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DIAL 3280

MEXIQUE - Communiqué final du Congrès de la Mère Terre

vendredi 18 avril 2014, mis en ligne par Dial

Le premier Congrès de la Mère Terre s’est tenu du 22 au 24 janvier 2014 à San Cristóbal de las Casas. Nous en publions ci-dessous le communiqué final, diffusé le 24 janvier.


Nous, hommes et femmes, convoqués par l’Esprit qui « renouvelle la face de la Terre », nous avons célébré ce premier Congrès de la Mère Terre les 22, 23 et 24 janvier 2014, avec la participation d’évêques locaux, d’évêques d’autres pays, de conseillers ; femmes et hommes, nous avons partagé la parole avec plus de 900 personnes, représentant les divers peuples, et les invités de différentes Églises et organisations. Nous nous sommes rencontrés pour commémorer les 40 ans du Congrès indien de 1974 et les trois ans de la Pâque glorieuse du J’Tatic Samuel [1], qui a guidé les destinées de ce diocèse durant 40 ans (1960-2000).

En évoquant les évènements les plus significatifs de l’Histoire de notre peuple depuis le Congrès indien jusqu’à l’heure actuelle, nous avons senti que « notre cœur était tout brûlant », comme ce qui était arrivé aux disciples d’Emmaüs lorsque le « compagnon pèlerin » leur avait fait parcourir les Écritures relatant l’histoire et la libération du peuple d’Israël.

Mais quand nous avons partagé le Pain de la Parole, « soudain nos yeux s’ouvrirent » et nous avons pu comprendre et analyser la réalité en partant du cœur de nos peuples qui reconnaissent la présence de Dieu dans toute la création.

Nous nous sommes rendu compte que le système capitaliste néolibéral, répressif et dominant, n’est pas tout puissant : Dieu seul est tout puissant. Nous avons découvert que notre force principale réside dans l’« armure de la foi » comme nous le dit Saint Paul dans la Lettre aux Éphésiens : la Parole de Dieu, l’éthique et la spiritualité.

Face à la puissance des multinationales et des gouvernements complices et alliés de celles-ci, qui veulent accaparer les terres et les biens naturels de l’air, du sol et du sous-sol, que Dieu nous a offerts, il faut que nous ayons le courage de nous planter devant eux et de leur dire : « arrête-toi, frère, car cette terre est à Dieu ! ».

Ceci nous a amenés à approfondir l’engagement du moment présent : analyser les signes des temps, soigner et défendre la Mère Terre, dénoncer les structures d’injustice et de péché qui « tuent notre peuple » (Pape François), et construire des modèles alternatifs d’économie et d’organisation sociale qui peu à peu constitueront un autre monde possible et nécessaire et qui seront signes du Royaume que Jésus nous a annoncé.

De même que les disciples d’Emmaüs, après leur rencontre avec Jésus, ont retrouvé l’espérance et sont retournés en hâte à Jérusalem pour conforter leurs frères dans la foi, nous aussi nous revenons vers nos communautés, pour les encourager à nouveau à ce que tous et toutes ensemble nous nous engagions dans la grande tâche que nous devons réaliser :

 Nous conscientiser et conscientiser les familles et communautés sur les réalités que nous vivons.
 Promouvoir une formation complète qui nous donne les éléments pour démasquer les tromperies du système oppresseur et chercher des voies alternatives.
 Organiser les communautés pour le soin et la défense de la Mère Terre, en recherchant l’unité par-dessus les différences politiques, idéologiques et religieuses.
 Articuler et réorganiser tous les secteurs pastoraux pour mener à bien les engagements de ce Congrès.
 Avec des représentants de chacune des équipes, constituer une instance diocésaine qui donne suite aux décisions du Congrès.
 Former peuples et communautés pour qu’ils soient sujets de leur développement et de leur histoire, capables de résister au système dominant et de construire des alternatives en matière d’organisation sociale et ecclésiale, où l’on puisse vivre et jouir de l’autonomie personnelle et communautaire.
 Continuer à avancer dans la construction de modèles d’Église autochtone, participative, avec égalité des sexes et engagement social, qui soit signe et instrument du Royaume de Dieu.
 Nous exigeons des autorités du pays et lançons un appel au peuple pour que soit empêchée la semence de maïs, ou toute autre culture, transgénique.
 Nous nous opposons aux mégaprojets et à l’exploitation minière déprédatrice.
 Nous nous opposons aux réformes structurelles proposées par le gouvernement parce qu’elles promeuvent les intérêts des classes dominantes aux dépens du peuple.
 Nous nous prononçons contre ces réformes agraires de type néolibéral qui, depuis plus de vingt ans, ne nous ont pas pris en compte en tant que peuples indiens, communautés paysannes et nation.

Avec la certitude et la conviction qu’un autre monde est possible, nous invitons les Églises sœurs, les organisations sociales et la société en général à se joindre à nous, tous et toutes, pour collaborer et travailler ensemble afin que ce rêve devienne réalité.

Que ce Congrès nous pousse à vivre une étape nouvelle dans l’engagement pastoral de notre diocèse en union avec toutes les personnes de bonne volonté, en faisant nôtre le message de l’Apocalypse de Jean qui nous invite à dépasser un passé d’oppression, de désolation et de mort et à nous engager dans la construction des « Cieux Nouveaux et de la Terre Nouvelle », où règneront la paix, l’amour, la félicité, l’harmonie et l’équilibre entre les êtres humains et avec la Mère Terre.

San Cristóbal de las Casas, Chiapas, 24 janvier 2014.

Mons. Felipe Arizmendi Esquivel, évêque du Diocèse de San Cristóbal de las Casas
Mons. Enrique Díaz Díaz, évêque auxiliaire
Alberto Rafael Gómez Sánchez, prêtre, coordinateur de la pastorale sociale
R.P. José Avilés Arriola, S.J., vicaire de Justice et Paix
Luis Manuel López Alfaro, prêtre, vicaire de Pastorale
María Elena Carrizales Arredondo, missionnaire séculière diocésaine (MISED), Secrétaire chancelière.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3280.
 Traduction de Sylvette Liens pour Dial.
 Source (espagnol) : Amerinda en la red, 24 janvier 2014.

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[1Samuel Ruiz García (1924-2011 a été évêque de San Cristóbal de las Casas, au Chiapas, de 1959 à 1999. Il était surnommé Tatic (père) par les Indiens de son diocèse. Voir DIAL 2339 - « MEXIQUE - Don Samuel Ruiz. Bilan des trente dernières années au service de la paix », 2424 - « MEXIQUE - Un discours de Don Samuel Ruiz : Le nouveau parcours des peuples indigènes », 2723 - « AMÉRIQUE LATINE - Pour Samuel Ruiz, l’« évêque des Indiens », « Un autre monde est possible » » et 3156 - « MEXIQUE - L’héritage politique et spirituel de Don Samuel Ruíz García (1924-2011) — note DIAL.

Messages

  • C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu le communiqué final du congrés de la Terre Mère.
    La pieuvre du grand marché international est entrain d’envahir le monde, aujourd’hui à travers les négociations du projet des accords transatlantiques entre l’Europe et les Etats Unis appelés également TAFTA.
    Des résistances, heureusement, prennent forme pour le respect des droits des peuples et de leur environnement, le respect de la Terre Mère.
    Tous les matins, je bois du café provenant des Chiapas au Mexique, "Ssit Lequil Lum". C’est un café militant, un café rebelle et zapatiste, commandé à l’avance par un réseau parallèle. C’est une manière d’exprimer ma solidarité avec les communautés indiennes du Mexique.
    Je suis également, ici tout près de Lille, dans le nord de la France en lien avec des militants originaires d’Amérique latine, dont un jeune mexicain.
    El pueblo unido jamas sera vencido !
    Bernard Hennion

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