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DIAL 2484

URUGUAY - Sara Méndez : « Je veux en finir avec la recherche interminable de mon fils. »

Sara Méndez

dimanche 1er juillet 2001, mis en ligne par Dial

Sara Méndez, uruguayenne, est toujours à la recherche de son fils depuis qu’il lui a été enlevé en Argentine en juillet 1976, alors qu’il n’avait que vingt jours. C’était au temps des dictatures qui sévissaient en Argentine et Uruguay. Depuis, elle ne cesse de poursuivre ses recherches, malgré tous les obstacles qu’elle rencontre. Ci-dessous, le texte de Sara Méndez appelant à la solidarité internationale, daté du 10 février 2001 à Montevideo, suivi d’un bref rappel historique.

Source : http://www.simonriquelo.org.uy/


« Je suis Sara Méndez, une des rares mères qui ont survécu à ce qu’on appelle la « guerre sale », qui eut lieu pendant la dernière dictature militaire en Argentine.

J’ai été enlevée de vive force à Buenos Aires par des militaires de mon pays, l’Uruguay, ainsi que par des militaires argentins dans le cadre des opérations conjointes entre les deux forces armées.

J’avais alors 32 ans et un fils âgé de 20 jours, qui s’appelle Simón. Je n’ai jamais revu mon fils depuis lors. On m’a emmenée à Automotores Orletti, centre clandestin d’extermination et de torture en Argentine.

Ensuite, en compagnie de vingt autres Uruguayens, je fus emmenée de force et clandestinement pour revenir dans mon pays. Je fus obligée, ainsi que les autres, d’accepter une fausse accusation et une fausse détention, puis j’ai été inculpée par la justice militaire et condamnée à quatre ans et demi de prison.

Une fois ma liberté récupérée, j’ai commencé à chercher mon fils et j’ai dénoncé son kidnapping et sa disparition devant la justice argentine et celle d’Uruguay. J’ai aussi donné les noms des ravisseurs, qui furent confirmés par de nombreux autres ex-prisonniers.

Les lois d’amnistie, en Uruguay comme en Argentine, empèchent - même aujourd’hui - que les responsables rendent compte du kidnapping et de la disparition de celui qui était alors un bébé.

Pendant quinze années j’ai suivi une piste qui finalement était fausse. Pendant toutes ces années, l’État et la justice, ainsi que les militaires auteurs de la disparition de Simón, restèrent en silence. Le sort de ce détenu-disparu qu’est mon fils Simón est devenu un problème personnel, au lieu d’être un problème de société.

Vingt quatre années sont passées et les ravisseurs de Simón, des militaires qui habitent dans mon pays et jouissent d’une totale liberté, conservent toujours leurs butins de guerre.

L’État, ainsi que ses institutions, ont certainement les moyens pour venir à bout de ce crime de lèse-humanité. Pour cela ils comptent avec l’appui des Uruguayens et, sans doute, avec le vôtre. Je veux en finir avec la recherche interminable de mon fils. J’ai le droit de vouloir mettre un point final à cette recherche qui dure déjà un quart de siècle. Mais cela ne sera possible qu’après que je l’aie retrouvé. Ce sera aussi le jour où il rencontrera sa propre histoire.

Pour que cette rencontre soit possible, on a aussi besoin - c’est indispensable - de cette autre rencontre à laquelle vous êtes tous convoqués aujourd’hui : celle de la solidarité. »

***

Bref historique de 1976 à nos jours

La sécurité des exilés uruguayens à Buenos Aires était à cette époque très compromise ; c’est pourquoi Sara cachait sa véritable identité en faisant usage de papiers au nom de Riquelo. À cause de cela, l’enfant resta enregistré dans un tribunal argentin sous le nom de Simón Antonio Riquelo.

Au milieu de la nuit du 13 juillet 1976, un groupe d’hommes fit violemment irruption à son domicile. Il s’agissait d’une quinzaine de personnes vêtues en civil et munies d’armes de grand calibre. Asilú Maceiro partageait cette maison avec Sara, Mauricio – qui n’était pas à la maison cette nuit – et Simón qui était âgé de 20 jours. Les deux femmes furent violemment frappées lors de l’interrogatoire. Ceux qui commandaient l’intervention étaient le major José Nino Gavazzo, des Forces armées uruguayennes, et Aníbal Gordon, un paramilitaire argentin.

Le 12 septembre 1986, le juge de première instance dans les juridictions fédérales criminelles et correctionnelles en charge du tribunal n°3 de la ville de Buenos Aires, capitale fédérale de la République d’Argentine, Nestor Blondi, dans la cause n° 42 335, initiée par Enrique Rodríguez Larreta, décida la prison préventive pour José Nino Gavazzo, Jorge Silveira, Manuel Cordero et Hugo Campos Hermida pour le crime de privation illégitime de liberté, renouvelé dans 23 cas, dont celui de Sara et de son fils.

Le 23 septembre 1986, Nestor Blondi a délivré un mandat au ministère des affaires étrangères et du culte en Argentine pour qu’il remette aux autorités uruguayennes l’acte du procès des quatre militaires uruguayens. Dans le mandat il est établi que : "les faits pour lesquels ils sont accusés ont été commis sur le territoire argentin pendant le mois de juillet 1976, mais, dans trois des cas de privation illégitime de liberté, - Gerardo Gatti, Hugo Méndez et León Duarte - on est aujourd’hui sans nouvelles des victimes, c’est-à-dire que le crime court toujours et que donc ces trois cas entraînent l’interruption de la prescription des autres crimes". C’est pourquoi " elles [les autorités argentines] demandent l’extradition des personnes en question aux autorités de la République orientale d’Uruguay".

Cette même année, Carlos Menem, alors président d’Argentine, a gracié les quatre militaires uruguayens - José Nino Gavazzo, Jorge Silveira, Manuel Cordero et Hugo Campos Hermida et Manuel Cordero – qui faisaient l’objet d’une demande d’extradition et d’une condamnation "en leur absence" de la justice argentine. Ainsi se refermait le chemin qui s’était ouvert en Argentine pour rechercher le lieu où se trouve Simón.

A la fin de 1989, Julio María Sanguinetti, alors président d’Uruguay, se prononça pour que les faits dénoncés par Sara Méndez soient inclus dans la loi d’amnistie et que, les crimes supposés ayant été commis en Argentine, ils demeurent hors de la juridiction pénale uruguayenne. De plus, le chef de l’exécutif indiqua que les "suspects" avaient été graciés en Argentine.

 


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2484.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : http://www.simonriquelo.org.uy/, février 2001.
 
En cas de reproduction, mentionner au moins l’autrice, la source française (Dial - http://www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
 
 

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