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DIAL 2503

PANAMA - Plus d’eau pour le canal. Des habitants craignent d’être expulsés

Nayra Delgado

lundi 1er octobre 2001, par Dial

Le Panama exerce sa pleine et entière souveraineté sur le canal depuis le 31 décembre 1999, après un siècle de contrôle des États-Unis. L’autorité qui gère le canal a le souci d’augmenter le nombre de passages de bateaux et de rendre la voie d’eau accessible à des bateaux de plus grande taille. Certains habitants du bassin du canal craignent d’être expulsés. Article de Nayra Delgado dans Noticias Aliadas, 18 juin 2001.


Lentement sous le soleil ardent, les paysans habitant le bassin du canal de Panama s’organisent pour lutter contre un problème commun : la perte éventuelle de leurs terres dans le cadre des projets d’extension de la voie d’eau interocéanique.

« Après avoir vécu ici depuis plus de quatre générations, notre préoccupation majeure est que l’on nous chasse d’un jour à l’autre » dit un père de cinq enfants, Abdiel Martinez, âgé de 45 ans. Après avoir été presque un siècle sous le contrôle des États-Unis, le canal a été remis au Panama le 31 décembre 1999. Depuis lors, outre que pour la première fois de son histoire il a la souveraineté sur la totalité de son territoire, le Panama a la responsabilité exclusive de la gestion de la voie ainsi que du maintien de son niveau de compétitivité en tant qu’entreprise performante.

Suite à la création de l’Autorité du canal de Panama (ACP), la Loi 44, adoptée en 1999, a délimité légalement le bassin du canal en y ajoutant une partie des provinces de Coclé et Colón, dans la région occidentale, avec la capacité de couvrir les nécessités croissantes de l’approvisionnement en eau de la population panaméenne et d’assurer un fonctionnement rentable du canal de Panama dans l’avenir. Cette loi a agrandi le bassin de 250 000 à presque 553 000 ha.

« La capacité actuelle de stockage d’eau du bassin est limitée » explique Oscar Vallarino, secrétaire exécutif de la Commission interinstitutionnelle du bassin hydrographique du canal de Panama (CICH). « Pour augmenter la capacité du canal, nous devons trouver des sources supplémentaires pour le stockage de l’eau. » Chaque bateau qui traverse la voie consomme la même quantité d’eau que celle que consommerait journellement une ville de 15 000 habitants. La consommation d’eau des 35 bateaux qui le traversent chaque jour équivaut à celle d’une ville de 500 000 habitants, c’est-à-dire plus de 7 milliards de litres d’eau.

Vallarinio affirme : "Dix-sept seulement sur les trente et une études actuellement menées à leur terme envisagent la recherche de sources supplémentaires d’apport en eau. Les autres se tournent vers des alternatives techniques comme des élévateurs, des écluses plus performantes ou deux niveaux distincts dans un même espace."

Parmi les possibilités envisagées par l’ACP à travers des études de faisabilité qui seront menées à terme dans les deux années à venir, on trouve la construction de trois barrages qui conduirait à l’inondation d’une superficie de 2 131 km2 et au déplacement de 8 500 personnes.

"On ne nous a pas encore dit ce que l’on allait faire de nous… c’est difficile de vivre dans cette insécurité", explique l’un des paysans organisé dans la Coordination des paysans contre les barrages. Les 35 000 paysans qui vivent dans le bassin craignent que leurs terres soient rapidement inondées.

"Selon la loi, une des responsabilité de l’ACP est la modernisation du canal", selon le commentaire de Vallarino qui rappelle que cette norme oblige également l’ACP à rapporter annuellement pas moins de 200 millions de dollars au Trésor national.

L’ACP affirme que "sans eau douce le canal ne peut pas fonctionner. Toute alternative pour augmenter la capacité de la voie aquatique, de même que pour satisfaire à la demande d’eau de notre population, exige que l’on identifie les surfaces qui détiennent le plus grand potentiel hydraulique pour pouvoir répondre à ces exigences."

Les transformations du commerce maritime mondial ont obligé l’ACP a reconnaître la nécessité d’une augmentation de la voie pour maintenir sa compétitivité, moyennant la construction d’un troisième jeu d’écluses, s’adaptant à l’augmentation de la taille des bateaux de la dernière génération qui dépasse largement la capacité du canal actuel.

Le trafic par la voie d’eau de containers chargés, le deuxième en importance, a augmenté d’environ 12 % au cours de l’année fiscale 2000 pour atteindre un total de 22,4 millions de tonnes, au bas mot.

Cet accroissement a provoqué une augmentation du pourcentage d’utilisation de bateaux Panamax - les plus grands qui peuvent traverser les 80 km de la voie d’eau - par rapport à la totalité des traversées. Au cours de l’année 2000, 35,3 % des traversées du canal sont revenues à ces bateaux.

Alors que les compagnies internationales de navigation les plus importantes réclament la construction de bateaux Postpanamax d’une capacité en chargement de 9 000 TEUs (unité équivalente à environ 6, 6m - taille standard d’un container) la limite actuelle du canal est de 4 400 TEUs. Selon les plans des nouvelles écluses à l’étude pour l’ACP, la voie d’eau devra pouvoir accepter des bateaux de containers d’une capacité atteignant 12 500 TEUs.

Par ailleurs, il ne s’agit pas seulement d’accroître la capacité de la voie d’eau mais aussi d’augmenter le nombre de transits quotidiens en passant de 35 actuellement à 41.

Dans cet objectif, l’augmentation d’un mètre en profondeur du lit navigable du canal a été approuvée. Elle débutera en 2002 pour s’achever en 2006. Cette augmentation apportera au canal une moyenne de six franchissements supplémentaires d’écluses – c’est-à-dire six passages de plus par jour - jusqu’à atteindre les 41.

Entre temps l’ACP a signé un accord portant sur 3 millions de dollars avec le ministère du développement agricole (MIDA) dans le cadre d’un programme d’immatriculation des terres des paysans qui habitent le bassin, en tant qu’élément du Plan de développement intégral et soutenable de conservation des ressources hydrauliques.

"Si un projet doit être mené à son terme, il faut que les premiers à en bénéficier soient ceux qui ont été affectés", remarque Vallarino.

Cependant les paysans ont connu un précédent : la construction du barrage de Bayano dans les années 70, au sud-est de Panama, au cours de laquelle des milliers d’indigènes kuna ont été expulsés de leurs terres ancestrales sans aucun type de compensation en échange.

« On dit que le canal est le moteur de l’économie. Mais, jusqu’à maintenant, il ne nous a absolument rien rapporté » ronchonne Aristide Montoya, un paysan de la région occidentale. L’ACP a un dur chemin à parcourir pour calmer les esprits des paysans sceptiques. En fait, après une année de débats et d’échange avec les communautés proches de la voie d’eau, moyennant la diffusion de programmes, l’élaboration de documents informatifs et de consultations menées porte à porte, peu - sinon rien - n’a été obtenu. Les paysans sont encore plus nerveux.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2503.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Noticias Aliadas, 18 juin 2001.
 
En cas de reproduction, mentionner au moins l’autrice, la source française (Dial - http://www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
 
 
 

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