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DIAL 2686

AMÉRIQUE LATINE - Un autre développement et une autre intégration sont possibles

dimanche 16 novembre 2003, mis en ligne par Dial

Au mois de juillet 2003 s’est tenu à Quito, Équateur, un séminaire organisé par Secteur social de la Compagnie de Jésus en Amérique latine sur le projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA). Le refus et l’argumentation sont clairs. Le mouvement d’opposition à la création de ce marché sans frontières se renforce en Amérique latine au point que certains n’hésitent pas à dire que la ZLEA ne verra pas le jour, d’autant plus que la stratégie de renforcement du Mercosur menée par le Brésil avec l’appui d’autres États, dont l‘Argentine, a pour but de renforcer le poids des pays latino-américains dans leurs propres échanges et dans les négociations avec les États-Unis. Cette déclaration s’ajoute aux nombreuses prises de positions que nous avons déjà publiées au sujet de la ZLEA.


(...)

1 - Pourquoi nous ne voulons pas de la ZLEA

 Parce que la composition de la ZLEA est asymétrique dans d’impressionnantes proportions

Le point de départ des économies des 34 pays qui composent les Amériques - Nord, Centrale, Zone Caraïbe (Cuba excepté), et Sud - est extrêmement inégal. Du PIB total, 79% correspondent aux Etats-Unis, 5,9% au Canada, 4, 7% au Brésil, au Mexique 4, 2%, à l’Argentine 2,51% et la grande majorité& des pays ne dépasse pas 1% du PIB total de la ZLEA. Par conséquent, la négociation de la ZLEA se déroule en termes de pouvoir inégaux et asymétriques.

 Parce que le mode de négociation de la ZLEA n’est pas transparent

Ce qui est négocié reste un secret et le texte ne parvient pas à incorporer les diverses propositions présentées par les organisations citoyennes du continent. Dans la plupart des pays, la société civile se trouve sans information sur les négociations en cours menées par leurs gouvernements. Il en va de même pour des secteurs entiers de production (entreprises, travailleurs) qui seront très affectés par la ZLEA. Il n’a pas été prévu de référendums pour l’approbation par le peuple du Traité.

 Parce que la ZLEA prétend être un pacte d’égalité entre des partenaires inégaux

Nous trouvons injuste de convenir d’un traitement égal pour des partenaires extrêmement inégaux en technologie, connaissances, capitaux, pouvoir militaire. Sans aucun doute, cela engendrera une inégalité plus grande encore.

 Parce que la ZLEA est bien plus qu’un traité commercial

C’est un schéma de privatisation (spécialement de services et biens publics traditionnellement réservés à l’Etat), de libération des marchés et de garantie pour les investissements étrangers, auxquels on accorde des avantages aux dépens des nationaux. Les propositions de la ZLEA vont réduire la faculté des gouvernements de mener à bien des politiques de développement spécifiques dans des domaines économiques et sociaux. On ambitionne que la ZLEA ait un rang supra-constitutionnel. C’est ainsi que sera limitée la souveraineté des nations qui signeront le Traité.

 Parce que la ZLEA représente un néo-protectionnisme du commerce mondial

Les États-Unis, brandissant l’arme d’un discours libérateur, visent, d’une part à soutenir leur secteur en perte de compétitivité - par des subventions, droits de douane, et mesures d’exemption douanière - et d’autre part à promouvoir le libre-échange pour leurs produits compétitifs.

 Parce que la ZLEA omet des aspects indispensables

Le Traité omet des aspects qui sont indispensables pour le développement durable de nos nations, comme : environnement, politique du travail et politique sociale, migrations, situation économique des femmes, sécurité alimentaire.

2.- Nous voulons un nouveau type d’intégration des Amériques

 Une autre intégration est possible

On commence à ouvrir un espace nouveau pour imaginer, penser et planifier stratégiquement une nouvelle intégration qui parte des intérêts et des valeurs des gens et ne laisse pas aux mains du marché l’avenir de l’humanité. Théoriquement, il y a d’autres possibilités et, empiriquement, il y a diverses formes d’intégration des différents pays et blocs, distinctes de la dynamique globalisée. On est en recherche d’un accord sur une alternative pour les Amériques.

 Une autre intégration est réalisable

La condition pour que cette alternative possible devienne une réalité est principalement politique il faut développer un sujet social qui ait des projets et se renforce pour les réaliser. Pour cela, il ne suffit pas de seulement procéder secteur par secteur, et pays par pays. Le défi consiste à construire un sujet social multi-sectoriel et international. Ce sujet commence à se construire. Son développement est un but à long terme.

3.- Quelques principes éthiques qui peuvent inspirer cette nouvelle intégration

La globalisation de la solidarité humaine suppose que nous, les habitants du continent américain, nous prenions en compte l’humanité commune des peuples d’Amérique, que nous nous sensibilisions à l’inégalité existante ; prenons-la en charge en assumant la valeur d’équité dans les accords internationaux et en résistant à l’injuste asymétrie.

 Globaliser la solidarité à partir d’une situation marquée du signe de l’injustice et de l’inégalité implique :

 Donner la préférence aux “faibles” dans les relations sociales de sorte que le résultat final soit l’équilibre entre les acteurs sociaux aujourd’hui dans des situations par trop inégales.

 Mettre sous la même identité les “faibles” et les pauvres et adopter leur vie comme critère pour évaluer les mécanismes de solidarité à mettre en place et leurs résultats.

 Que ces pas soient faits de manière consciente aussi bien par les individus que par les peuples et les États nationaux.

 L’humanisation de l’économie

La globalisation de l’économie doit être soumise à des règles. Règles telles qu’elles garantissent la distribution des revenus entre les nations et à l’intérieur de celles-ci, telles qu’elles garantissent la suprématie des droits humains, économiques, sociaux et culturels, des droits des peuples, enfin, tels qu’elles garantissent la viabilité de la planète.

Les objectifs qui doivent guider n’importe quelle intégration et d’après lesquels il faut évaluer ses résultats doivent être principalement les objectifs sociaux et pas seulement macro-économiques. Ce qu’il faut considérer comme important n’est pas de savoir si l’économie est en croissance, ou si elle est stable, mais si les gens vivent mieux car il n’est pas certain que la croissance de l’économie aille nécessairement de pair avec de plus nombreux et de meilleurs emplois. Au Mexique, par exemple, après 7 ans d’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain), les promesses n’ont pas été tenues : de plus nombreux et de meilleurs emplois. Dans le secteur industriel, qui est le grand exportateur, il y a aujourd’hui 9,4% d’emplois en moins qu’avant l’ALENA. Les entreprises exportatrices ont créé des emplois, mais moins que ceux qui ont été perdus chez leurs anciens fournisseurs. En outre, les emplois créés sont de mauvais emplois. Parmi les nouveaux emplois salariés créés pendant le TLCAN, 49% n’ont pas les prestations fixées par la loi.

 La transparence de la négociation et sa pratique

La négociation des accords internationaux doit se faire à visage découvert et avec la participation réelle de la société, puis être ratifiée sous forme de réelle consultation.

 La reconnaissance de l’autre comme interlocuteur

La négociation pour parvenir à une nouvelle intégration, outre la globalisation de la solidarité humaine et l’humanisation de l’économie, suppose :

 Considérer ceux qui participent à la négociation comme des êtres doués de culture et des acteurs sociaux qui ont beaucoup à apporter pour obtenir un bénéfice commun à tous.

 Valoriser la diversité culturelle et les différences initiales en les prenant comme un enrichissement du processus.

 Etre conscient qu’une négociation réussie est celle qui aboutit à une position finale perçue comme “meilleure” par tous les participants. La condition pour que ce résultat soit possible, c’est que chacun modifie ses positions initiales jusqu’à ce qu’il acquiert la conviction qu’il est parvenu à une meilleure situation, qui est le fruit du processus.

 Accepter le dialogue comme un instrument privilégié pour parvenir à des accords au lieu de la force comme moyen d’imposer des opinions ou des résultats.

(...)


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2686.
 Traduction Dial.
 Source : espagnol.

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