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ARGENTINE - Le Musée de la répression déclaré patrimoine de l’humanité par l’UNESCO

SERPAL

mardi 24 octobre 2023, mis en ligne par Françoise Couëdel

22 septembre 2023 - L’UNESCO, l’organisme des Nations unies, a approuvé hier par une ample majorité des pays qui en sont membres, la reconnaissance comme patrimoine de l’humanité le musée qui est installé dans l’ex centre militaire argentin où ont été torturés et assassinés des opposants. Dans ces installations qui ont été le siège de l’École de mécanique de la Marine (ESMA) les militaires montèrent ce qui est considéré comme le plus grand centre de torture et d’extermination de la dictature. On estime qu’y ont été enfermés les quelques 5.000 des 30.000 détenus disparus dans les années de 1976 à 1983. Les anciens militaires génocidaires ont été en partie jugés et condamnés mais certains sont encore en attente de jugement, d’autres sont décédés.

Transformé en musée, on peut le visiter et parcourir ses installations. L’objectif est de faire connaître l’histoire de la brutalité de la répression, en particulier aux jeunes qui n’ont pas vécu cette terrible époque de l’Argentine. Elle permet aussi de se souvenir et de rendre hommage aux milliers de victimes du terrorisme d’État. Ricardo Coquet, un de ceux qui ont été torturés à l’ESMA (âgé aujourd’hui de 70 ans) dit que cet édifice « est un témoin qui parle. Le parcourir est douloureux mais il permet de ne pas falsifier l’histoire ».

Dans les étages supérieurs de l’édifice, on classait les détenus / séquestrés, on leur attribuait un numéro et une destination. S’ils étaient envoyés au sous-sol c’était pour leur infliger des tortures afin qu’ils révèlent l’identité et le domicile de militants politiques, d’opposants à la dictature. Nombre d’entre eux ont été assassinés par des tirs ou des injections létales. Mais certains ont aussi été emmenés par ce qui a été appelé « les vols de la mort » dans des avions de la marine et jetés dans le Río de la Plata. Parmi les personnes emprisonnées qui ont été assassinées de cette façon, se trouvent Azucena Villaflor, fondatrice des Mères de la place de Mai et les religieuses catholiques françaises Léonie Duquet et Alice Domon. Ces deux cas ont entraîné un conflit diplomatique suite aux plaintes du gouvernement français contre la dictature.

À l’ESMA de nombreuses femmes ont été violées, d’autres dans une petite salle de l’ESMA ont donné naissance et leurs bébés ont été enlevés par les militaires pour devenir ensuite des « disparus ». L’ex-président Menem en 1998 a amnistié des ex militaires et guérilleros et a tenté de faire de l’ESMA un « espace de réconciliation » mais les mères et membres des familles de disparus l’en ont empêché en présentant des recours juridiques.

En 2004 l’édifice de l’ESMA a été déclaré monument historique et le lieu nommé « Musée de la Mémoire » est conservé intact et représente une preuve juridique des crimes contre l’Humanité qui y ont été commis. L’UNESCO a désormais décidé de protéger l’ESMA, un des principaux centres du projet systématique de détention, disparition et extermination de citoyens que la dictature a mis en œuvre avec la complicité de secteurs minoritaires de la société civile. Il rappelle aussi que la répression illégale a été mise en œuvre et coordonnée par les dictatures qui sévissaient à cette époque dans la région, comme ce fut le cas de celle du général Pinochet dans le Chili voisin.

L’ESMA, maintenant Musée de la mémoire, fait partie désormais de l’ensemble des témoignages comme le quai de Valgongo au Brésil, considéré comme le début et la fin de la « Route de l’esclave africain », le camp de concentration nazi d’Auschwitz, le Mémorial de la Paix d’Hiroshima, ou l’île de Robben en Afrique du sud sur laquelle Nelson Mandela a passé une grande partie de ses 27 années de réclusion.

Il continuera à être « un témoin qui parle et qui ne permet pas de falsifier l’histoire » comme l’a dit un des survivants.


Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : Servicio Prensa Alternativa, SERPAL (courriel).

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