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DIAL 2911

ÉQUATEUR - Nouveau gouvernement de gauche, quelles perspectives ?

Nelson F. Núñez Vergara

jeudi 1er février 2007, par Dial

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La victoire de Rafael Correa lors des élections présidentielles du 26 novembre 2006 représente une étape importante non seulement pour le pays, mais aussi pour le continent, où désormais les gouvernements de gauche – de diverses tendances – sont la grande majorité. Cet article de Nelson Núñez, ancien directeur de planification de la CONAIE, la Confédération des nationalités indiennes d’Équateur, a été écrit aux lendemains des élections. Il date donc déjà un peu – le nouveau président a pris ses fonctions le 15 janvier. Il permet cependant de faire le point sur le contexte du début de présidence, facilitant ainsi la compréhension des politiques à venir. Texte espagnol publié par AlterInfos le 5 décembre 2006.


Les résultats officiels en Équateur donnent 57% au candidat de gauche, qui a gagné dans 19 des 22 provinces du pays. C’est le meilleur résultat obtenu depuis 1997 dans une élection présidentielle. Son triomphe signifie pour l’Équateur le début d’un processus politique similaire à ceux que vivent actuellement le Venezuela et la Bolivie. Au plan régional, cela renforce la place de la gauche avec des conséquences politiques, économiques et militaires.

Les erreurs de la droite

La première erreur d’Álvaro Noboa du PRIAN [1] – qui a perdu trois élections consécutives – a été de radicaliser son discours de droite, en abandonnant le centre et en faisant peur aux électeurs. Il a accentué son profil extrémiste en proposant de réformer la politique de l’État sur le plan international et dans le domaine énergétique. Il a annoncé qu’il romprait les relations avec Cuba et le Venezuela et impliquerait le pays dans le conflit colombien en appuyant le président Uribe. Cette annonce a eu lieu dans un pays où le président Chávez a 80% de sympathisants, où Cuba a construit quatre hôpitaux, et où plusieurs milliers de jeunes partent étudier sur cette île. Noboa a aussi affirmé qu’il signerait l’accord de libre-échange avec les États-Unis sans aucune consultation et qu’il réviserait la réforme sur les hydrocarbures qui avait permis à l’Équateur d’obtenir des rentrées d’argent de l’ordre de 2 000 millions de dollars. Beaucoup s’accordent pour dire que l’Équateur est l’un des pays les plus instables de la région, mais à la différence de ses voisins, il a mis en place des politiques qui ont le soutien de différents secteurs sociaux, de droite et de gauche.

Noboa n’a pas réussi à obtenir l’appui des autres partis de droite comme le PSC [2] et le PSP [3] qui ont laissé à leurs militants toute liberté pour voter. Les dirigeants de ces partis s’inclinaient pour Noboa mais ils ont dû céder à la pression des militants qui dans de nombreuses circonscriptions soutenaient le candidat de gauche. Noboa n’a pas non plus su se départir de l’image négative de chef d’entreprise peu scrupuleux qui a “accumulé du pouvoir pour son propre bénéfice.” L’OIT [4], Human Rights Watch et la Fédération des travailleurs bananiers ont dénoncé le fait qu’il employait des enfants dans ses plantations et empêchait la formation de syndicats en utilisant des paramilitaires. Ses grandes propositions populaires ont perdu tout crédit lorsque la presse dénonça le fait que des dizaines de milliers de documents offrant aux plus pauvres des logements s’il gagnait les élections avaient été mis à la poubelle. Les derniers jours, Noboa changea de position et chercha à répondre à ces accusations mais il était déjà trop tard, car il n’avait plus la crédibilité nécessaire comme l’ont signalé divers analystes.

Il était soutenu par certains secteurs de l’Association de l’industrie des hydrocarbures d’Équateur (AIHE) qui réunit les entreprises pétrolières qui travaillent dans le pays et qui espéraient qu’un gouvernement de droite freine ce qu’ils appellent le « chantage et les attaques » des peuples indiens d’Amazonie. Il avait aussi le soutien des secteurs financiers qui réalisent des activités spéculatives sur la dette extérieure. Mais d’autres secteurs craignaient que Noboa, qui est l’homme le plus riche du pays et contrôle le Congrès, en alliance avec le PSP et le PSC, n’acquiert trop de pouvoir.

Le système électoral dominé par les partis de droite n’a que très peu de légitimité. Cela n’a pas empêché qu’au premier tour, le candidat conservateur achète des votes avec de l’argent, des dons alimentaires et autres cadeaux. Il a aussi largement dépassé la somme que la loi autorise que l’on dépense en campagne électorale. Le système informatique de décompte rapide, sous la responsabilité de l’entreprise brésilienne E-vote ainsi qu’une enquête indépendante d’une équipe spécialisée de l’Université polytechnique nationale – la plus prestigieuse du pays dans ce domaine – ont signalé que des “irrégularités se sont produites” ayant altéré jusqu’à 200 000 votes au cours du premier tour. La mission d’observation de l’OEA n’ayant pas signalé ces faits, son chef Rafael Bielza a été durement critiqué et a été renvoyé de l’organisation 24 heures avant le début du deuxième tour. Durant le second tour, il a été demandé au Tribunal suprême électoral (TSE) [5] de prendre des mesures supplémentaires pour garantir la transparence du processus. La gauche a envoyé du personnel dans 90% des bureaux de vote pour éviter le trucage des votes et renforcer l’équipe informatique chargée de la transmission des données.

La révolution équatorienne ?

Rafael Correa, au premier tour, s’est centré sur son programme de réformes structurelles, mais au deuxième tour, il a proposé une série de mesures – selon ses critiques – de type populiste, qui lui ont permis de neutraliser les propositions de Noboa. Il a aussi réussi à obtenir le soutien de tous les partis politiques du centre et de la gauche traditionnelle. Les mouvements sociaux urbains lui ont réaffirmé leur soutien, ainsi que le mouvement indien, malgré la passivité de certains dirigeants qui, au premier tour, ont préféré soutenir Luís Macas. Dans les zones rurales et dans les villes, la population s’est organisée pour soutenir la campagne, surveiller le processus électoral et gagner les élections.

La gauche veut faire des changements profonds de la structure de l´État pour reconstruire l’institution à laquelle les partis traditionnels ont sérieusement nui, même Pachakuitk [6], pour réformer le Congrès national, le Pouvoir judiciaire, le Tribunal constitutionnel, le Tribunal électoral et autres. Le président élu a réaffirmé que dès sa prise de fonction, le 15 janvier 2007, il organisera une consultation populaire pour choisir une Assemblée nationale constituante (de pleins pouvoirs), avec de nouvelles règles électorales. Le PRIAN, et le Parti social chrétien vont s’y opposer. Comme a dit le député José Fernando Torres, si le nouveau gouvernement de gauche « veut la guerre, il l’aura ». Le PRE, le PSP de Lucio Gutiérrez et la gauche démocratique se sont montrés disposés à négocier pour que ce soit le Congrès national qui mette en place les réformes constitutionnelles. Mais l’opposition la plus conservatrice aura le contrôle du parlement, ce qui provoquera probablement une crise gouvernementale durant le premier trimestre de 2007.

La faiblesse de cette opposition montre son peu de légitimité. Les votes nuls et blancs ont été supérieurs à 50% des votes comptabilisés, ce qui constitue un chiffre plus important que le nombre de votes que les partis politiques ont eu pour le congrès. S’ils essaient d’empêcher la consultation nationale, le gouvernement pourrait envisager la possibilité de dissoudre le congrès et appeler à une ample mobilisation nationale pour faire pression sur les partis de droite et les obliger à négocier.

Une bonne période économique pour un modèle différent

L’Équateur est dans une bonne période économique grâce au prix du pétrole. Sa production est de 530 000 barils par jour et, avec les envois d’argent des émigrants – 2005 millions de dollars en 2005 –, constitue la base de l’économie nationale. Ces envois d’argent représentent 8% du PIB et sont – selon un rapport de la BID – plus importants que l’ensemble des flux d’investissement direct étranger et d’aide officielle pour le développement.

La réforme de la Loi d’hydrocarbures a donné à l’État des ressources additionnelles, mais le gouvernement est conscient d’avoir besoin de profiter de ce moment pour lancer des réformes économiques structurelles. Le Ministre de l’Énergie Alberto Acosta – un économiste prestigieux – va renégocier les contrats pétroliers – en incluant probablement Petrobras [7] – que le gouvernement considère désavantageux. Il veut réintégrer l’OPEP [8], et établir une alliance énergétique stratégique avec le gouvernement vénézuélien. Les accords cherchent à moderniser l’entreprise nationale PetroEcuador avec l’aide de l’entreprise vénézuélienne PDSVA, et à construire des raffineries pour obtenir des produits dérivés et économiser des devises. C’est l’actuel gouvernement qui a commencé à négocier cet accord, mais pendant longtemps les entreprises états-uniennes ont fait pression, empêchant le gouvernement d’aller plus loin. Les négociations ont reprises et le Président Correa a annoncé que le 16 janvier, le Venezuela commencera à raffiner le pétrole équatorien. Le gouvernement du président Alfredo Palacio a aussi paralysé les enchères de sept gisements marginaux de brut dont les réserves confirmées sont estimées à environ 120 millions de barils. Le nouveau gouvernement va aussi renforcer les contrôles sur les dommages à l’environnement et les activités des institutions chargées des relations avec les communautés, qui ont joué un rôle très important dans la destruction des organisations indiennes de la région amazonienne. Le prochain gouvernement sait que les opportunités sur ce terrain sont en train de s’épuiser. Les projections des spécialistes considèrent qu’à partir de 2012 la production pétrolière sera irrémédiablement réduite et que l’Équateur sera en 2023 un pays importateur.

L’autre axe sera la renégociation de la dette extérieure. Le prochain Ministre de l’économie sera Ricardo Patiño, qui est un critique fervent du néolibéralisme et de la façon dont a été acquise et négociée la dette extérieure, qui atteint actuellement les 16 850 millions de dollars avec 2 000 millions de dollars d’intérêts. La renégociation peut inclure un moratoire des paiements ou l’utilisation des réserves financières accumulées pour son rachat. Les audits continueront et permettront de contester ce qu’ils appellent une « dette illégitime et illégale ». Cela n’est pas insensé, comme le montre la décision du gouvernement norvégien qui, en octobre, a annulé unilatéralement et sans conditions la dette qu’il avait avec l’Équateur, le Pérou, la Jamaïque, l’Égypte, et la Sierra Leone, en considérant qu’elle avait été contractée d’une manière irrégulière (cette remise ne va être pas considérée ni comme aide officielle pour le développement ni comme fonds de coopération). L’Équateur, dans ce cas, avait déjà payé 100 millions de dollars et il en restait encore 35, d’un emprunt de 59 millions.

Ces audits sont effectués par une Commission spéciale nommée par le président Palacio en mars dernier, et dirigée par Monseigneur Luís Albert Luna, qui est lié aux secteurs les plus progressistes de l’Église Catholique. Le prochain gouvernement évalue aussi bien les économies qu’il ferait en payant sa dette en avance que les investissements alternatifs dans l’industrie pétrolière. Cette alternative serait plus profitable en raison d’un meilleur taux de retour. Le gouvernement vénézuélien propose aussi d´acheter une grande quantité de bons de la dette publique équatorienne - comme il l’a déjà fait avec l’Argentine et la Bolivie. Ces mesures permettraient au gouvernement de gauche de réduire stratégiquement le montant de la dette publique et d’éviter les pressions du Fonds monétaire international et des États-Unis. Ce serait en plus une bonne affaire pour Caracas.

Une autre mesure du nouveau gouvernement serait la réforme de la loi d’institutions financières qui va obliger la banque à rapatrier 2 000 millions de dollars déposés aux États-Unis, en stimulant ainsi le crédit national. Il s’agit d´un sujet très délicat pour les Équatoriens, qui, en 1999, ont subi jusqu’à 5 000 millions de dollars de pertes, à cause de la crise financière provoquée par les mauvaises conduites de la banque privée et la complicité du gouvernement de Jamil Mahuad. L’ex-président réside aux États-Unis et est accusé de corruption.

La signature d’un accord de libre-échange avec les États-Unis est aussi écartée. À la décision du prochain gouvernement s’ajoutent des changements dans le prochain congrès des États-Unis. La majorité démocrate semble peu disposée à approuver des accords commerciaux de ce type, et elle ne veut pas renouveler les facultés du président Bush à continuer les négociations, qui expirent le 30 juin 2007. Pendant ce temps, le Pérou essaie d’utiliser le triomphe de Correa comme un argument pour convaincre le parti démocrate qu’il est un des ses rares alliés dans la région et qu’il doit être soutenu contre l’axe « chavista » qui est maintenant devenu plus fort.

Toutes ces annonces ont provoqué une grande nervosité à Wall Street, où le risque pays a augmenté depuis le 24 octobre de 509 à 604 points. Il y a une vente massive des bons de gouvernement équatoriens et les Credit Default Swap (CDS) – qui sont une assurance contre la cessation de paiements – ont maintenant un prix similaire à ceux de l’Irak.

Les chefs d’entreprise et les Indiens d’Équateur

Le secteur patronal ne partage pas la même opinion au sujet du nouveau gouvernement, tout dépend des intérêts particuliers de chacun. Les entreprises liées aux groupes de spéculation financière qui gèrent la Banque et qui ont des intérêts en rapport avec la dette extérieure, seront en forte opposition avec le gouvernement de Rafael Correa. Les compagnies pétrolières, de leur côté, seront prêtes à négocier avec ce dernier, en se fiant aux expériences vénézuélienne et bolivienne, et à réduire leurs profits tout en offrant une distribution plus équitable. Elles devront également assumer les coûts reliés à la pollution de l’environnement qu’elles ont engendrés, spécialement dans l’est du pays (Amazonie). Les industriels équatoriens, quant à eux, pourront obtenir d’importants contrats du gouvernement, solutionnant le problème du secteur tertiaire en échange de crédits et d’une recherche intensive de nouveaux marchés pour les exportations, en même temps que d’une augmentation de la consommation intérieure.

Pour sa part, le mouvement indien traverse une étape difficile. Il est actuellement divisé en trois branches distinctes. La première, dite « populiste », contrôle l’appareil central de la CONAIE. Elle a appuyé la candidature de Luis Macas, qui n’a obtenu que 2,9% des suffrages au premier tour. En font partie des fonctionnaires indiens qui occupent des postes au sein de l’État et qui craignent les engagements que Correa a pris auprès d’autres organisations indiennes telle la FENOCIN [9]. La défaite de leur candidat au premier tour les a grandement meurtris, mais ils continuent de se proclamer les « interlocuteurs et représentants » du mouvement indien.

Une deuxième branche consiste en ce que divers analystes qualifient de « mafia indienne », composée d’anciens dirigeants de la CONAIE et de la FEINE d’orientation évangélique [10], qui furent impliqués dans le régime de Lucio Gutiérrez. Les recherches de l’agence de renseignements de la République, ainsi que d’autres enquêtes, les ont identifiés comme responsables de graves irrégularités et d’actes de corruption se chiffrant à plusieurs millions de dollars. Cette branche a joué un rôle-clé dans le triomphe du Parti société patriotique dans l’Est et dans la Sierra, où plusieurs gouvernements locaux ont gagné. Au second tour, ils ont appuyé Alvaro Noboa mais ont été vaincus de façon écrasante et sont aujourd’hui dans un état d’alerte extrême.

La troisième branche est formée de groupes que l’on pourrait définir comme la « gauche indienne », essentiellement constituée de dirigeants provinciaux, d’intellectuels indiens et de quelques dirigeants nationaux de la CONAIE. Ils se sont opposés tant à la domination de Macas et de sa bande qu’à celle de la mafia indienne dans l’est du pays. Toutefois, la principale faiblesse de cette branche réside dans le fait qu’elle ne peut coordonner ses activités sur le plan national et qu’ainsi, elle se retrouve constamment attaquée ou isolée. Néanmoins, son influence fut importante pour obtenir l’appui majeur de la population indienne à la candidature de Correa, qui a gagné au second tour dans toutes les provinces de l’Est et de la Sierra avec une moyenne de 67%.

L’ambiance régionale

L’Amérique latine se départage désormais en trois blocs idéologiques. Le premier bloc comprend le Mexique, la Colombie et le Pérou, pays alliés des États-Unis. Le second bloc regroupe les gouvernements de gauche « radicale » du Venezuela, de la Bolivie et de Cuba, auxquels s’ajouterait à présent l’Équateur. Finalement, les gouvernements de la gauche « modérée » du Brésil, de l’Argentine, de l’Uruguay et du Chili forment le troisième bloc. Jusqu’à présent, c’est le Venezuela qui agit comme initiateur de changement, par le biais d’importants traités politiques et économiques dans la zone du MERCOSUR [11], ce qui permet une complémentarité croissante des économies de la région.

Sur le plan militaire, il y a plusieurs problèmes. D’une part, les troupes états-uniennes devront quitter l’Équateur d’ici deux ans, car la convention de Manta ne sera pas renouvelée. D’ici là, elles vont intensifier leur contrôle et leurs efforts pour accomplir les termes des accords anti-drogues, tout en évitant de s’impliquer dans des activités reliées au conflit colombien. Le nouveau président d’Équateur a résumé avec ironie sa position avec la phrase suivante : « Une base militaire nord-américaine ne sera tolérée à Manta que si les États-Unis permettent l’établissement d’une base militaire équatorienne à Miami ».

Le Pentagone a alerté le président Bush de la montée des courants nationalistes au sein des militaires encouragés par les succès du Venezuela. Pour cette raison a été réactivé le Programme d’aide militaire aux armées de 11 pays latino-américains et des Antilles. Ce programme avait été interrompu en 2002 après le refus de Quito et d’autres gouvernements de souscrire aux traités bilatéraux visant à exempter les militaires états-uniens de la juridiction de la Cour suprême internationale. Cependant, il est possible que le nouveau gouvernement de gauche refuse ou pose des conditions à sa collaboration, notamment pour l’envoi d’officiers en stages de spécialisation à la « nouvelle » École des Amériques (SOA). Ce centre de formation militaire fut sévèrement blâmé pour avoir hébergé les principaux responsables des violations de droits humains en Amérique latine. Par ailleurs, les États-Unis sont en train de mettre sur pied de nouvelles bases militaires au Paraguay et le congrès péruvien modifie en ce moment sa législation sur l’admission de troupes étrangères sur son territoire.

Les gouvernements de gauche sont en train de développer une stratégie sur cette question, afin d’éviter que ne se répètent les évènements des années 1970, quand l’administration états-unienne appuya les coups d’État contre les gouvernements progressistes. Ils cherchent à moderniser leurs armées, à améliorer leurs services de renseignement et à développer une stratégie régionale qui puisse faire contrepoids au traditionnel contrôle des États-Unis. Le Venezuela a purgé de son armée les secteurs « pro états-uniens » et est en train de signer avec la Bolivie un accord de coopération militaire pour moderniser leurs armées. Les Ministères des affaires étrangères de Lima et de Santiago se méfient de ces accords et ont accusé le Venezuela d’interventionnisme. Toutefois, en octobre 2005 – peu avant le triomphe d’Evo Morales –, le commandant d’alors de l’armée bolivienne, le général Marcelo Antezana, de concert avec l’ambassade états-unienne, avait livré aux États-Unis les missiles antiaériens donnés par la Chine en 1993 et qui constituaient un recours important pour la défense stratégique. Aujourd’hui, les militaires impliqués dans cette transaction sont poursuivis pour trahison envers la patrie.

L’armée équatorienne comprend plusieurs secteurs en son sein. D’un côté, il y a le secteur pro états-unien qui se méfie fortement de Rafael Correa et qui a fait pression sur le gouvernement d’Alfredo Palacio afin que Quito n’accueille pas au mois d’août la Commission de l’Observatoire des Amériques (SOAW), qui vise à expliquer comment la politique des États-Unis affecte les droits humains de la région. D’un autre côté, il existe aussi des secteurs « progressistes et nationalistes » qui peuvent appuyer le nouveau gouvernement de gauche pour la révision du Livre blanc des armées, où sera consigné le nouveau rôle de l’armée dans le combat contre le narcotrafic. Ces secteurs envisagent de développer une politique propre à la défense nationale et de ne pas déplacer le « centre de gravité stratégique » des armées vers la frontière nord ainsi que le souhaitent les États-Unis. Les gouvernements des États-Unis et de la Colombie vont aller de l’avant avec ce qu’il est convenu d’appeler le « Plan Colombia II », d’un coût de 4 milliards 729 millions de dollars, ainsi que l’a annoncé le Sous-secrétaire des affaires politiques du département d’État, Nicholas Burns. Les tensions risquent de s’aggraver entre la Colombie et l’Équateur, car le gouvernement d’Alvaro Uribe a annoncé que seront reprises au cours des prochains jours les fumigations à la frontière, malgré les protestations équatoriennes.

Le début d’un rêve ou d’un cauchemar

Le triomphe de la gauche en Équateur clôt un chapitre initié en 1991 avec les soulèvements indiens. Le futur gouvernement de Rafael Correa peut compter sur l’expérience acquise et sur les cadres qui se sont formés pendant toutes ces années, avec leurs qualités mais aussi avec leurs défauts. L’économie nationale se porte bien en ce moment et le tableau régional est positif. Un bon gouvernement de gauche en Équateur serait un bon exemple – ou mauvais selon les intérêts – en Amérique du Sud. Afin de montrer qu’il est tout à fait possible de concrétiser les rêves dans la réalité, et prouver que la gauche latino-américaine est plus proche de l’idéal de Tomas Moro et des rêves de Dolores Cacuango – la plus grande leader du mouvement indien équatorien – que des cauchemars et des goulags de Staline.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2911.
 Traduction réalisée par l’auteur et revue par Dial.
 Texte original (espagnol) : AlterInfos, 5 décembre 2006.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la source française (Dial) et l’adresse internet de l’article.

responsabilite


[1Parti rénovation institutionnelle action nationale, de droite.

[2Parti social chrétien.

[3le Parti société patriotique est le parti de l’ex-président Lucio Gutierrez (2003-2005).

[4Organisation Internationale du Travail.

[5L’institution qui organise les élections.

[6Parti indien, en lien avec la CONAIE et le mouvement indien.

[7La compagnie nationale brésilienne.

[8Organisation des pays exportateurs de pétrole.

[9Confédération nationale d’organisations paysannes, indiennes et noires.

[10Fédération équatorienne d’indiens évangéliques.

[11Marché commun du Sud.

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