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DIAL 2890

PARAGUAY - Le soja destructeur

jeudi 1er juin 2006, mis en ligne par Dial

Il n’y a pas qu’en Argentine et au Brésil que la culture du soja transgénique s’est développée sur d’immenses surfaces : on retrouve ce phénomène dans d’autres pays aux dimensions plus modestes, tel le Paraguay. La surface consacrée à cette culture a augmenté dans ce pays de quelques 180 000 ha par an depuis quatre ans. Les effets inquiétants produits par ce genre de développement sont synthétisés dans l’article ci-dessous. Plus généralement, l’agriculture paraguayenne, par l’usage démesuré de produits toxiques, a des conséquences inquiétantes sur la santé des enfants du monde rural. Deux articles parus dans ADITAL (Agencia de Información Fray Tito para América Latina), datés, selon l’ordre dans lequel ils sont ici publiés, du 11 et du 7 avril 2006.


Problèmes environnementaux (destruction de la biodiversité), de santé pour qui consomme les produits (en raison de la manipulation génétique et, bien souvent, de l’usage accru de pesticides), d’inégalité sociale et de faim (les répercussions sur la population rurale sont énormes), d’irréversibilité (la pollution génétique se reproduit elle-même). Voilà quelques-uns des impacts négatifs de l’invasion du soja en terres paraguayennes.

Sociologue et professeur de l’Université nationale d’Asunción, Tomás Palau, affirme dans une étude que les avantages de la monoculture du soja sont nuls sauf pour un secteur de la société : les millionnaires qui dirigent les multinationales agro-industrielles.

L’expert affirme que la situation actuelle de l’agriculture au Paraguay, provoquée par la nouvelle offensive de l’agriculture capitaliste, présente une série d’éléments nocifs. Il y a la modification du soja, de traditionnel en transgénique ; l’indolence et la complicité dans l’action gouvernementale ; l’extension des surfaces de culture ; l’intoxication humaine et la pollution de la flore et de la faune ; la réaction paysanne ; la dépendance accrue des importations aux dépens des exportations ; la perte de souveraineté ; la hausse du prix des terres et la pression extérieure pour qu’il y ait croissance du PIB.

Tomás Palau déclare : « Il s’agit d’un problème complexe, dont l’effet social le plus important au final est l’expulsion des paysans des zones rurales du pays. » La surface ensemencée en soja est en pleine expansion au Paraguay. Sa superficie dépasse les 1 176 460 ha, soit 720 000 de plus en 4 ans seulement, ce qui donne une moyenne de 180 000 ha supplémentaires par an.

Le soja planté est presque en totalité transgénique (90 %) et introduit en contrebande. C’est ainsi que se perd la souveraineté génétique sur les semences traditionnelles qui s’étaient développées avec succès dans le pays. On introduit un facteur de risque sanitaire, puisqu’il n’est pas prouvé que les transgéniques n’affectent pas la santé humaine. En outre, il se produit un effet de contamination génétique sur d’autres cultures. Parallèlement Monsanto exige des royalties.

Les cultures avec semences transgéniques, qui sont résistantes aux herbicides, reçoivent d’abondantes fumigations de biocides dont beaucoup sont interdits d’usage. Ces biocides provoquent chez les humains des cas de mort et d’intoxication, vu que les fumigations se font, pour la plupart, mécaniquement ou à partir de petits avions. En plus de cela, ils détruisent les cultures d’autoconsommation et entraînent la mortalité dans la faune domestique et piscicole ainsi que sur les animaux de petite taille.

Le gouvernement n’agit pas, car au fond, cela lui convient qu’augmente la surface ensemencée en soja. La police (et bien des fois, l’armée), la majorité des juges et procureurs agissent en faveur des grands propriétaires. La législation sur l’environnement concernant les terres, les migrations, n’est pas respectée.

Ainsi, graduellement mais rapidement, se produit une triple perte de souveraineté. D’un côté, on continue à perdre la souveraineté économique, vu qu’on dépend des exportations d’un seul produit (le soja) dont les semences sont fournies par une seule entreprise (Monsanto), et que l’augmentation de ces exportations, à son tour, rend le pays dépendant d’importations toujours plus importantes. D’un autre côté, il y a perte de souveraineté territoriale, puisque d’immenses étendues de terres sont achetées par des entreprises étrangères (particuliers ou collectifs). Enfin, il y a perte de souveraineté alimentaire, puisque la monoculture exclut la diversification et donc les cultures de subsistance, et qu’en plus les paysans expulsés de leurs terres émigrent dans les villes, où, pour manger, ils doivent passer dans la catégorie des consommateurs après avoir été producteurs d’une partie de leur alimentation.

Les gens touchés, essentiellement des paysans, agissent de trois façons : ils se résignent à ce qui leur arrive, vendent leurs terres et s’en vont dans les villes ou centres urbains où ils finissent rapidement appauvris, à l’écart, exclus. Ou bien, ils s’organisent en coordinations départementales pour la défense de la vie et de l’environnement. Cette réponse « institutionnelle », jusqu’à présent, n’a pas donné beaucoup de résultats en raison de l’insensibilité gouvernementale. Ou encore, ils occupent des terres, brûlent des champs de soja, bloquent l’entrée du matériel et du personnel pour les fumigations. Cette réaction directe est réprimée par le gouvernement.

Tomás Palau affirme que si cette tendance, que nous observons depuis quelques années, continue, voilà, pour le proche avenir, le scénario qui s’établit : un pays avec un grand nombre de pauvres (probablement 70% dans moins de 20 ans) ; disparition presque complète des classes moyennes urbaines ; un petit groupe de familles terriblement riches ; une augmentation de la délinquance, de l’exploitation et du travail des enfants, de la prostitution, de la consommation de drogues et d’alcool ; un analphabétisme croissant de la population, faute d’accès à l’éducation et en raison de la piètre qualité de celle-ci. En outre, il y aura augmentation des maladies en général et de celles transmises par le sexe, des maladies respiratoires et de celles dérivées de la parasitose en particulier ; augmentation dramatique de la désertification du pays en raison de l’utilisation intensive et irresponsable du sol et de la déforestation ; augmentation de la répression policière et militaire pour freiner le mécontentement social.


ENFANTS EN DANGER

Dangers chimiques, biologiques et psychosociaux, figurent sur la liste des risques auxquels sont exposés garçons, filles et adolescents qui travaillent dans le secteur rural du Paraguay. C’est ce qu’a fait connaître, au cours d’un atelier tenu à Asunción, Jesus de La Peña Rípodas, représentant de l’ONG Mouvement pour la paix, le désarmement et la liberté (MPDL).

Cette organisation a réalisé, avec le financement de OIT-IPEC (Organisation internationale du travail-Programme international pour l’éradication du travail des enfants), une étude sur le travail des enfants à la campagne à partir de 246 petits producteurs répartis en 16 colonies agricoles des districts de Curuguaty, Igatimí et Yasi Cañy, dans le département de Canindeyú, situé au nord-est du pays.

L’enquête, qui s’est concentrée sur des garçons, filles et adolescents entre 5 et 17 ans, a analysé, entre autres aspects, les services sociaux et de santé, l’environnement et les écosystèmes, l’organisation du travail des garçons, filles et adolescents, les risques chimiques et biologiques, les risques psychosociaux ainsi que la situation des exploitations agricoles, l’infrastructure et le nombre de travailleurs.

L’étude a trouvé que les risques chimiques et biologiques correspondent à la manipulation de pesticides, fertilisants, solvants et antiparasites. Par exemple, on a constaté que 94% des enfants et adolescents utilisent le pulvérisateur manuel porté sur le dos pour l’application des agrotoxiques. Dès l’âge de 5 ans, garçons et filles participent à des activités comme la pulvérisation et les préparations de mélange, transportent et rangent des produits agrotoxiques et lavent des vêtements imprégnés d’agrochimiques.

En outre, on a enregistré des risques psychosociaux dus à des grossesses précoces, à la consommation d’alcool et à la désertion scolaire. 74% des jeunes interrogés pour l’étude ont reconnu l’existence d’adolescentes enceintes dans la communauté. De même, sur le plan éducatif, l’enquête a révélé qu’un plus grand nombre d’enfants et d’adolescents sont insérés dans les travaux agricoles que dans le système éducatif, ce qui indique qu’une grande partie d’entre eux ne fréquente pas l’école.

Pendant l’atelier de sensibilisation au travail des enfants à la campagne, organisé par le Secrétariat de l’enfance du Paraguay et auquel ont assisté des membres du Conseil national de l’enfance et l’adolescence, du ministère de l’éducation et d’organisations de la société civile, un appel a été lancé aux autorités pour développer un travail exhaustif de protection de l’enfance et de l’adolescence au pays.

De La Peña Rípodas a dit que les institutions publiques ont la responsabilité de construire, consolider et assurer le fonctionnement effectif du Système national de protection et promotion de l’enfance et de l’adolescence à chacun des niveaux qui relèvent de l’Etat. Il a ajouté que dans la mesure où l’on ne garantira pas le plein développement de l’enfance et de l’adolescence dans la communauté, l’avenir ne sera pas assuré. Il a souligné la nécessité d’aborder ce problème dans sa totalité : pour les garçons, les filles et les adolescents, il faut prendre en compte leur scolarisation, santé, formation, loisirs et tous les aspects complémentaires de ces facteurs.

Au Paraguay, il y a plus de 265 000 garçons, filles et adolescents de 5 à 17 ans qui travaillent, dont presque 100 000 participent à de dangereuses activités dans l’agriculture, l’élevage et la pêche, alors qu’en 2005 le pays a interdit la participation de garçons, filles et adolescents dans des travaux liés à l’agrochimie et dans des activités où ils peuvent être exposés à des substances, produits ou objets toxiques.

 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2890.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : ADITAL, 11 et 7 avril 2006.

En cas de reproduction, mentionner la source francaise (Dial) et l’adresse internet de l’article.

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