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DIAL 3018

GUATEMALA - Émigrant, ouvrier dans une maquila, arrêté pour séjour irrégulier, expulsé puis reparti aux États-Unis, première partie

Ricardo Falla

mercredi 1er octobre 2008, mis en ligne par Dial

Dial publie, en deux parties, le témoignage d’un migrant guatémaltèque arrêté lors d’une descente de la police migratoire dans l’usine où il était employé et expulsé des États-Unis après y avoir travaillé pendant deux ans. Cet article de l’anthropologue Ricardo Falla a été publié dans la revue Envío n° 315 (juin 2008). La deuxième partie du texte est publiée dans le numéro de novembre. Au moment de boucler ce numéro, une nouvelle diffusée par Democracy Now ! vient rappeler que cet article est plus que jamais d’actualité : 1100 personnes ont été détenues durant les 3 dernières semaines en Californie par les agents fédéraux en charge du contrôle de l’immigration (ICE). C’est la plus grande opération contre des migrants sans-papiers jamais menée en Californie.


J’ai rencontré Danilo dans son village quiché [1]. Il a retracé pour moi le dur processus qui l’a conduit de New Bedford, dans l’État du Massachusetts (États-Unis), au Guatemala, après deux ans passés à vivre et à travailler aux États-Unis. Dans cette histoire, pas de sensationnalisme, mais seulement les mouvements de son âme indienne déracinée, perplexe face à l’inattendu, croyante, rêveuse et déterminée à résister aux limites de la réalité qui est la sienne.

Les expulsions de ressortissants guatémaltèques présents aux États-Unis augmentent rapidement. Elles sont chaque fois plus nombreuses. Une récente étude du Procureur des droits humains du Guatemala met en perspective le nombre d’expulsions survenues au premier trimestre 2007 (soit 4 467) et au premier trimestre 2008 (soit 5 373). L’augmentation est de 20%.

Trois grands coups de filet

Lors du grand coup de filet qui s’est produit le 12 mai dernier dans une entreprise de conditionnement de viande de Postville, un village de 2 200 âmes de l’Iowa, 257 des 390 sans-papiers interpelés (314 hommes, 76 femmes) étaient guatémaltèques. Beaucoup, peut-être la majorité, étaient des Indiens des départements quiché : Totonicapán et Huehuetenango, entre autres. Sur une photo du quotidien guatémaltèque La Prensa Libre, nous en avons vu certains entravés comme s’ils étaient des délinquants. C’était le plus important coup de filet sur un lieu de travail de l’histoire récente des États-Unis.

Mais deux autres importants coups de filet avaient déjà touché nos compatriotes, notamment indiens. Le premier, le 12 décembre 2006, a ouvert la voie aux deux suivants : il s’est produit simultanément dans six usines de conditionnement de viande de la société Swift & Co. réparties dans autant d’États différents (Colorado, Nebraska, Texas, Utah, Minnesota et Iowa). Ici, pas loin de 1 300 personnes ont été arrêtées. Le deuxième coup de filet, datant du 6 mars 2007, est celui de la maquiladora Michael Bianco Inc. de New Bedford, dans le Massachusetts, où l’on fabrique des sacs-à-dos pour l’armée états-unienne en Irak. Là, on a arrêté 361 ouvriers, hommes et femmes.

Un expulsé : Danilo

Nous avons eu la chance de rencontrer de nombreux jeunes expulsés après le coup de filet de mars 2007. Ils sont originaires du Quiché. Certains ont passé de longs mois dans un centre de rétention du Texas, jusqu’à ce qu’un juge prononce leur ordre d’expulsion. Nous appellerons l’un d’entre eux Danilo. Danilo nous a raconté son odyssée étape par étape. Je voulais suivre le fil conducteur de ses choix. Son récit n’a rien d’objectif, c’est l’histoire d’une révélation : petit à petit, il a pris conscience de l’ampleur de la catastrophe. Danilo est un jeune indien quiché de 27 ans, célibataire, originaire de l’un des municipios les plus touchés et massacrés dans les années 1980. À tel point que la Commission guatémaltèque pour l’éclaircissement historique a justement choisi ce municipio-là comme symbole de la politique de génocide qui a frappé l’ethnie quiché [2]. Son village est composé de 140 maisons. Pendant la guerre, lorsqu’il n’y en avait peut-être que la moitié, environ 100 personnes sont mortes, pour la plupart entre les mains de l’armée.

En écoutant Danilo, nous suivons les événements du point de vue d’un sujet actif. On oppose parfois les expulsés qui sont renvoyés de force et les retours volontaires. Mais nous ne pouvons pas occulter leur capacité à agir et leur résistance, bien qu’ils soient enchaînés et que les issues soient condamnées. Les pensées se bousculent dans leurs têtes ; ils cherchent des échappatoires. En l’écoutant, on prend conscience qu’il faut lutter pour des droits humains qui ne victimisent pas les personnes violentées ni ne les rendent passives.

Après s’être entretenu avec moi, Danilo a décidé de repartir aux États-Unis. Pourquoi retenter l’aventure sachant pertinemment ce à quoi il s’expose s’il se fait prendre, à savoir la prison pour 10, 20 ans peut-être ?

« Ils nous ont encerclés par surprise »

Le jour où l’on s’y attendait le moins, début mars 2007, la police migratoire a débarqué dans l’usine dans laquelle travaillait Danilo. La police migratoire, les clandestins l’appellent la « AIS Polís » (« aïsse police », pour ICE Police). « ICE » est l’acronyme de « Immigration and Customs Enforcement ». C’est une agence qui dépend du DHS (Department of Homeland Security), créé après les événements du 11 septembre pour regrouper tous les organismes gouvernementaux en charge des questions d’immigration.

« C’était un mardi ». Danilo le précise. Parce que le lundi, lui, était radieux. Le lundi, personne n’aurait imaginé le cataclysme du lendemain qui allait changer leur vie du tout au tout. Si la ICE a choisit un mardi, c’est certainement pour s’assurer que tous les ouvriers seraient présents, pour garantir le succès total de ce coup de filet. « Ils nous sont tombés dessus à huit heures et quart. Tout le monde était là ». Effectivement, ils étaient tous là, concentrés sur leurs machines.

En entrant, les responsables de la ICE se sont rendus directement au bureau pour prendre le contrôle de l’entreprise et s’assurer de la coopération de ses dirigeants. Il semble que ces derniers ont été pris au dépourvu puisqu’ils ont été considérés comme complices pour travail dissimulé d’ouvriers et ouvrières « clandestins ». Tous ont entendu la voix de la secrétaire, dans les haut-parleurs de la maquiladora, les accueillir d’un doux « bonjour » en espagnol comme en anglais. Ce n’était pas la voix de l’ICE, c’était une voix familière, mais elle a donné des directives complètement contraires aux habitudes de l’entreprise. « Elle ne nous a pas dit “Au travail, au travail”, mais “Éteignez toutes vos machines et ne bougez pas, restez tous à votre poste” ». Ils ont tous été pour le moins surpris. Comment est-il possible qu’on vous ordonne de ne pas travailler dans une maquiladora ? La secrétaire encourage-t-elle l’arrêt du travail ? Que se passe-t-il ? Et puis ils ont vu la police migratoire se disperser entre les rangées de machines. Les agents portaient un uniforme bleu au dos duquel était inscrit : « ICE Police ». Ces policiers allaient être l’élément déclencheur d’une catastrophe qui n’avait rien de naturel. Soudain, au moment où ils s’y attendaient le moins, ces travailleurs sans papiers étaient face aux autorités qu’ils n’avaient cessé de craindre.

Plusieurs mois auparavant – ils l’ont appris après – la police migratoire avait introduit une espionne chargée de dessiner les plans de la maquiladora, avec toutes les issues possibles et d’enquêter sur la situation de chaque employé au regard de la loi. « Elle n’a fait que localiser les issues possibles… Elle arrivait au boulot uniquement pour contrôler si ses collègues étaient en règle ». Ils employèrent la même méthode à Postville, dans l’Iowa. Il y avait « au moins une source infiltrée, embauchée sur demande de la ICE », selon le New York Times.

« Impossible de s’enfuir »

Danilo, originaire de l’une des zones les plus touchées par les massacres perpétrés au Guatemala, observe que cette espionne « est allée chercher » la police, comme le faisaient, dans le Quiché, les « oreilles » de l’armée, lui permettant ainsi d’encercler les communautés par surprise et de les massacrer. La réaction des employés de l’usine fut semblable à celle de leurs pères : tenter de fuir. Ils ont bondi de leur chaise et ont couru à travers les couloirs. La police les a poursuivis. Il y a eu un mouvement de panique. Beaucoup ont cherché des issues à l’étage supérieur ou au sous-sol. Mais toutes les issues avaient été bloquées. Comme le faisait l’armée en encerclant un marché avant de le décimer.

Danilo s’est posé la même question que certains survivants des massacres en les voyant débarquer : « Mon Dieu ! Que va-t-il se passer ? » Le pire pouvait arriver, mais à ce moment, il n’en savait rien. Il l’a découvert petit à petit. La démonstration de force a été impressionnante. Ils contrôlaient toute l’usine, y compris par les airs. « Mon Dieu ! L’hélicoptère, taca, taca, taca, taca ! » Comme au Guatemala, quand l’infanterie bénéficiait d’un soutien aérien. La description de l’immense déploiement de la police migratoire sert d’excuse à Danilo pour n’avoir rien tenté. C’est, dans le même temps, la reconnaissance implicite du sentiment qu’il fallait résister. Mais il ne pouvait pas. Il n’y avait pas d’issue. Il était « impossible de s’enfuir ».

Ensuite, les policiers ont formé des groupes et ont maintenu – ou fait revenir – tout le monde à son poste de travail. Danilo raconte qu’ils ont obéi. Il n’y avait pas d’alternative. Mais s’ils ne pouvaient s’enfuir en courant, au moins se sont-ils mis à parler entre eux, eux qui sont du même peuple, et en quiché, pour exprimer ce qu’ils ressentaient : « J’espère qu’il ne va rien arriver ». Ils avaient la sensation que quelque chose de très grave pouvait se produire : qu’ils se fassent tuer. Il le répète plusieurs fois, comme une prière, « Mon Dieu ! Que va-t-il se passer ? Que va-t-il nous arriver, ici, maintenant ? »

Depuis les fenêtres, ils ont pu voir que les médias étaient arrivés en nombre : « caméras, antennes, télévisions, journaux, tous étaient là, installés devant l’usine ». Danilo voit la présence des médias comme partie intégrante de la stratégie d’expulsion. Plus les gens sont informés sur ce coup de filet, plus les migrants et la jeunesse latino-américaine perdront le courage et l’envie de devenir clandestins. En sortant de l’usine, Danilo a pu voir que la circulation avait même été coupée.

Ce jour-là ont également été arrêtés le directeur de l’entreprise, Francesco Isolia (50 ans), trois des plus hauts cadres et une cinquième personne, accusée d’avoir aidé les travailleurs à obtenir des faux papiers.

« Non Monsieur, je n’ai pas de papiers »

Avant de les faire sortir, les policiers leur ont attaché les mains avec un cordon de plastique à nœud coulant puis les ont emmenés dans le réfectoire, où les responsables de l’opération leur ont ordonné de sortir tout ce qu’ils avaient sur eux, papiers, outils tranchants, argent, tout. Ensuite, ils leur ont demandé de s’identifier : « D’où tu viens ? », m’a-t-on demandé. « Je suis guatémaltèque, Monsieur. D’accord. Tu as des papiers, un permis de travail ? Non monsieur ». Danilo a répondu avec respect et franchise. Il savait qu’il ne pouvait occulter la vérité. Il savait que le gouvernement disposait de la technologie nécessaire pour mettre en évidence d’éventuelles contradictions. L’agent lui a demandé pourquoi il était aux États-Unis. Il a répondu en résumant les raisons connues par la police migratoire : la pauvreté, le chômage, la violence, la famille. Il devait soutenir sa mère, restée veuve.

Nous n’avons pu déterminer avec précision si c’est à ce moment ou en arrivant au centre de rétention, au Texas, qu’on lui a pris son argent en lui promettant qu’on le lui rendrait une fois incarcéré s’il en avait besoin. Sa carte de crédit lui a aussi été confisquée. En lui promettant cette fois-ci qu’il la récupèrerait dès son retour au Guatemala. Danilo pensait ne plus jamais la revoir, « qu’ils allaient filer à la banque et vider [son] compte ». Mais il ne l’a pas perdue, sa carte, et il n’en revient toujours pas car les choses ne se seraient jamais passées de la sorte au Guatemala.

En tant que célibataire, Danilo n’a pas eu le problème qu’ont connu les ouvrières mères de famille lorsqu’elles ont été séparées de leurs enfants. Il n’a laissé que son appartement, où il vivait avec ses frères, faits prisonniers dans la même usine que lui. Son beau-frère, qui travaillait ailleurs, en a récupéré la clé et y a rassemblé les affaires qui pouvaient être envoyées au Guatemala. Il les a emballées et expédiées.
Une expérience à double tranchant

Ils sont sortis ligotés de l’usine, direction Boston, à plus d’une heure de route. Et Danilo, impuissant, de se rendre compte à quel point il lui était impossible de fuir. Certes, l’idée lui trottait dans la tête, mais elle était irréalisable. « Là-bas, si l’on s’était échappé, Dieu seul sait ce qu’ils nous auraient fait ». L’abattre ? Il ne sait pas. Il se rappelle la faim et le froid, car étant sortis de l’usine à 13 h, on ne leur a donné que quelques sandwichs gelés et quelques burritos. La route était encore bordée de neige, « elle était toute gelée ». Tout le long du trajet jusqu’à Boston, il s’est posé la question : « Et maintenant ? Ils nous ont déjà interrogés… Où nous conduisent-ils ? »

Et il a découvert progressivement ce qu’était une expulsion. Une expérience à double tranchant : d’un côté elle pouvait le dissuader de revenir, de peur d’être à nouveau expulsé, et de l’autre, une fois vécue, elle pouvait devenir moins terrifiante, Danilo sachant à quoi s’en tenir avec le gouvernement états-unien et comment éviter de se faire piéger une seconde fois.

Il ne se souvient pas exactement où ils l’ont emmené, à Boston. Là, ils ont pris ses empreintes digitales et sa photo. Il s’est alors rendu compte du fait que tous ces renseignements resteraient enregistrés dans l’ordinateur, et que si les autorités venaient à le reprendre, elles pourraient lui ressortir tout son historique.

Des avocats de Boston se sont présentés. Ils ne leur factureraient rien et étaient disposés à les aider pour leur éviter l’expulsion. Mais ils sont arrivés alors qu’ils en avaient déjà dit bien assez : « on n’a fait que donner notre nom », ont-ils déclaré aux avocats. Une femme du même village que Danilo, attrapée lors du même coup de filet, a été relâchée car elle allaitait encore son enfant. Danilo n’a trouvé aucune raison valable pour être relâché à Boston et éviter son transfert vers le Texas. Pour lui, une raison valable aurait été « d’avoir un enfant né sur le sol états-unien ou qu’un membre de sa famille y séjourne en situation régulière ».

Les prisonniers ont remercié les avocats pour leur bonne volonté, même s’ils ont été impuissants. Il reste qu’avocats et sans-papiers n’avaient pas les mêmes intérêts dans cette affaire. Les premiers étaient déterminés à se battre pour les seconds quel qu’en soit le prix alors que le seconds, eux, voulaient décider eux-mêmes quel chemin prendre.

Le moment critique : « je me suis repenti »

La ICE les a gardé toute une nuit en cellule, « sans rien par terre – et d’ailleurs, dormir était impossible à cause du froid ». En allant à l’aéroport, ils leur ont à nouveau passé les menottes, mais en les enchaînant les uns aux autres par groupes de cinq. Ils pouvaient à peine marcher et se sentaient comme des criminels de haut vol. On leur donnait des ordres qui viraient aux insultes : « Ils nous ont crié dessus comme ce n’était pas permis ». Tout cela a entraîné chez Danilo un sentiment d’humiliation : « Mon Dieu ! Qu’ai-je fait ? Quel est ce crime abominable que j’ai commis ? »

Cela fut une sorte de point culminant de la souffrance de Danilo dans ce long processus d’expulsion. Il l’exprime par le mot « repentir », très utilisé par les migrants et migrantes indiennes pour décrire les moments les plus difficiles de ce voyage vers le Nord. Ils se « repentissent » lorsqu’ils tombent entre les mains de la police migratoire ou lorsque le passeur les abandonne. « Se repentir » : comme si tous les efforts fournis avaient été vains. Danilo l’explique : « Je me suis un peu repenti », en précisant immédiatement que ce désespoir n’était que passager : « Après, c’est passé ». Et l’espoir, lui, est revenu.

Le trajet jusqu’à l’aéroport de Boston a également été un déploiement de force, comme s’il s’agissait de convoyer des bus transportant de dangereux narcotrafiquants. Ils étaient escortés par deux patrouilles de la police de l’État – celle qui contrôle l’autoroute – à l’avant, et deux à l’arrière.

À nouveau, on les a fouillés à l’aéroport : « Ils t’ouvrent la bouche, te fouillent de fond en comble pour s’assurer que tu ne portes pas d’arme, de couteau… Ils sont comme ça et nous, on est tous attachés ». En montant dans l’avion, ils les ont détachés les uns des autres : « Un par un, on est montés dans l’avion, un avion qui se remplissait petit à petit, bien grand, l’avion ». Et puis ils sont arrivés à El Paso, Texas.

« Je suis bleu marine »

Le centre de rétention est à El Paso. Pas dans la ville, mais « presque aux portes du désert ». « Elle est entourée de trois ou quatre lignes de filets ». Impossible de s’échapper. Toujours la même idée. « Si tu passes la première », il y a la deuxième. Et au-dessus des filets, « il y a des barbelés ». Dans les rues alentour, des « voitures de la police migratoire, mais pas des grosses », patrouillent. Techniquement, ce lieu n’est peut-être pas une prison, car les détenus ne sont pas des délinquants, mais lui, il l’appelle prison.

En arrivant, on les a relâchés, et vérifié à nouveau leur situation pour démasquer les éventuels délinquants : qu’ils aient un quelconque problème avec la police, qu’on les ait déjà arrêtés pour état d’ivresse ou pour avoir grillé un feu rouge, qu’ils aient déjà été convoqué devant le juge sans se présenter. « Là-bas, on te fiche pour un rien ». Ils ont été classés par type de délit. Pour les petits délits, c’était l’uniforme orange. Pour les crimes, c’était l’uniforme rouge. En l’absence de délit – comme dans le cas de Danilo – la couleur de l’uniforme était le bleu marine. « Ils vérifient par ordinateur si tu as menti, si ton nom ressort quelque part. Si l’un de tes délits est archivé, sûr que ton nom ressort. Sinon, rien ; ils te le disent et te donnent du bleu marine : chemise bleu marine et pantalon bleu marine, avec les lettes « EPC » marquées derrière ». Il n’en connaît pas la signification.

En recevant cette identité de non délinquant, Danilo s’est senti apaisé, plus en sécurité, même si on l’avait traité comme un délinquant auparavant. Il savait néanmoins qu’il n’était pas à l’échelon le plus bas. « Ceux qui sont en bleu, qui n’ont pas commis de délit, sont des gens bien, disons, et nous sommes nombreux. On est en bleu ». Les règles du jeu ont commencé à se dessiner : ils étaient pour la plupart en bleu marine.

Avant de pénétrer dans le centre de rétention, on lui a retiré ses chaussures, ses vêtements, ses effets personnels et son argent pour les garder dans une boîte. On leur a donné une carte et un numéro pour pouvoir les récupérer en sortant. « Ça, il ne faut pas le perdre de tout ton séjour. Ça représente toutes tes affaires ».

La deuxième partie de ce texte est publiée dans le numéro de novembre 2008.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 3018.
 Traduction de Jérémie Kaiser pour Dial.
 Source (espagnol) : revue Envío, n° 315, juin 2008.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, le traducteur, la source française (Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

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[1Les Quichés sont les indiens du Guatemala formant le groupe de langue maya le plus important du pays. Ils vivent en communautés fortement individualisées réparties dans les départements de l’Ouest du Guatemala (Quiché, Totonicapán, Quezaltenango, Retalhuleu, Suchitepéquez, Huehuetenango) – note DIAL.

[2En 1982, le général Efraín Ríos Montt arrive au pouvoir par coup d’État et met en action sa politique de « terre brûlée » : 440 villages sont rasés, 200 000 mayas sont massacrés ou jetés par hélicoptère au-dessus de l’océan Pacifique et 40 000 réfugiés fuient vers le Mexique – note DIAL.

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