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DIAL 2881 - Dossier : Peuples indigènes

CHILI - Les Indiens mapuche recherchent leur autonomie

Daniela Estrada

jeudi 1er juin 2006, mis en ligne par Dial

Depuis longtemps les Mapuche chiliens luttent pour le respect de leurs droits. Ils représentent une population de quelques 600 000 personnes, selon le recensement de 2002. Significative de ce mouvement, la création d’un parti politique mapuche est envisagée par quelques-uns d’entre eux. La question de l’autonomie territoriale fait débat. Texte de Daniela Estrada, Agencia IPS, février 2006.


Au cours de cette année, le premier parti politique mapuche va se constituer, dans le but d’avancer vers l’autonomie territoriale et l’autogouvernement du peuple indigène le plus important du Chili, bien que le chemin soit difficile.

« Nous désirons former un parti politique pour gagner les élections et gouverner dans le Wallmapu (pays mapuche) et de cette façon améliorer les conditions de vie et élever la dignité de notre peuple », a dit à IPS Pedro Gustavo Quilaqueo, « wiritufe » du « Wallmapuwen », secrétaire politique du parti actuellement en formation. Le Wallmapuwen, qui signifie « compatriotes du pays mapuche » souhaite se constituer légalement, durant le second semestre de cette année, pour se présenter aux élections municipales (maires et conseillers) de 2008.

Le parti est défini par ses dirigeants comme autonomiste, régionaliste, démocrate, progressiste, laïc et pluraliste. Il affrontera la lutte politique par des moyens pacifiques. Derrière le projet, on trouve 25 citoyens d’origine mapuche et un nombre croissant de sympathisants, explique Quilaqueo, qui, avec Pedro Mariman, historien du Centre d’études et de documentation mapuche liwen et Claude Curihuentru forment le comité politique.

« Il s’agit de personnes d’origines et de formations diverses, la plupart d’entre elles de formation universitaire, résidant dans le Wallmapu et ayant l’expérience de la lutte et du travail social, à travers la participation dans des organisations et des institutions mapuches » nous a expliqué Quilaqueo. Selon les indigènes, le Wallmapu comprend la neuvième région de l’Araucania, où 23,5% de la population appartient à cette ethnie, ainsi que les communes adjacentes de la huitième région du Bio-Bio et la dixième région de Los Lagos, de 400 à 800 kilomètres au sud de la capitale. Le groupe cherche à
« reconstituer le pays mapuche sous la forme d’une entité politico-administrative, régie par un statut d’autonomie territoriale qui consacre les droits de sa population d’origine et incorpore le mapuzugun comme langue officielle ».

Parmi les propositions, il y a le gouvernement du Wallmapu « par un exécutif et un parlement autonomes élus par l’ensemble de la population régionale, sous un système électoral proportionnel de circonscription unique. C’est un modèle qui existe dans de nombreux Etats plurinationaux ayant une profonde tradition démocratique, ou dans des Etats fédéraux », affirme Quilaqueo.

« Nous avons besoin d’un parti politique pour discuter et lancer les réformes nécessaires dans le long chemin vers l’autonomie territoriale et la résolution des problèmes sociaux auxquels doit faire face la population de la région », déclare le dirigeant. Ceci implique de débattre de sujets tels que « la décentralisation du pays, la démocratisation des gouvernements régionaux, les attributions des municipalités, l’investissement régional, la politique fiscale, les réformes électorales et institutionnelles, qui doteront le Wallmapu de la possibilité croissante de s’autogouverner ».

Le sénateur Carlos Cantero, du parti d’opposition « Rénovation Nationale » de la droite libérale a dit à IPS : « Je trouve très bien que les gens désirent s’organiser et participer légitimement à la vie démocratique du pays, d’autant plus qu’il s’agit de thèmes qui préoccupent un groupe indigène ».

En ce qui concerne l’autonomie, Cantero signale que c’est un thème nouveau, qui n’a pas été traité au Parlement, mais qu’il « ne voit pas la raison pour laquelle l’ethnie mapuche devrait l’obtenir », opinion partagée par le député du parti officiel « Parti pour la Démocratie », Antonio Leal. Le parlementaire a dit à IPS : « Nous sommes partisans de la reconnaissance constitutionnelle des peuples indigènes et de toutes leurs revendications, parmi lesquelles on trouve la restitution des terres, mais nous ne sommes pas d’accord avec l’autonomie d’aucun secteur du pays, car l’Etat et la nation ne sont pas divisibles ». Pour Leal, en tous les cas, il est nécessaire d’attendre que le groupe se constitue légalement, car autrefois il y eut des initiatives similaires qui se sont soldées par l’échec. Les dirigeants du Wallmapuwen reconnaissent que la fondation d’un parti politique est une ancienne revendication du peuple mapuche, qui date de 1934, mais la réelle adhésion de la population indigène ne pourra être vérifiée que lors des affrontements électoraux. De fait, le dirigeant Aucan Huilcaman n’a pas participé à la fondation du Wallmapuwen,, alors qu’il est porte-parole du conseil de Toutes les Terres, une des principales organisations mapuches. L’an passé, il a échoué dans son intention de postuler à la présidence du pays, en raison de formalismes juridiques. « Il existe un large consensus entre les groupes mapuches par rapport au droit à un gouvernement autonome, de même qu’entre les Chiliens par rapport à la décentralisation. C’est la raison pour laquelle nous croyons que le parti ne naviguera pas dans des eaux inconnues », nous a affirmé Quilaqueo.

De l’avis du dirigeant, le rejet de cette pétition mapuche « provient de politiciens et nationalistes chiliens, généralement conservateurs, hyper centralistes et, dans certains cas, soupçonnés de racisme ». Au contraire, la cause mapuche, comprise comme un ensemble de demandes politiques, sociales, culturelles ou linguistiques, continue d’être largement accueillie dans la population nationale.

Leal, au contraire, croit que l’autonomie territoriale de cette ethnie n’est pas une idée partagée par l’ensemble du monde indigène, et moins encore par le reste du pays. Quilaqueo reconnaît qu’à l’intérieur du peuple mapuche « existe une diversité d’opinions, de méthodes, de leadership, ce qui existe aussi parmi les Chiliens, puisqu’il n’existe pas un seul parti politique, ni une seule organisation sociale, ni un seul credo. Il existe une diversité et un pluralisme ».

« L’autonomie, comme proposition de règle de la vie en commun plurinationale, comme politique de démocratisation et de décentralisation profonde, et comme acte de justice et de réparation, ne va pas à l’encontre des intérêts du Chili. C’est un message que nous devons nous efforcer de faire comprendre » argumente le dirigeant mapuche.

« Wallmapuwen, qui cherche à devenir le 12ème parti politique du pays, est ouvert à la participation de n’importe quel citoyen qui partage le projet politique indigène. Bien que Quilaqueo affirme que le parti naissant n’ait pas de références internationales, il a établi des relations avec la gauche Républicaine de Catalogne, et compte avec l’appui du journaliste et dirigeant de ce parti, Daniel Condeminas, même s’il ne reçoit aucune subvention financière de l’étranger », affirme-t-il.
Selon le recensement de 2002, environ 700 000 personnes, soit 4,6% de la population chilienne, appartiennent à diverses ethnies, parmi lesquelles se détache l’ethnie mapuche, qui constitue 87,3 % de ces minorités. Lors des élections municipales de décembre 2002 furent élus 17 maires indigènes sur un total de 345 communes.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2881.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : IPS, février 2006.

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