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DIAL 2505
PANAMA - Le Plan Puebla-Panama, un plan de développement pour l’Amérique centrale ?
Jorge Alonso
lundi 15 octobre 2001, mis en ligne par
Le président mexicain Fox s’est donné pour principal objectif économique la réalisation du « Plan Puebla-Panama », vaste projet concernant le sud du Mexique et l’ensemble de l’Amérique centrale. En raison de sa franche orientation néolibérale, ce plan fait l’objet de vives critiques comme en témoigne le texte ci-dessous extrait d’un article de Jorge Alonso, paru dans Envio, août 2001(Nicaragua).
Le président Fox a privilégié la promotion de lui-même et de son pays à l’étranger. L’un des plans qu’il a présenté comme fondamental pour son projet s’appelle Plan-Puebla Panama. Au cours du voyage qu’il a fait mi-juin en Amérique centrale, accompagné des neuf gouverneurs du sud du Mexique, Fox a présenté ce plan aux sept présidents centraméricains. Il s’agit, si on l’en croit, d’en finir avec la transmission générationnelle de la pauvreté et de transformer la région en un pôle de développement mondial.
Le point central du sommet centraméricain des présidents de la région avec Fox a consisté à définir les bases de financement du Plan Puebla-Panama et à échelonner dans le temps ses projets d’infrastructure. Les lignes stratégiques du plan ont aussi été fixées, avec notamment la consolidation d’une relation de partenariat commercial de ces pays avec le Mexique pour développer le commerce et le tourisme. Il a aussi été question de réaliser une intégration des voies de communication, de mettre en route une interconnexion énergétique ; la création de la Commission d’ingénierie financière a été annoncée. Présidée par la Banque interaméricaine de développement (BID), elle devrait présenter d’ici à trois mois un diagnostic visant à la mise en marche du Plan Puebla-Panama. La BID a offert deux milliards de dollars au Plan Puebla-Panama. Le plan comprend des propositions relatives à la sécurité, et particulièrement dans la lutte contre le narcotrafic et le vol de voitures, et ce qu’on appelle la "clause démocratique" : "toute altération ou rupture de l’ordre démocratique dans un État centraméricain constitue un obstacle à la participation du gouvernement dudit État au Plan Puebla-Panama."
Le Plan Puebla-Panama semble donc constituer un élément supplémentaire dans le cadre de l’Association de libre-échange des Amériques (ALCA) tel qu’il a été présenté à Québec en avril 2001. Dans l’euphorie, on a proclamé que d’ici 2025 la région serait le nouveau "jaguar américain", Fox pronostiquant que le Plan Puebla-Panama convertirait le Mexique et l’Amérique centrale en un pôle de développement "de niveau mondial" en Amérique latine. En invitant les investisseurs à se joindre au processus de développement économique du Plan Puebla-Panama, le président mexicain confessait ce que sa pratique gouvernementale avait déjà largement montré : son gouvernement est un gouvernement d’hommes d’affaires, gouvernant par et pour eux.
Ceux qui se montrent critiques envers la globalisation ont mis en évidence que le Plan Puebla-Panama n’est en rien une nouveauté et que sa paternité n’est pas mexicaine. Le Plan Puebla-Panama reprend le vieux dessein géopolitique de sécurité nationale conçu par la Maison Blanche, avec l’appui des républicains comme des démocrates. Le but est de s’assurer des travailleurs bon marché et l’exploitation des ressources de la région, d’y consolider les compagnies transnationales pour créer ainsi une zone qui puisse concurrencer les "tigres asiatiques". On recherche les plus bas coûts de production industrielle par la surexploitation de la main-d’œuvre et les subventions au capital privé, ce qui attirera les entreprises transnationales qui recevront des subventions et des investissements externes directs. Le financement en provenance de la BID s’accorde avec la ligne d’action de la Banque mondiale. Dans ce plan, il a été attribué au Mexique le rôle de contremaître principal.
Démagogie, colonisation et contre-insurrection
L’écrivain Carlos Fazio a dit du Plan Puebla-Panama qu’il est le projet des "maîtres du Mexique". En encourageant l’entrée massive de capitaux étrangers sans régulation et avec des subventions d’État à l’infrastructure, on veut transformer la région en enclave pour maquilas et monocultures de plantation, en lieu privilégié pour l’exportation grâce à la main-d’œuvre bon marché et au pillage des ressources locales.
Une analyse du Plan Puebla-Panama - le principal plan économique du foxisme - et de ses appuis internes et externes ne peut pas ne pas examiner les classes qui en bénéficient et celles qui y sont sacrifiées. Le Plan Puebla-Panama cherche à "américaniser" la région pour qu’elle soit à la merci des desseins et du "destin manifeste" des États-Unis et pour qu’elle s’inscrive dans le "consensus de Washington", qui vise à une colonisation sauvage du sud-est mexicain et de toute l’Amérique centrale. La "modernisation" néolibérale que propose le Plan Puebla-Panama cherche à légitimer un pillage qui accentuera la dépendance de nos économies, bien qu’il se présente comme un instrument destiné à promouvoir le développement dans le but de remédier à la pauvreté et à la marginalisation, en investissant dans la création d’emplois. Ce qu’on ne précise pas, c’est que ce seront des emplois mal payés, pouvant concurrencer la main-d’œuvre d’autres régions du monde. Le chercheur Armando Batra a signalé que le Plan Puebla-Panama combine démagogie, contre-insurrection et appels à une nouvelle colonisation. Et si, dans tout accord international, il est obligatoire de tenir compte des asymétries, le Plan Puebla-Panama ne le fait pas. Il suit seulement les pas de tous les traités de commerce qui ne sont que des permis de pillage pour les investisseurs, sans que soient pris en compte les droits relatifs au travail, à l’immigration et à l’environnement.
On pourrait dire que dans un monde globalisé il n’y a pas d’autre voie. Pourtant, ceux qui se montrent critiques présentent aussi des alternatives. Il faut d’abord mettre en évidence les véritables intentions de ce plan. Ensuite, il ne suffit pas d’appeler à la résistance, il faut aussi présenter des alternatives. Un Plan Puebla-Panama de la société civile de "ceux d’en bas" devrait privilégier l’autogouvernement régional, dont un point-clé serait l’autonomie des peuples indiens et l’autogestion économique, incarnée par les petits producteurs du sud.
Un défi : le Plan Puebla-Panama passe par le Chiapas
Un plan véritable qui profiterait au développement des peuples concernés ne pourrait s’élaborer qu’à partir du renforcement des expériences autonomistes autogestionnaires développées de manière collective et solidaire dans cette région mexicaine, pour rendre à la population les moyens de sa subsistance et la souveraineté en matière de travail. C’est difficile, mais c’est possible. Il ne faut pas se laisser entraîner par les illusions démocratiques - limitées à la démocratie électorale - contenues dans le Plan Puebla-Panama. Le but est d’atteindre à une démocratie sociale et culturelle qui mette en place une logique de marché subordonnée aux fins humaines.
Il est évident que dans le plan présenté par Fox, il n’y a pas de place pour des indigènes autonomes qui décident des ressources de leurs territoires, comme cela était demandé dans le projet de loi COCOPA – cet aspect a été supprimé dans la nouvelle législation indigène. C’est dans ce contexte qu’il faudrait replacer les déclarations foxistes en Amérique centrale, selon lesquelles le zapatisme est entré dans un processus de désactivation. Pour cette raison, Fox a considéré qu’il n’était pas nécessaire de donner plus d’espaces ou de pouvoir au zapatisme, il a affirmé qu’au Chiapas il n’y avait pas de conflit et qu’il y avait la paix, et que le Plan Puebla-Panama "valait mille fois plus que l’EZLN ou qu’une communauté du Chiapas." En essayant de minimiser le mouvement zapatiste, Fox a souligné que, bien qu’il n’y ait pas reprise du dialogue, il n’y avait pas non plus de violence. Provocateur, il a déclaré que si un projet du Plan Puebla-Panama voulait s’installer dans la zone zapatiste et qu’il n’était pas accepté, il serait réalisé à un autre endroit. Suivant cette orientation, le coordinateur au Mexique du Plan Puebla-Panama a annoncé que là où les groupes sociaux n’accepteront pas les projets, ils ne seront pas mis en place, cherchant à dissimuler que, dans le processus mondial actuel de globalisation, les globaliseurs et les globalisés sont respectivement les gagnants et les laissés pour compte.
Le PRD comme le Centre de droits humains Miguel Agustin Pro ont critiqué les déclarations de Fox en Amérique centrale au sujet du Chiapas. Le Centre Miguel Agustin Pro a fait remarquer que le zapatisme n’est pas seulement un mouvement local et qu’il n’est pas certain qu’il soit en baisse. Le PRD a qualifié ces déclarations d’irresponsables et même de provocatrices, car elles semblaient vouloir pousser l’EZLN à reprendre le chemin des armes. Le PRD a signalé que, lorsque Fox dit qu’il n’était pas nécessaire d’ouvrir davantage d’espace aux zapatistes, il cherchait à les assiéger et à utiliser contre eux la répression. Il est clair que tant qu’il n’y aura pas une réforme constitutionnelle qui respecte de manière authentique les droits des peuples indiens, le Plan Puebla-Panama représentera seulement une nouvelle mise à sac des ressources de ces peuples.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2505.
– Traduction Dial.
– Source (espagnol) : Envio, août 2001
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