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CUBA - Transition : un défi pour la région et pour les États-Unis

Marco A. Gandásegui fils

jeudi 10 mai 2018, par Françoise Couëdel

Jeudi 3 mai 2018.

Bien qu’on spécule sur l’orientation nouvelle que peut prendre Cuba, le Président Miguel Díaz-Canel a déclaré très clairement que « au cours de cette législature il n’y aura pas de place pour ceux qui aspirent à une restauration capitaliste ». Qu’a voulu dire le nouveau président cubain ? Cela peut se comprendre de différentes façons. Premièrement, il n’y aura pas de retour en arrière vers l’économie de marché. Deuxièmement, l’économie de l’île continuera à être au service des besoins de ses habitants. Troisièmement, le gouvernement et tous les Cubains continueront à résister au blocus de Washington qui aura bientôt 60 ans d’application. En même temps il a laissé entrevoir que seront mises en place des réformes indispensables pour relever les nouveaux défis que représentent les changements au niveau mondial.

L’île se caractérise par une économie avec un haut niveau d’investissements technologiques dans les domaines de la médecine et de l’éducation. Néanmoins, le blocus des États-Unis n’a pas permis l’accès au marché international. La Chine devient progressivement un marché qui peut venir en aide à l’économie cubaine. Les gouvernants cubains misent sur le tourisme et la normalisation des relations avec les États-Unis mais ces dernières sont bloquées en raison des engagements du président Trump à l’égard de ses alliés du courant minoritaire de l’ultra droite cubaine de Miami.

Tandis que Cuba a réussi à établir de bonnes relations avec la Chine et la Russie, ses relations ont régressé avec les États-Unis et, en grande part, avec l’Amérique latine. Les premières sont importantes d’un point de vue économique. Les secondes sont stratégiques, dans une perspective politique. Cuba est un pays avec une classe moyenne laborieuse très importante, bien formée, qui peut faire du pays de Martí une puissance économique de la région. Les Cubains ont les meilleurs niveaux d’éducation et de santé, en comparaison avec tous ceux des pays du monde. Bien au-dessus de la moyenne des pays latino-américains et même supérieurs à ceux des États-Unis. Mais Cuba est cernée par le blocus.

Ses alliés en Amérique latine, le Venezuela et la Bolivie sont harcelés par les États-Unis précisément en raison de leurs liens d’amitié avec Cuba. Au Venezuela, des élections auront lieu dans quelques semaines pour lesquelles on prévoit le triomphe des forces progressistes que dirige Nicolás Maduro, avec une vaste alliance qui inclut des secteurs ayant des projets de marchés. En Bolivie, le président Evo Morales a réussi à construire une alliance associant les peuples indiens, qui inclut des mineurs, des ouvriers et même des chefs d’entreprise. Au Mexique aussi auront lieu des élections avec Andrés Lopez Obrador – candidat pour la troisième fois – en tête des sondages. AMLO croit dans le marché régulé et estime que les richesses mexicaines doivent rester dans le pays. Les États-Unis le voient comme un danger. La question n’est pas s’il gagnera (chose certaine) mais si l’oligarchie organisera encore une fraude (pour la troisième fois).

Au Brésil, l’ex-président Lula, du parti des travailleurs (PT), sera, à coup sûr le gagnant des élections qui auront lieu en octobre. Dans une telle perspective politique, la réaction de la ploutocratie brésilienne a été de faire incarcérer le dirigeant métallurgiste. Au Nicaragua a eu lieu récemment une manifestation populaire contre les mesures néolibérales d’un gouvernement au passé révolutionnaires (FSLN). Dans sa pratique le président Daniel Ortega applique la maxime de Fidel Castro : « L’ennemi le plus dangereux n’est pas en dehors du mouvement il est à l’intérieur ».

Pour ce qui concerne le Panamá : en 1989, a été instauré un régime qui a pris ses distances avec la Révolution cubaine. Les gouvernants se sont engagés dans un programme économique néolibéral qui a engagé le pays – jusqu’à ce jour – dans une redistribution des richesses du bas vers le haut. Récemment le vice-ministre de l’Économie et des Finances a déclaré que la corruption contribue au développement économique du Panamá. Sa candeur a surpris même ses partisans au sein du gouvernement.

L’offensive contre les secteurs populaires qui se fédèrent dans les syndicats, les corporations professionnelles et les producteurs agricoles est systématique. Ce sont le gouvernement, les chefs d’entreprise et les idéologues de ce qu’on appelle la société civile qui la dirigent. Cet affrontement a lieu au moment où les institutions politiques panaméennes sont en crise. Le pouvoir économique est-il disposé à changer d’orientation et à chercher une solution politique à la crise fatale de son régime, qui est né avec l’invasion nord-américaine de 1989 ? L’autre solution est d’attendre l’effondrement du régime et d’en ramasser les morceaux sans savoir ce que sera le résultat.

Tandis que la Révolution cubaine semble se consolider dans le contexte de la transition générationnelle, le reste du continent, y compris les États-Unis, semble avoir perdu le nord. Il faut trouver la clé pour surmonter les contradictions qui ne lui permettent pas d’avancer.


Marco A. Gandásegui fils, professeur de sociologie de l’Université de Panamá et chercheur associé du Centre d’études latino-américaines Justo Arosemena (CELA).

https://marcogandasegui18.blogspot.fr/2018/05/la-transicion-cubana-reta-la-region.html

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