Accueil > Français > Dial, revue mensuelle en ligne > Archives > Années 2000-2009 > Année 2001 > Juin 2001 > HONDURAS - Des enfants et adolescents de la rue racontent leurs vies

DIAL 2478

HONDURAS - Des enfants et adolescents de la rue racontent leurs vies

I - Hector, 13 ans

vendredi 15 juin 2001, par Dial

Les histoires de vie que nous publions dans les trois dossiers qui suivent (DIAL D 2478, 2479, 2480) ont été écrites par des enfants et des adolescents du programme Casa Alianza du Honduras.

Casa Alianza est une organisation indépendante sans but lucratif, consacrée à la réhabilitation et à la défense des enfants de la rue au Guatemala, Honduras, Mexique et Nicaragua. Branche latino-américaine de Covenant House (New York), Casa Alianza soutient et prend soin d’environ 9 000 enfants de la rue annuellement, dont la majorité sont orphelins à cause des guerres civiles, sont abusés ou rejetés par des familles désintégrées ou touchées par l’extrême pauvreté, et plus tard traumatisés par l’indifférence de la société dans laquelle ils vivent.

Ces textes sont des traductions aussi fidèles que possible des pages écrites à la main par les enfants et les jeunes. Seules ont été améliorées pour la traduction l’orthographe et la ponctuation. Ces textes sont accessibles au site suivant : http://www.casa-alianza.org.


Depuis l’âge de 5 ans, la rue, je la connais parce que mon papa est mort et je ne voulais pas rester à la maison où mes sœurs n’arrêtaient pas de me maltraiter, elles me laissaient sans vêtements, sans souliers et sans nourriture. Ma mère travaillait, elle faisait des beignets et des sucettes et elle n’avait pas le temps de s’occuper de moi. Mon papa me manquait. J’étais seul et malheureux, mes grands frères, Dario 18 ans, Raphaël 14 et Xavier 7, allaient déjà à la rue. J’ai alors fait connaissance avec le parc Herrera où je savais comment ramasser de l’argent. Je n’avais qu’à tendre la main pour remplir mes poches d’argent, ça m’a plu et j’ai commencé à rapporter de l’argent à ma maman pour qu’elle nous achète à manger à tous. J’en étais content et j’ai continué à faire ça pendant presque six mois

Et puis j’ai commencé à fréquenter le boulevard en compagnie de mes frères et de quelques amis. C’est là que mon frère Xavier m’a donné de la colle pour que je l’essaye parce que c’est un endroit où on était maltraité. Les vigiles locaux nous tapaient avec des triques et des fils métalliques. On ne pouvait se caler nulle part, ils ne nous le permettaient pas, il fallait circuler d’un endroit à l’autre. Un jour j’ai rencontré un Suisse, Mauricio, qui m’a parlé de Casa Alianza, il m’a expliqué comment ça marchait, ça m’a plu et j’ai décidé d’y rester. J’y ai appris beaucoup de choses que j’ignorais, je me sentais bien et j’ai rencontré des gens qui m’aimaient. Et puis mes sœurs se mirent à venir me voir, elles me poussaient à ne pas sortir de là parce qu’on leur avait dit que je respirais de la colle et elles me menaçaient de me tuer si elles me prenaient avec de la colle. Mais comme au bout de quatre mois je suis passé à l’étape suivante dite de transition, où je me sentais un peu mal parce que j’étais le plus petit et que les autres prenaient plaisir à m’embêter pour que je me mette en colère et que je les distraie. Il m’arrivait d’avoir le cafard quand je pensais à mon frère Dario qui était en prison parce qu’il avait volé un téléviseur. Un jour j’ai eu des problèmes pendant cette étape de transition, je me suis mis en colère tellement fort que j’ai attaqué à coups de pierres les stores de la maison et je les ai mis en pièces. De nouveau j’ai pris la rue et je me suis mis à consommer de la colle de plus en plus souvent. J’ai découvert Agapé où on te donne à manger, tu peux te laver et comme après, on pouvait revenir à la rue faire ce dont on avait envie, ça me convenait.

Là aussi il m’est arrivé quelque chose qui m’a déplu : le responsable m’a frappé avec une balle pour la simple raison que je jouais au base-ball avec mon frère. C’est pour ça que je n’y suis pas revenu et j’ai repris contact avec Casa Alianza. Mais mon envie de colle était tellement forte que je ne pouvais pas m’en passer deux jours de suite et je sortais sans me soucier de ce qui m’arriverait dans la rue.

Un jour on m’a dit qu’à la PC ils avaient tué mon frère, ça m’en a flanqué un coup, je me suis mis de plus en plus à consommer de la colle et rien ne m’intéressait. J’intégrais le Refuge et j’en sortais sans me rendre compte que les années passaient. Voilà deux ans que j’éprouve le désir de faire de ma vie quelque chose de mieux, je comprends que ce sera difficile mais j’en ressens le désir, ça oui, et j’espère y parvenir avec l’aide des éducateurs.

Je veux dépasser ce que je suis, aller à l’école, en finir pour toujours avec la colle, oublier tout ce qui m’est arrivé de mauvais, travailler et pouvoir aider ma mère.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2478.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) :  Casa Alianza , juin 2001.
 
En cas de reproduction, mentionner au moins les auteurs, la source française (Dial - http://www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
 

responsabilite

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

>> PDF Formato PDF