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BOLIVIE - Une opposition sans concessions

Sébastien Brulez

jeudi 24 janvier 2008, mis en ligne par Sébastien Brulez

L’opposition bolivienne est probablement la plus radicale et la plus violente qu’affrontent actuellement les gouvernements ancrés à gauche sur le continent latino-américain. Et si les négociations entamées récemment entre le président Evo Morales et les préfets des neuf départements du pays se sont déroulées dans un climat de dialogue apparent, les actions menées ces derniers mois contre les partisans du gouvernement démontrent que tout est bon pour déstabiliser le premier président indigène de la Bolivie.

Le matin du 24 décembre dernier, le siège de la Centrale ouvrière bolivienne (COB), le puissant syndicat dont la base historique sont les mineurs, était la cible d’une attaque à l’explosif à peine 10 minutes avant l’heure d’entrée du personnel administratif.

Cette explosion en plein centre de La Paz n’est qu’un exemple parmi une longue liste d’actions violentes menées par certains groupes de l’opposition bolivienne. Les bastions de celle-ci sont les départements de Santa Cruz, Tarija, Beni et Pando, dont les préfets sont regroupés au sein de ce qu’ils dénomment la « Media Luna » (demi lune).

Ces préfets au service des capitalistes locaux (industriels, grands propriétaires fonciers et commerçants spécialisés dans l’import-export) font tout pour déstabiliser le gouvernement : menace de sécession, refus d’appliquer des réformes, mobilisation de secteurs de la population financée par le patronat, campagne diffamatoire contre Evo Morales [1] et ils sont même allés jusqu’à appeler au soulèvement de l’armée.

Les dirigeants du riche département de Santa Cruz (qui produit 10% du gaz national et 7% du pétrole) [2] sont les plus "autonomistes", ils estiment qu’ils n’ont plus de raison de financer les provinces pauvres du pays et La Paz.

Violences racistes contre les constituants

Le discours de certains leaders de la droite et les agressions menées par leurs partisans ont également un caractère raciste. Lorsque l’Assemblée constituante tenait ses réunions dans la ville de Sucre, les manifestants convoqués par la « Media Luna » ont agressé physiquement et verbalement les paysans et indigènes membres de la constituante.

Les travaux de celle-ci sont considérés comme illégaux par l’opposition dont une partie des représentants boycottait les réunions depuis août 2007 et organisait des manifestations à l’extérieur, qui terminaient souvent en affrontements de rue pour empêcher l’avancée des débats. L’Assemblée avait même été contrainte de suspendre ses travaux pendant trois mois.

Mais le 9 décembre dernier, le projet de nouvelle Constitution a été adopté par l’Assemblée constituante et il sera soumis à référendum populaire cette année. L’opposition rejette d’ores et déjà ce projet de Constitution et à même récemment demandé au président Morales d’annuler tout le travail réalisé par l’Assemblée constituante depuis le 15 août !

Chose qu’il a évidemment refusé. A deux ans de sa victoire électorale aux présidentielles, Morales a répondu aux violences de l’opposition en proposant un référendum révocatoire pour son mandat et pour celui des préfets des neuf départements du pays.

De plus, depuis le 7 janvier, le chef d’État a entamé un processus de négociations avec les neuf préfets sur la redistribution des revenus générés par l’Impôt Direct sur les Hydrocarbures (IDH), revenus qui sont répartis entre les départements, les municipalités et le Trésor Général de la Nation. L’agenda des négociations comprend également le thème des statuts d’autonomie et le texte de la nouvelle Constitution [3].

Dans le cadre de ces négociations, un groupe de parlementaires de l’opposition a demandé au président de la République de reporter les référendums révocatoires afin de « laisser la place à un accord national », comme proposé par les préfets le 7 janvier.

Cette option a été rejetée par le ministre de l’Intérieur (Ministro de Gobierno), Alfredo Rada, estimant que le référendum était la seule voie « pour que le peuple dise qui est train de bien faire son travail » [4].

Mettant l’opposition radicale au défit sur le terrain démocratique, Morales jouera le tout pour le tout cette année en laissant aux boliviens le choix de d’exprimer tant sur la nouvelle Constitution que sur son mandat et celui des préfets des neuf départements du pays.


Article publié dans Le Drapeau rouge, janvier 2008.

Republication par initiative de l’auteur.

Blog de l’auteur : http://voixdusud.blogspot.com

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[1Lire E. Toussaint, « Bolivie : avancées sur les biens communs et la réforme constitutionnelle », CADTM, janvier 2008, http://www.cadtm.org/spip.php?article3016.

[2Selon la Chambre bolivienne des Hydrocarbures, http://www.cbh.org.bo/es/index.php?cat=36&pla=5.

[3« Gobierno descarta postergar referéndum revocatorio y asegura que sigue su curso », Agencia Boliviana de Información, 11 janvier 2008, http://abi.bo/index.php?i=noticias_texto_paleta&j=20080111195611.

[4Ibid.

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