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DIAL 2512

MEXIQUE - L’assassinat de Digna Ochoa, avocate, défenseur des droits humains

jeudi 1er novembre 2001, mis en ligne par Dial

Elle était connue au Mexique, mais aussi dans bien d’autres pays, dont la France où elle avait séjourné. Digna Ochoa était avocate, ardente défenseur des droits humains, d’une compétence professionnelle unanimement reconnue. Son assassinat, qui fait suite à de nombreuses menaces de mort depuis plusieurs années, a jeté la consternation. C’est aussi le signe que les droits humains sont toujours gravement en danger au Mexique. De plus, l’impunité dont ont joui jusqu’à présent ceux qui l’avaient agressée dans le passé est un encouragement au crime. Texte paru dans La Jornada, 20 octobre 2001 (Mexique).


Digna Ochoa, militante des droits humains et avocate en exercice a été assassinée hier dans son bureau du 31-A rue Zacatecas, dans la Colonie Roma, fait qui a provoqué aussitôt l’indignation de différentes organisations de droits humains.

Le corps de Digna Ochoa a été trouvé par l’un des avocats auxiliaires du bureau, Gerardo Gonzalez, aux alentours de 17h30, touché à la tête et aux épaules par des balles provenant d’armes à feu de calibre 22 semble-t-il. À son côté se trouvait une menace écrite de mort à l’encontre des membres du Centre des droits humains Miguel Augustín Pro.

La Procuraduria générale de justice du district fédéral a gardé un silence total sur l’événement. Le titulaire de la dependencia, Bernardo Bátiz, arriva sur le lieu du crime à 22 h 30 et s’engagea à faire tout le nécessaire pour trouver les responsables.

Gerardo González a dit qu’il était revenu à son bureau pour prendre quelques documents que lui avait demandés Lamberto González, collègue de la victime, tout comme Pilar Noriega qui a cessé de plaider depuis quelques jours, ayant été nommée premier visiteur de la Commission des droits humains du district fédéral.

Le corps d’Ochoa se trouvait dans l’antichambre, à même le sol, la tête appuyée sur le fauteuil et le visage complètement ensanglanté. González dit avoir vu de la poudre blanche, comme une espèce de talc, répandue sur le tapis, les fauteuils et les vêtements de la victime.

Il n’est pas exclu que l’avocate ait résisté aux assassins, car le serre-tête qu’elle portait le matin avait également été projeté sur le tapis.

Le président du Centre Pro, Edgar Cortés, a exigé des autorités qu’elles commencent une enquête poussée car depuis 1996, lorsque commencèrent les menaces contre l’organisme, rien n’a été fait. C’est entre 1996 et 1997 qu’a été reçu le plus grand nombre de menaces contre l’avocate et d’autres membres du Centre Pro, comme Enrique Flota et Pilar Noriega qui étaient en charge des cas des prisonniers présumés zapatistes.

En 1999 et 2000, il y eut au moins trois enquêtes préalables à la Procuraduria générale de justice du district fédéral (PGJDF), qui ne constituèrent qu’un seul dossier, et une autre de plus pour séquestration de Ochoa à son propre domicile ; « il est regrettable que ces plaintes n’aient pas abouti. Nous voulons que maintenant, après la mort de Digna Ochoa, soit vraiment réalisée une enquête poussée », a-t-il demandé.

Il a considéré qu’il était préoccupant qu’à côté du cadavre il y ait eu une nouvelle note comportant des menaces de mort contre les membres du Centre.

Il a rappelé que Ochoa avait quitté l’organisation il y a un an, ayant décidé de plaider de manière indépendante. Et le procès le plus important qu’elle avait en charge actuellement était celui de deux écologistes du Guerrero en prison, bien qu’elle ait également décidé de reprendre les affaires de Pilar Noriega.

Adrián Ramírez López, président de la Ligue mexicaine pour la défense des droits humains, a rappelé la tentative de séquestration à l’encontre de Digna Ochoa. En octobre 1999, plusieurs individus pénétrèrent à son domicile, la menacèrent, lui bandèrent les yeux et l’interrogèrent pendant environ neuf heures, pour l’abandonner ensuite pieds et mains liés au lit, à côté d’une bouteille de gaz ouverte. Elle parvint à se détacher et essaya d’appeler au téléphone, mais la ligne avait été coupée.

Les individus qui l’attaquèrent lui posèrent des questions sur les activités du Centre Pro et sur ses contacts présumés dans les États de Guerrero, Hidalgo, Puebla et Oaxaca, sur les caches de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) et de l’Armée populaire révolutionnaire (EPR), ainsi que des commandants Antonio et Aurora de l’Armée Révolutionnaire du peuple insurgé (ERPI).

« Nous nous rappelons aussi qu’elle était en train d’étudier le cas des frères Cerezo Contreras, accusés d’appartenir aux Forces armées de résistance populaire (FARP), qui furent arrêtés après les fusillades qui eurent lieu dans les succursales de Banamex et dont la première audience commence le 22 octobre. Je ne pourrais pas affirmer avec certitude que cela est en relation avec le meurtre, nous disons seulement qu’il y a cette coïncidence - qu’elle participe à la défense juridique avec Bárbara Zamora », a-t-il indiqué.

Le corps a été transféré à l’amphithéâtre de l’agence 4 du ministère public et l’enquête préalable correspondante a commencé dans l’agence 3, où, à l’heure où nous terminions cette édition, Gerardo González et d’autres personnes qui avaient connu de près l’avocate continuaient leur déposition, afin de communiquer des données permettant de trouver les responsables.

Il faut enfin indiquer qu’est venu sur les lieux le président de la Commission des droits humains du district fédéral, Emilio Alvarez Icaza, qui a indiqué au procureur que cet organisme suivrait de très près les enquêtes. Sont aussi venus Benito Mirón Lince, sous-secrétaire au travail du gouvernement du district fédéral, qui fut dirigeant du Front zapatiste de libération nationale, et Eduardo Miranda, de l’Union des juristes.


« J’aspire à une vie digne, juste, pacifique... »

« Au Mexique, défendre les droits humains est un risque en soi. Face à cette affirmation, vous vous demanderez, comme nous nous le sommes demandé au Centre Prodh (Centre des droits humains Miguel Augustin Pro) : quel sens y a t-il donc à défendre les droits humains, pour quelles raisons et dans quel but défendons-nous les autres si cela nous vaut des agressions, des menaces, des souffrances, et des privations, comme celles que j’ai subies avec mes compagnons du Prodh en de nombreuses occasions, et particulièrement depuis le mois d’août de l’année passée ?

Je veux aujourd’hui partager avec vous ma réponse à cette question : je veux et j’aspire à une vie digne, juste, pacifique, qui n’existe pas. L’atteindre requiert un effort et un travail résolu de la part de beaucoup de gens. Je suis là pour contribuer à cette construction, je veux apporter mon grain de sable, ce qui implique beaucoup de joies et de souffrances, certainement plus de souffrances que de joies, mais je garde l’espérance qu’un jour nous aurons un monde différent. Peut-être n’en profiterai-je pas. Comme en toutes choses, la construction de ce qui vaut la peine coûte du travail et du temps, mais ceux qui viennent après moi le vivront et penser à eux me remplit de joie et d’espérance, parce que je ne suis pas seule, nous sommes nombreux dans cet effort. Ensemble, et si nous sommes chaque fois plus nombreux, nous obtiendrons le changement. »

Paroles prononcées par Digna Ochoa, en mai 2000, lorsqu’elle reçut la médaille Roque Dalton du Conseil de coopération avec la culture et la science.

 
 


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2512.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : La Jornada, octobre 2001.
 
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