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DIAL 3000 - dossier : passé / présent

ARGENTINE - Terrorisme d’État et rôle de l’Église catholique. Origines, intérêts et complicités

Adolfo Pérez Esquivel

jeudi 1er mai 2008, mis en ligne par Dial

Adolfo Pérez Esquivel, prix Nobel de la Paix 1980, a prononcé cette conférence au Sénat français, le vendredi 21 mars 2008, à l’occasion du colloque organisé par le Collectif argentin de la mémoire. Il décrit très bien comment s’est développée la dictature des militaires dans tous les pays du Cône Sud dans le cadre du Plan Condor et dans quel contexte s’est préparé et déroulé le coup d’État du 24 mars 1976 en Argentine, orchestré par le général Videla.

Le thème de la conférence porte sur les relations entre l’Église catholique argentine et les militaires qui prétendaient « défendre la civilisation chrétienne et occidentale pour la sortir des griffes du communisme international ».

S’appuyant sur sa propre expérience, Adolfo décrit le contexte et montre comment une partie de l’Église argentine et de ses dignitaires ont apporté un soutien important aux dictateurs.

Mais aussi, il redit comment beaucoup de chrétiens ont suivi les orientations du concile Vatican II et de la Conférence épiscopale de Medellin en choisissant « l’option préférentielle pour les pauvres ».
Tous ces travailleurs sociaux et ces chrétiens de base ont été solidaires des plus pauvres et ont cheminé avec le peuple argentin pour ensemble transformer la société et parvenir à une vie meilleure. Nombreux sont ceux qui ont payé de leur vie cet engagement au nom de leur foi chrétienne.

Ce texte est un peu long, mais il faut le lire si l’on veut mieux comprendre ce qui s’est passé et comment une telle horreur a pu se dérouler en Argentine et dans tout le continent. 32 ans après le coup d’État, il faut continuer à lutter contre l’impunité et garder la mémoire de ces événements et des 30 000 Argentins disparus.


Les interrogations sont nombreuses et nous devrions d’abord nous demander : « quand et comment a commencé tout ce qui a été vécu et enduré par le peuple argentin ? »

La question centrale est d’arriver à comprendre les causes de tout cela et de ne pas nous en tenir seulement aux effets et à la douleur d’un peuple. La tragédie n’a pas commencé le 24 mars 1976, mais les fondements qui sont à la base de cette domination imposée à tous les peuples du continent latino-américain, ont surgi plusieurs dizaines d’années auparavant et sont le résultat de l’imposition de la « doctrine de la sécurité nationale » (DSN) et de l’application du Plan Condor. Plus de 80 000 militaires latino-américains ont reçu une formation à l’École des Amériques de Panama et dans les académies militaires des États-Unis, où était enseignée cette doctrine de la sécurité nationale basée sur les expériences de la guerre du Vietnam et de la guerre d’Algérie avec l’application des méthodes de torture, d’emprisonnement et de disparition forcée des personnes.

Je voudrais d’abord rappeler que c’est ici, dans les bâtiments du Sénat français où nous sommes, qu’a été organisé, en 1981, le premier Colloque sur la disparition forcée des personnes. Ce fut une avancée significative dans la définition de ce délit et les résultats ont été portés ensuite devant les Nations unies.

Il faut faire mémoire de tout cela pour nous permettre de comprendre plus clairement le présent afin de nous permettre aussi de mieux construire le futur qui dépend des traces que laisse dans le temps le cheminement des peuples.

Nous devons d’abord bien garder présent à l’esprit que les militaires ne peuvent jamais faire un coup d’État tout seuls. Ils ont toujours besoin du soutien, des complicités et des intérêts des différents secteurs sociaux, politiques, patronaux, religieux et syndicaux, et aussi des moyens de communication, de l’appui extérieur donné par les États-Unis et par divers pays européens, mais aussi par les entreprises multinationales qui appliquent les politiques imposées par des organismes internationaux comme le FMI, la BM et la BID (Banque Interaméricaine de Développement), organismes qui accordaient des crédits aux dictatures tout en sachant très bien qu’elles violaient les droits humains en appliquant le terrorisme d’État.

Nous ne pouvons faire une lecture linéaire de ce qui s’est passé et que nous avons vécu en Argentine et dans tout le continent latino-américain. Très brièvement, je voudrais cependant signaler quelques axes principaux qui nous permettent d’approfondir et de mieux comprendre les chemins de douleur et de souffrance que nous avons suivis, mais aussi les chemins de résistance dans l’espérance et dans la lutte pour la vie et pour la liberté et la dignité des peuples.

Il faut nous souvenir que c’est la dictature du général Juan Carlos Ongania qui a introduit dans le pays la doctrine de la sécurité nationale. Pendant la répression déchaînée en 1968 avec la « Nuit des Longs Bâtons », l’armée et la police ont envahi et détruit les centres de recherche scientifiques de l’Université de Buenos Aires et bien d’autres Maisons de hautes études dans tout le pays. Ils ont fait cela pour démolir et détruire la pensée propre de la nation et toute opposition au projet de domination imposée.

Après le coup d’État militaire du Brésil en 1964, d’autres dictatures surviennent dans d’autres pays, comme au Chili, en 1973, celle du général Augusto Pinochet avec le coup d’État contre le président Salvador Allende et l’intervention des États-Unis.

Puis d’autres pays du continent tombent aussi en dictature pendant les décennies des années 60 et 70.

Le retour en Argentine du général Péron en 1974 après son très long exil marque une étape dans l’augmentation de la violence, comme ce fut le cas lors de son arrivée à l’aéroport d’Ezeiza avec le conflit qui s’est développé et a débouché sur la Place de Mai en provoquant la rupture avec le mouvement des Montoneros qui sont retournés à la clandestinité. Après la mort de Péron, on a pu constater l’augmentation de la répression et de la violence des groupes armés, parapoliciers et paramilitaires comme celui des « Triple A » (AAA), dirigé par le ministre du gouvernement péroniste d’Isabelle Péron, López Rega. La détérioration du pays s’est alors accentuée jusqu’à la chute et au renversement d’Isabelle Péron, le 24 mars 1976.

La résistance sociale a surgi et s’est développée devant la gravité de la situation vécue dans tout le continent. Quelques secteurs ont réagi par la lutte armée alors que d’autres ont choisi la résistance non-violente. Tout cela n’a fait qu’aggraver la situation de conflit dans le continent.

La Révolution cubaine en 1959 marque un moment important dans le continent et a inspiré de nombreux groupes par sa mystique révolutionnaire.

Mais, on m’a demandé dans ce colloque de parler du « terrorisme d’État et du rôle de l’Église catholique ; ses origines, ses intérêts et ses complicités ».

La décennie des années 60 a été marquée par des choix dans la vie des peuples et des mouvements sociaux, comme d’ailleurs dans l’Église latino-américaine avec l’aggravation de ses contradictions internes.

Deux grands événements ont été des signes d’espérance et de rénovation de l’Église avec Vatican II qui, comme l’a si bien signalé Jean XXIII, a répondu à « la nécessité d’ouvrir les portes et les fenêtres de l’Église pour secouer la poussière des siècles et faire entrer la Vie et la rénovation à la lumière de l’Évangile ».

C’est dans ce même esprit que s’est déroulé le deuxième événement : la Rencontre du CELAM, le Conseil des évêques d’Amérique latine, à Medellin en Colombie en 1968. Là aussi a soufflé l’esprit de la rénovation qui a si bien marqué l’Église d’Amérique latine avec « l’option préférentielle pour les pauvres ». Dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, l’Église ne peut rester indifférente à la souffrance des peuples. Elle doit s’engager et assumer son rôle prophétique à partir de la foi et de l’engagement avec le peuple. C’est à partir de là qu’a surgi avec force la théologie de la libération et l’engagement des curés du tiers-monde. Beaucoup de communautés religieuses sont aussi allés partager la vie avec les plus pauvres dans les villas miserias et les favelas. Les chrétiens assument alors la révolte et le partage du pain et de la liberté ensemble avec leurs peuples.

C’est ce qu’a vécu le martyr des Hauts Plateaux de La Rioja, Enrique Angelelli qui disait : « Il faut tendre une oreille vers le peuple et l’autre vers l’Évangile pour savoir vers où nous devons aller ». C’est ainsi que beaucoup d’autres ont donné leur vie pour donner la vie et, parmi ceux-ci, je ne puis m’empêcher de citer Monseigneur Romero en El Salvador.

Je veux aussi me souvenir ici de ce qui s’est passé le 12 août 1976 à Riobamba dans le diocèse de l’évêque du lieu, Monseigneur Leonidas Proaño. Je me trouvais dans la Maison de Santa Cruz dans la montagne avec 17 évêques latinoaméricains et 4 évêques d’Amérique du Nord, quand un bataillon de l’armée équatorienne a envahi cette maison de retraite. Ils nous ont tous emmenés comme prisonniers à Quito, puis nous ont expulsés du pays.

C’est ainsi que l’Opération Condor, cette internationale de la terreur, a débuté. Peu leur importait que dans cette réunion de Riobamba se trouvent tant d’évêques latino–américains et d’autres pays. Parmi eux se trouvait même un évêque argentin, Vicente Zaspe, archevêque de Santa Fé, qui a été alors mon compagnon de prison.

Mais Monseigneur Enrique Angelelli n’avait pu participer à cette réunion de pastorale sociale du 12 août 1976, car il avait été assassiné le 4 août à La Rioja.

Il est nécessaire de bien comprendre la situation des divers secteurs de la hiérarchie de l’Église catholique d’Argentine. Il n’est pas possible de parler de l’épiscopat argentin comme si tous les évêques avaient eu alors une seule façon de penser. Il existait entre eux de fortes contradictions et des options bien différentes. Quelques évêques furent complices de la dictature militaire. De même, quelques prêtres ont aussi soutenu les dictateurs et ont trahi le peuple et l’Évangile. Nous pouvons citer parmi ces évêques : Plaza, Bonamin, Tortolo et le cardinal Antonio Quarracinos, et aussi, comme prêtre, Von Wernich, récemment jugé et condamné pour crimes contre l’humanité [1].

Beaucoup d’autres formaient une masse grise, sans critères propres, comme ceux qui disaient alors : « L’Église ne se mêle pas de politique ». Mais ils ont laissé faire en se rendant complices par omission.

C’est Martin Luther King qui disait : « Ce qui me fait le plus mal, c’est le silence des bons ».

Je me souviens de ma rencontre avec le capitaine de marine Scilingo quand il m’a avoué qu’il avait participé par deux fois à des vols de la mort, où ils jetaient à la mer une trentaine de prisonniers encore en vie. Au retour à la base, le chapelain militaire les recevait à la messe, les bénissait et leur disait que ce qu’ils avaient fait, c’était pour sauver le pays des griffes du communisme international et qu’en réalité, ils leur avaient donné une mort chrétienne pour le plus grand bien de la Patrie. C’était d’un cynisme macabre.

Je suis moi-même un survivant de ces vols de la mort. Ça s’est passé le 5 mai 1977. Ils m’ont sorti de la Superintendance de la sécurité fédérale où j’étais détenu prisonnier et m’ont emmené à l’aérodrome de San Justo. Là, ils m’ont enchaîné dans un avion. Nous avons volé pendant plus de deux heures au-dessus du Rio de La Plata à la limite de la mer. Puis, l’ordre a été donné au pilote pour que l’avion se dirige vers la Base aérienne de Moron dans la région de Palomar. C’est la forte intervention de la solidarité internationale qui m’a sauvé la vie. Malgré le temps qui s’est écoulé depuis cet événement, je ne peux m’empêcher de penser à cette époque où les dictateurs décidaient de la vie et de la mort des prisonniers.

Je me souviens des rencontres que j’ai eues avec le Nonce apostolique en Argentine, Monseigneur Pio Laghi à la Nonciature. Les discussions étaient très tendues et en particulier l’une d’entre elles quand je lui ai demandé qu’il intervienne auprès de la Junte militaire et au Vatican au sujet des disparus.

Il m’a répondu : « Que voulez-vous que je fasse ? Hier soir encore, les commandants militaires sont venus ici même dans ce salon. Je leur ai parlé des violations des droits humains et au sujet des disparus. Ils m’ont dit qu’ils étaient d’accord avec moi là-dessus, mais en réalité je sais qu’ils ne font rien. Que voulez-vous que moi je fasse ?... Je ne peux pas faire ce que les évêques argentins ne veulent pas faire ».

Lors de ma première réunion avec Jean-Paul II au Vatican en 1981, j’ai été choqué par les difficultés que nous avons rencontrées pour avoir cette entrevue. Dans cette rencontre, j’étais accompagné par le Père Michel Grolleaud de la Mission de France, par Jim Forest de l’IFOR [2] des États-Unis et par Amanda, mon épouse.

La réunion a été très tendue et les cardinaux qui accompagnaient le pape ont fait tout leur possible pour que cette rencontre se limite à un salut protocolaire.

C’est donc très rapidement que j’ai pu informer le pape et lui remettre un dossier avec les photos de 84 enfants emprisonnés et disparus en Argentine.

Je lui ai précisé que cette même information, je la lui avais envoyée trois fois et par trois canaux différents.

Le pape m’a répondu : « Non…, non, moi je ne sais rien de tout cela. Ce n’est jamais arrivé entre mes mains. C’est très bien, je garde tout ceci avec moi ». Puis, il a ajouté : « Vous devriez aussi vous préoccuper des enfants des pays communistes ».

Cette demande m’a beaucoup surpris.

Ma réponse a été de lui dire : « Les enfants du monde n’ont pas de frontières ni d’idéologie. Nous devons les défendre partout dans le monde. Cette information que je vous remets concerne 84 enfants séquestrés et disparus en Argentine à cause de la dictature militaire. Certains d’entre eux sont nés en captivité alors que leurs mères étaient prisonnières et enceintes ». Ce dossier avait été préparé par quelques grands-mères parmi lesquelles se trouvait Chicha Mariani qui en 1982 devait devenir la première présidente des Grands-mères de la Place de Mai.

J’ai aussi pu dire au pape que les dictateurs violaient les droits humains alors qu’ils se prétendaient les défenseurs de la civilisation chrétienne et occidentale et que ceci était antiévangélique. Je lui ai demandé qu’il intervienne rapidement et prenne la parole en urgence pour sauver des vies.

C’est ainsi que s’est terminée l’entrevue.

C’est dans la semaine qui a suivi que, pour la première fois, le pape a mentionné les disparus d’Argentine depuis le balcon du Vatican sur la Place Saint-Pierre.

En fait, il y a eu bien des complicités, de la mauvaise foi, et des insinuations de la part des secteurs de l’Église argentine qui soutenaient la dictature.

Mais on trouve aussi des témoignages de vie, des luttes, des espérances et des accompagnements de la part d’autres secteurs de l’Église avec « des gens qui ont donné leur vie pour donner la vie ».

Il est nécessaire de rappeler les témoignages d’une Église prophétique, engagée auprès du peuple, comme ce fut le cas de Carlos Muria et de Gabriel de Longueville, missionnaire français, tous deux assassinés à Chamical dans le diocèse de La Rioja. Par la suite, ce fut l’assassinat de Monseigneur Enrique Angelelli, l’évêque de ce diocèse, par la dictature militaire.

À Buenos Aires, les deux religieuses françaises Alice Dumond et Léonie Duquet ont été emprisonnées et ont disparu de la Maison de Nazareth.

Puis, 5 prêtres et séminaristes de l’ordre des Palotins ont été assassinés. Mais, on trouve aussi toute une longue liste de chrétiens emprisonnés, torturés et assassinés. D’autres ont été exilés. Des laïques ont aussi souffert des persécutions ; ces hommes et ces femmes étaient engagés auprès du peuple à cause de leur foi.

Parmi les évêques et les prêtres qui ont accompagné le peuple et cheminé avec lui, je dois citer les compagnons de route et d’espérance qu’ont été Mgr Jaime de Nevares, l’évêque de Neuquen, Mgr Jorge Novak de Quilmes, Miguel Hesayne de Viedma dans la province de Rio Negro, et Mgr Alberto Devoto de Goya dans la province de Corrientes.

Mais aussi, la communauté de Passionnistes qui, de leur Maison de Nazareth, nous ont toujours apporté un soutien sans faille. De même que la Faculté de théologie évangélique et le Rabin Marshall Meyer de la Communauté Beth-El.

Ce fut un long cheminement entre ombres et lumières. Il faut vraiment réfléchir pour comprendre ce qui s’est passé et pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie.

Rien de ce qui est arrivé n’a été improvisé et la folie de quelques personnes peu nombreuses était le résultat des politiques de domination appliquées au continent. L’idéologie de la Guerre froide, qui était en fait devenue chaude en Amérique latine, répondait aux intérêts et au pouvoir hégémonique des États-Unis à travers la doctrine de la sécurité nationale lors de cette polarisation entre l’Est et l’Ouest.

D’un côté, ce qu’on appelait la défense de la civilisation chrétienne et occidentale et, d’un autre côté, l’URSS et le communisme. Tout ce qui s’opposait au système dominant était considéré comme subversif et terroriste. Les accords de Yalta, après la Seconde Guerre mondiale, ont marqué la vie des peuples qui se sont trouvés soumis aux intérêts et aux politiques de domination des deux grandes puissances.

Nous devons savoir et je dois dire ici que la doctrine de la sécurité nationale n’a toujours pas disparu. Elle ressemble à un caméléon qui change de couleur mais pas de forme. Elle continue avec la même conception idéologique. Mais, depuis la chute du Mur de Berlin et la désintégration de l’Union soviétique, on a changé le nom des hypothèses de conflit. Aujourd’hui, tout opposant réel ou potentiel est accusé d’être un terroriste et un narcotrafiquant. De plus, on a même inventé les « guerres préventives » pour pouvoir violer le droit international et la souveraineté des peuples.

Maintenant, on ne peut plus rejeter la faute sur le communisme. Mais le système pour se maintenir a besoin de se créer de nouveaux ennemis, réels ou imaginaires, afin de maintenir les mécanismes de domination et de conditionnement imposés dans tous les pays ; pour cela, on peut citer les politiques de réajustement, la capitalisation et les privatisations.

La dette extérieure s’est transformée en dette éternelle qui accable la vie des peuples et les soumet à la pauvreté, tout en provoquant la mortalité infantile et la destruction de la capacité productive. Les gouvernements continuent à payer une dette tâchée du sang du peuple. Aujourd’hui, on est en train de négocier le paiement de cette dette au Club de Paris avant même de faire un audit qui permettrait de bien séparer la dette légitime de la dette illégitime. Les gouvernements font ainsi abstraction de tout ce qui s’est passé auparavant et veulent à tout prix séparer le problème de la dette extérieure de celui de la répression et des violations des droits de l’homme. Ils continuent avec cette politique suicidaire qui revient à dire : « plus nous payons, plus nous devons et moins nous possédons ». Jusqu’à quand allons-nous continuer à hypothéquer ainsi le présent et le futur du peuple ?

L’Amérique latine a toujours été en avant-première du spectacle pour imposer la domination mondiale et les faits le confirment jusqu’à nos jours. La politique hégémonique continue. On en a pour preuve ce qui est arrivé récemment pour générer un conflit entre les pays frères que sont l’Équateur, la Colombie et le Venezuela et aussi les essais de déstabilisation dont souffre la Bolivie. Les axes de ce contrôle continental sont bien cadrés grâce au Plan Puebla-Panama, au Plan Colombia et à la Triple Frontière avec des troupes états-uniennes au Paraguay. Ces trois réalisations indiquent très clairement que la politique de domination ne s’est pas terminée avec les dictatures militaires.

L’Église catholique, comme toutes les religions, doit choisir entre ces deux options : ou bien être soumise et liée au pouvoir en place, ou bien opter pour un message libérateur et participer à la construction de nouvelles espérances ensemble avec les réalités des peuples.

Comme chrétien engagé dans ma foi en la libération, je vis dans l’espoir que la conversion est possible au sein même de l’Église. Nous devons toujours garder un regard lucide pour pouvoir distinguer les semences de vie apportées par ceux qui vivent et luttent pour un monde meilleur.

Avec un fraternel salut de paix et de bien,

Adolfo Pérez Esquivel.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 3000.
 Introduction et traduction de Francis Gély.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, le traducteur, la source française (Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

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[2International Fellowship of Reconciliation (IFOR), mouvement international non-violent.

Messages

  • J’ai récemment lu le livre de Pablo Daniel Magee "Opération Condor" sur la dictature du général Stroessner au Paraguay. La confession du professeur Martin Almada y est très poignante sur le ’système’ mis en place pendant plus de 35 ans dans ce pays d’Amérique Latine du "Cône Sud".
    On se demande comment tout un peuple peut survivre dans des conditions aussi horribles, les abominations de l’’Opération Condor’ mise en place et soutenue par les Etats-Unis -chantres de la démocratie capitaliste- !
    Marqué par ce que j’ai découvert, je recherche d’autres témoignages sur les autres dictatures latino-américaines et je suis tombé sur votre article. L’Eglise catholique ne s’est apparemment pas toujours bien comportée pour défendre les plus faibles. Il est quand même regrétable qu’un pape comme Jean-Paul II n’est pas pris de position plus catégorique vis-à-vis des dictateurs qui terrorisaient leurs peuples.
    Je serai intéressé par des ouvrages traitant de ces problèmes : j’ai retenu le nom de madame Marie-Monique Robin qui à écrit :"ESCADRONS DE LA MORT, ÉCOLE FRANÇAISE" en 2003. Connaissez-vous d’autres auteurs qui traitent de ce sujet ? Merci de me les faire connaître...
    Salutations, Michel Faucon Champagnac 19270- DONZENAC

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