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BOLIVIE - Lettre d’Adolfo Perez Esquivel à Evo Morales

mercredi 31 mai 2006, mis en ligne par Isabelle Duquesne

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Buenos Aires, le 13 mai 2006

Monsieur le Président de la République de Bolivie,

Don Evo Morales,

Reçois un salut fraternel de Paix et de Bien pour toi et pour le peuple bolivien qui nous est si cher.

Je veux t’exprimer ici toute ma solidarité et mon soutien pour avoir su redonner sa souveraineté au peuple bolivien et avoir imposé son droit à recouvrer ses richesses énergétiques. Tu as affronté ce problème avec beaucoup de responsabilité en décidant de nationaliser les ressources pétrolières et le gaz.}

Malheureusement, quelques pays du continent ont livré le patrimoine de leurs peuples à des entreprises multinationales à travers les privatisations et ont mis en place des politiques de réajustement monétaire et de capitalisation qui ont engendré le chômage, la faim et la pauvreté.

Ta décision de commencer à récupérer des espaces de liberté et de souveraineté va restituer sa dignité au peuple bolivien et lui donner les droits qui lui correspondent. Nous espérons que ton exemple servira ausi à motiver l’action d’autres gouvernements de la région et à fortifier les liens de l’unité continentale.

Nous nous connaissons depuis bien des années et tu as toujours fait preuve d’une grande cohérence entre ce que tu dis et ce que tu fais. Maintenant, après de longues années de lutte, tu es arrivé jusqu’à la présidence de la Bolivie et tu es en train de mettre en place la réalisation des idéaux pour lesquels tu as toujours lutté pour le bien de la vie et de la dignité du peuple.

Il nous paraît clair que sur ta route tu devras affronter bien des difficultés et subir de fortes pressions de la part de divers secteurs à l’intérieur du pays comme à l’extérieur. Les intérêts économiques et politiques essayerons de t’empêcher de mener à bien les politiques sociales, économiques et culturelles, mais je suis sûr que tu auras assez de volonté pour prendre les décisions nécessaires pour trouver les chemins adéquats afin d’affronter ces difficultés pour le plus grand bien du peuple.

Tu sais très bien que, dans cette voie, il te faudra rassembler les volontés, les consensus et les accords avec les différents secteurs sociaux, et avancer vers l’intégration latino-américaine au niveau régional comme au niveau continental, non seulement sur le plan économique, mais aussi sur les plans culturel, social et politique, afin de générer des possibilités de développement intégral.

Je sais que bien des choses que je signale, tu vas les prendre en compte maintenant, comme par exemple, la nécessité d’arriver à un accord juste avec le peuple frère du Chili, afin d’obtenir pour la Bolivie un débouché sur la mer et d’entreprendre ainsi un processus de coopération et de solidarité entre les deux peuples.

De même, il me semble juste que tu demandes un nouveau contrat social et des relations plus justes et plus fraternelles avec les pays frères comme l’Argentine et le Brésil, en ce qui concerne le prix du gaz. Il faut surmonter les politiques d’exploitation et d’inégalité entre les peuples et privilégier non pas le capital financier, mais le capital humain qui permet de développer la culture de la solidarité et de la paix.

Les défis sont nombreux. L’héritage, laissé par les gouvernements qui t’ont précédé, est difficile à assumer et il faut résoudre tous les conflits actuels en très peu de temps. Mais, je connais la force de ta volonté et le courage de ceux qui t’accompagnent dans la gestion de ton gouvernement. Fondamentalement, je sais que pour le peuple bolivien et pour tout le continent latino-américain, la Bolivie représente un grand espoir. Tu le sais aussi car nous l’avons proclamé ensemble au Forum Social Mondial : “Un autre monde est possible, une autre Bolivie est possible,.... un autre continent latino-américain est possible”. Nous devons rassembler nos volontés et mettre nos politiques en commun pour devenir plus forts comme peuples et mieux affronter les défis qui se présentent.

Je veux, cher ami, te donner le plus fraternel “abrazo” solidaire et je veux aussi que tu saches que tu as toujours des compagnons sur les chemins pour la vie, ensemble avec les peuples.

Fraternellement,

Adolfo Perez Esquivel


Adolfo Pérez Esquivel a reçu le Prix Nobel de la Paix en 1980.

Traduction : Francis Gély.

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