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CÔNE SUD - Rapport de la COP26 avec la géopolitique de l’Amazonie

Giovani del Prete

jeudi 27 janvier 2022, par Françoise Couëdel

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20 janvier 2022 - Le financement pour les dégâts occasionnés par le changement climatique, la transition énergétique basse en carbone, la tolérance zéro de la déforestation, le transfert de technologie et la coopération internationale sont les cinq points essentiels de l’agenda international de tout pays qui s’engage pour le présent et le futur de l’humanité

Le texte final de la COP26, qui s’est tenue à Glasgow, est le résultat de deux semaines de négociations au cours desquelles les représentants de presque 200 pays ont débattu de beaucoup de sujets, mais n’ont signé que peu d’accord pour mettre en application l’Accord de Paris.

La régulation de l’article 6, qui établit les règles du marché du carbone, a été le résultat le plus important de cette COP. Néanmoins, des questions clés ayant trait au financement des dégâts résultant du changement climatique de la part des pays riches rend difficile l’exécution d’un agenda planétaire qui puisse articuler développement économique et justice environnementale.

L’engagement de 2009 des pays développés de débourser 1 milliard de dollars annuels pour 2020 a été différé à 2025. Ce manque d’engagement des pays riches freine les ambitions des autres délégations de parvenir à des accords et de mettre en œuvre les actions nécessaires. Sans le leadership des économies les plus avancées et, en conséquence les plus polluantes, les négociations multilatérales n’auront aucun succès. Selon une enquête réalisée par Global Carbon Project, depuis 1850 les cinq plus grands émetteurs de gaz à effet de serre au sein du bloc des pays développés ont été : les États-Unis (24,6%), l’Allemagne (5,5%), le Royaume Uni (4,4%), le Japon (3,9%) et la France (2,3%), qui totalisent 40,7% des émissions de ces gaz au cours des dernières 170 années. Pour le bloc des pays en développement la Chine est en tête (13,9%), la Russie (6,8%), l’Inde (3,2%), et en dixième position le Brésil (1%).

Néanmoins, quand nous analysons les relations économique et politiques des pays centraux (riches) et périphériques (en développement et pauvres), nous remarquons qu’il existe une structure de pouvoir qui reproduit les inégalités de conditions pour que la planète contienne son réchauffement jusqu’à 1°5 pour l’an 2100, en comparaison avec les températures enregistrées à la moitié du XVIIIe siècle, à l’époque préindustrielle.

Outre le fait de ne pas octroyer de financement climatique adéquat, les gouvernements des pays riches favorisent l’expansion des affaires des grands groupes économiques, dont les sièges sont dans les pays du Nord, qui tirent profit de la marchandisation de la nature. Nous parlons là de corporations comme Nestlé (Suisse) et Coca Cola (États-Unis), qui s’approprient l’eau potable dans de nombreux pays ; ou de l’anglo-australienne BHP Billiton, la compagnie minière co-responsable des délits environnementaux à Mariana et Brumadinho ; nous pourrions citer aussi les entreprises du complexe militaro-industriel des États-Unis, qui déplacent bateaux, avions et tanks en brûlant du pétrole, en plus de bombarder des territoires et de laisser derrière eux des déchets et des produits toxiques. Ce sont les projectiles, les véhicules et les équipements vendus par Lockheed Martin et Boeing, par exemple, avec lesquels sont organisés les exercices militaires étatsuniens et leurs bases militaires, plus de 800 dans le monde entier – de l’OTAN, la coalition Aukus, le groupe Quad et ses alliés.

Par ailleurs, pour les pays périphériques, cette puissante concentration et centralisation du capital est une menace sur la souveraineté de nos territoires. Et cela parce que, ne serait-ce qu’en Amérique du sud, se trouvent quelques-unes des grandes réserves de ressources naturelles.

Les données recueillies par la professeure Mônica Bruckman prouvent ce qui est en jeu en termes géopolitiques pour notre région : nous avons 94% des réserves mondiales de lithium, 96% de niobium, 36% de cuivre, presque 30% de l’eau douce de la planète et comptons sept des dix pays avec la plus grande biodiversité du monde. En privilégiant la régulation du marché du carbone au lieu d’assurer le financement global pour le climat, les pays riches travaillent à la marchandisation de la nature. En fin de compte, nous parlons d’un marché créé à partir d’un des services environnementaux qu’offre la nature, la capture du carbone de l’atmosphère.
Les perspectives postérieures à la COP26 pour ce marché sont en surchauffe, en accélérant la spéculation sur la valeur de la terre dans des zones à haut rendement pour absorber le carbone de l’atmosphère. Les professeurs Fairhead, Leach et Scoones, de l’Université du Sussex, nomment ce processus « green grabbing » (accaparement vert) qui consiste en l’articulation entre le marché financier et l’environnement, engendrant le dénommé « capitalisme vert », qui fait de l’eau, de l’air, de la végétation et du sol, des marchandises.

Dans ce scénario post-accord COP26, la forêt amazonienne revêt une importance géopolitique stratégique. Comme nous pouvons le voir sur la carte, présente dans huit pays et une province française, l’Amazonie correspond à 40% du territoire de l’Amérique du Sud, transporte 17% de l’eau douce du monde et représente un tiers des forêts de feuillus de la planète. C’est en partant de ces données que la géographe brésilienne Bertha Becker a déclaré que « l’Amazonie est le cœur écologique de la planète ».

Il est évident que la régulation du marché du carbone augmente les intérêts des grands groupes d’investisseurs internationaux dans les eaux, les forêts et la biodiversité de l’Amazonie et dans toutes les autres biomasses dans d’autres partied du monde. Dans la perspective du « capitalisme vert », nous observons le développement d’un marché additionnel pour la reproduction du néolibéralisme, avec la marchandisation de la nature à travers la financiarisation des services environnementaux qu’elle fournit.

De l’avis du président de la COP26, Alek Sharma, l’accord obtenu à Glasgow a été « une victoire fragile », car elle révèle une inadéquation entre ce que nous savons qu’il faut faire et ce qui se fait réellement. Il est important de comprendre la complexité et la radicalité de la crise pour que nous puissions débattre et exécuter ensemble le meilleur des politiques globales, et non le plus possible, pour que nous ne dépassions pas les 1,5° C.

De notre point de vue, le financement climatique, la transition énergétique basse en carbone, la tolérance zéro de la déforestation, le transfert de technologie et la coopération internationale sont les cinq points essentiels de l’agenda international de n’importe quel pays sérieux et réellement engagé en faveur du présent et du futur de l’Humanité. C’est l’agenda environnemental international que nous devons prioriser pour garantir la reproduction d’une vie de qualité sur notre planète.

Associé à la crise environnementale, le gouvernement brésilien actuel sape le leadership international que notre pays avait eu en matière d’environnement. Y compris en agriculture, nous pouvons signaler notre retard par rapport aux débats de la COP26.

Pour le professeur de la Licence en relations internationales de la UFABC, Olympio Barbanti, « l’ensemble des accords de Glasgow recommande un changement structurel nécessaire dans l’agriculture brésilienne » quand il s’agit des forêts, des villes, de l’usage du sol, du méthane et de l’agriculture qui impliquent les institutions financières pour le développement du capitalisme moderne dans l’agriculture, tandis que « le gouvernement de Bolsonaro fait le contraire en favorisant une occupation de l’Amazonie au bénéfice de l’élevage intensif, avec une technologie limitée ou sans aucune technologie ».

L’État brésilien a un rôle unique dans le respect de cet agenda. Sur les 9 pays amazoniens, le Brésil possède 60% des 5,5 millions de kilomètres carrés de forêt. Le rôle de notre pays est donc indispensable dans toute discussion ou accord concernant l’environnement et l’Amazonie. Au cours de la première décennie de ce siècle nous avons prouvé au monde qu’il est possible de lutter contre la déforestation, de consolider les organismes publics d’inspection et de contrôle environnemental, tout en développant notre économie en augmentant la productivité agricole avec distribution de revenus.

Finalement, nous inspirant à nouveau des idées de Bertha Becker, nous devons dépasser le paradigme de « l’économie de frontière », basée sur le fait d’extraire de la valeur de la forêt en la détruisant, pour aller vers une industrie biotechnologique du XXIe siècle, utilisant la technologie pour générer des emplois, des revenus et la rentabilité de la forêt sur pied, en mettant en œuvre des politiques publiques pour le développement économique, social et souverain du territoire et des peuples amazoniens.


Giovani del Prete est membre du mouvement Levante Popular de la Juventud, licencié en relations internationales et étudiant en Magister d’économie politique mondiale de l’UFABC (Université fédérale de l’ABC, Brésil).

Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://www.alainet.org/es/articulo/214753.

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