente Ruiz Pérez, Antonia Pérez Pérez, José Pérez Vázquez, Catarina Pérez Ruiz, Elena Pérez Jiménez

Au peuple de Dieu du diocèse de San Cristóbal de Las Casas, Chiapas

Nous, Collège des consulteurs représentant notre diocèse de San Cristóbal, nous communiquons à tous le message d’espérance qui nous anime en cette heure de grande expectative pour l’Église.

Avec l’accord et le mandat de l’Assemblée diocésaine, nous avons envoyé deux communications au Saint-Père, la première le 15 décembre 1999 par l’intermédiaire de la Congrégation des évêques et la seconde le 5 janvier de cette année par l’intermédiaire de la nonciature, ce dont nous voulons informer tout le peuple de Dieu :

1. Dans la première communication que nous avons fait parvenir au Saint-Père en la personne de notre Vicaire général le père Felipe de Jesus Toussaint, nous demandions à Sa Sainteté de ratifier le choix du Fr Raúl Vera López o.p., jusqu’à présent évêque coadjuteur, comme évêque successeur de Mgr Samuel Ruiz García. Nous ne savions pas que deux jours avant, sans que nous n’ayons été consultés, le Fr Raúl Vera avait été nommé évêque titulaire du diocèse de Saltillo.

2. Nous avons manifesté la conscience qui est la nôtre comme instance ecclésiale de notre diocèse, tant à propos de l’obligation pastorale que des droits que nous avons aussi à l’intérieur de l’Église.

3. Dans la seconde communication, nous indiquons au Saint-Père que nous recevons comme un fait accompli le transfert du Fr Raúl Vera López o.p. à son nouveau diocèse, que nous l’acceptons en exprimant notre communion avec Pierre, mais nous demandons que nous soient transmises les « graves raisons ecclésiales » pour lesquelles a été prise la décision de transférer le Fr Raúl Vera à un autre diocèse, lui refusant à lui et à notre diocèse l’exercice du droit de succession qu’il détenait comme évêque coadjuteur.

4. Nous reconnaissons que la nomination du nouvel évêque successeur de Samuel Ruiz García dépend librement du Saint-Père, mais sachant que, selon les normes, le diocèse a le droit de proposer les candidats pour cette succession, nous lui avons proposé une liste de candidats, tant évêques que prêtres, en suppliant qu’ils soient pris en compte dans le processus d’élection du nouveau successeur, car nous considérons qu’ils réunissent les qualités exigées selon les normes de l’Église, de même qu’ils peuvent garantir une réponse correspondant à l’importance que le pape a manifesté pour la pastorale indigène et pour le processus de paix.

5. Nous comptons que, pour l’élection du nouveau successeur, soit prise en compte la grave situation vécue au Chiapas surtout dans la région qui inclut notre diocèse dont la population est majoritairement indigène, situation causée par un conflit armé qui n’a pas trouvé de solution et qui s’accentue, en menaçant le processus de paix et en accroissant la persécution contre notre Église diocésaine.

6. Nous avons la ferme espérance que la parole du diocèse, par notre intermédiaire, sera écoutée et prise en compte. Nous vous invitons tous à rester unis dans la prière et fidèles à l’engagement de répondre à ce que Dieu nous dit en cette heure.

Fraternellement dans le Dieu de Jésus-Christ et Sainte Marie de Guadalupe.

P. Amando Herrera Rios s.j., P. Eduardo Esteinou Velasco s.m., P. Javier Inda Andrio, P. Joel Padron Gonzalez, P. Henry McLaughlin Kilbane, P. Heriberto Cruz Vera, P. Felipe Toussaint Loera


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2344.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Centre des droits humains « Fray Bartolomé de Las Casas » , janvier 2000.
 
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la source française (Dial - http://www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

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[1Voir note 2

[2Dans une Lettre à tous les chrétiens et personnes de bonne volonté, en date du 16 décembre 1999, Samuel Ruiz écrivait : « nous percevons que des forces, aux intérêts non ecclésiaux, tentent d’exercer leur influence pour que n’aboutisse pas la succession comme en a disposé le Pontife romain avec la nomination d’un coadjuteur. » (NdT)

[3Dans une Lettre à tous les chrétiens et personnes de bonne volonté, en date du 16 décembre 1999, Samuel Ruiz écrivait : « nous percevons que des forces, aux intérêts non ecclésiaux, tentent d’exercer leur influence pour que n’aboutisse pas la succession comme en a disposé le Pontife romain avec la nomination d’un coadjuteur. » (NdT)

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