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DIAL 2810

CUBA - Une rafle policière envoie 400 jeunes en prison

Commission des droits humains et de la réconciliation nationale

mercredi 1er juin 2005, mis en ligne par Dial

Nous publions ci-dessous le communiqué en date du 9 mai 2005, émanant d’un organisme cubain, la Commission des droits humains et de la réconciliation nationale (CCDHRN), accompagné de plusieurs articles du Code pénal cubain permettant de saisir la non-conformité des événements dénoncés avec le droit officiellement en vigueur dans l’île. La CCDHRN, sans statut légal à Cuba, a reçu en 1990 le Prix de la liberté d’expression de la Société interaméricaine de presse, le Prix Human Rights Watch en 1991 et le Prix des droits de l’homme de la République française en 1996. La Commission agit contre la peine de mort à Cuba, pour l’amélioration de la situation carcérale des détenus de droit commun, la libération des détenus d’opinion et la promotion des valeurs démocratiques au sein de la société cubaine.


Entre mi-janvier et début avril de cette année, le gouvernement cubain a réalisé une vaste rafle policière qui a envoyé en prison environ 400 jeunes et adolescents, habitant la capitale pour la grande majorité d’entre eux.

Nous diffusons une liste - que nous considérons sociologiquement pertinente pour en tirer diverses conséquences - qui constitue un échantillon de 57 jeunes et adolescents (avec leurs noms, domicile, âge, et d’autres informations) qui ont été emprisonnés en application d’une « mesure de sécurité pré-délictueuse ». Celle-ci est définie dans les articles 78 à 84 du Code pénal qui prévoient des peines de un à quatre ans de prison.

Notre Commission considère que toutes les personnes détenues sous la prévention dite de « dangerosité pré-délictueuse » sont juridiquement innocentes : elles n’ont commis aucun délit particulier et prouvé en application du principe du droit à un procès juste. C’est pourquoi nous réclamons leur libération immédiate.

Les autorités cubaines ont appelé cette vaste rafle « Opération Contention ». Celle-ci, en toute objectivité, a consisté en une véritable opération de nettoyage social qui a privé de liberté des centaines de jeunes et d’adolescents. Selon l’échantillon que nous publions, ceux-ci ont une moyenne d’âge de 18 ans.

Il est très inquiétant que toutes les personnes arrêtées durant « l’Opération Contention » aient été incarcérées dans des prisons de haute sécurité, principalement dans la prison Combinado del Este d’où nous avons reçu, le 15 avril dernier, un compte rendu qui indique que 323 adolescents et jeunes sont détenus dans les étages 3 et 4 du bâtiment 3 de cette grande prison de la capitale. Tous ont été traumatisés d’avoir assisté aux mutineries de détenus qui se sont déroulées dans cette prison le 19 mars et le 5 avril derniers et qui ont abouti à la mort de plusieurs prisonniers et à des dizaines de blessés.
La détention de ces jeunes et adolescents et de centaines de personnes d’age divers sous le prétexte d’une supposée « dangerosité pré-délictueuse » dans des prisons de haute sécurité constitue une violation des lois en vigueur à Cuba et particulièrement du principe contenu dans l’article 80-1 alinéa a) du Code pénal résultant de la Loi 62 du 29 décembre 1987 [1].

La Constitution de la République, dans son article 42, interdit la discrimination raciale à Cuba : en étudiant l’échantillon aléatoire de 57 jeunes et adolescents détenus, notre attention a été attirée par le fait que seulement trois d’entre eux étaient blancs alors que tous les autres étaient noirs ou mulâtres.

Pendant des années, le gouvernement de Cuba a montré une tendance particulière à l’organisation de vastes rafles policières qui, en raison de leur ampleur et de leurs méthodes, ont conduit en prison des personnes innocentes et ont eu un important coût humain en provoquant des « victimes collatérales » parmi lesquelles ont peut compter des enfants, des personnes âgées et d’autres membres de la famille des personnes détenues.

Parmi ces « opérations », on peut rappeler l’opération « Adoquin » (contre les artisans de la Place de la Cathédrale), l’opération « Pitirre en el Alambre » (contre les commerçants en relation avec le marché libre paysan) toutes deux dans les années 80, et l’opération « Coraza », au début de 2003, dirigée contre des trafiquants de drogue, réels ou supposés. Cette dernière a coïncidé avec une action policière beaucoup plus vaste à l’échelle nationale qui a touché des milliers de personnes occupées à fabriquer ou à vendre des marchandises les plus simples ou des produits alimentaires.

Carlos J Menendez Cervera,
Observateur des droits humains

Elizardo Sanchez Santa Cruz,
Observateur des droits humains

Suit une liste de 57 jeunes avec leur nom, âge, date d’arrestation, adresse, et peine prononcée (entre 1 et 4 ans de prison).


Articles du Code pénal cubain

Titre XI : L’état dangereux et les mesures de sécurité

Chapitre I : L’état dangereux

Article 72.

Est qualifié d’état dangereux la tendance particulière d’une personne à commettre des délits, qui est démontrée par une conduite en contradiction manifeste avec les normes de la morale socialiste.

Article 73.

1. L’état dangereux s’apprécie quand le sujet manifeste un des indices de dangerosité suivants :
a) l’ivrognerie habituelle ou l’alcoolisme
b) la toxicomanie
c) la conduite antisociale

2. Est considéré en état dangereux pour conduite antisociale celui qui transgresse habituellement les règles de la vie en commun par le biais d’actes de violence ou d’autres actes provocateurs, viole les droits d’autrui ou, de part son comportement en général, porte atteinte aux règles de la vie en commun ou perturbe l’ordre de la communauté ou vit comme un parasite social, vit du travail d’autrui ou exploite ou pratique des vices socialement blâmables.

Article 74.

Est considéré également état dangereux celui des aliénés mentaux et des attardés mentaux si, pour cette raison, ils n’ont pas la capacité de comprendre la portée de leurs actes ni de contrôler leur conduite, chaque fois que ceux-ci représentent une menace pour la sécurité des personnes ou de l’ordre social.

Chapitre II : L’avertissement officiel

Article 75.

1. Celui qui, sans être concerné par un des états dangereux auxquels se réfère l’article 73 mais qui, en raison de ses liens ou relations avec des personnes potentiellement dangereuses pour la société, pour autrui et pour l’ordre social, économique et politique de l’Etat socialiste, peut montrer une tendance au délit, sera l’objet d’un avertissement de la part des autorités policières compétentes pour prévenir des activités socialement dangereuses ou délictueuses.

2. Cependant, l’avertissement sera consigné dans un procès-verbal, signé par la personne concernée et celle représentant l’autorité, où seront constatées expressément les causes qui le justifient et ce que la personne objet de l’avertissement aura exprimé à ce propos.

Chapitre III : Les mesures de sécurité

Première section : Dispositions générales

Article 76.

1. Les mesures de sécurité peuvent être édictées pour prévenir le passage à l’acte délictueux ou au motif de son exécution. Dans le premier cas, elles sont dénommés mesures de sécurité pré-délictueuses et dans le second, mesures de sécurité post-délictueuses.

2. Les mesures de sécurité s’appliquent dans le cas où le sujet est concerné par l’un des indices de dangerosité indiqués dans les articles 73 et 74.

Article 77.

1. En règle générale, les mesures de sécurité post-délictuelles s’exécutent après l’accomplissement de la sanction imposée.

2. Si, pendant l’exécution d’une mesure de sécurité appliquée à une personne pénalement responsable, il est imposé à celle-ci une sanction consistant en la privation de liberté, l’exécution de la mesure de sécurité sera suspendue et sera de nouveau appliquée une fois la sanction exécutée.

3. Si, dans le cas mentionné à l’alinéa antérieur, la personne sanctionnée bénéficie d’une libération conditionnelle, la mesure de sécurité est considérée éteinte à la fin de la période de probation si la liberté conditionnelle n’a pas été révoquée.

Deuxième section : Mesures de sécurité pré-délictueuses

Article 78.

A la personne déclarée en état de dangerosité au cours du procès, il peut être imposé la mesures de sécurité pré-délictueuse la plus adaptée parmi celles-ci :

a) mesures thérapeutiques
b) mesures de rééducation
c) mesures de surveillance de la part des organes de la Police Nationale Révolutionnaire.

Article 79.

1. Les mesures thérapeutiques sont :
a) l’internement dans un établissement psychiatrique ou de désintoxication
b) l’assignation à un centre d’enseignement spécialisé avec ou sans internement
c) un traitement médical en milieu externe
2. Les mesures thérapeutiques s’appliquent aux aliénés ou retardés mentaux dont l’état est dangereux, aux alcooliques et aux toxicomanes.
3. L’exécution de ces mesures perdure jusqu’à ce que disparaisse l’état dangereux du sujet concerné

Article 80.

1. Les mesures rééducatives sont :
a) l’internement dans un établissement spécialisé de travail ou d’études
b) la mise à disposition d’un collectif de travail pour le contrôle et l’orientation de la conduite du sujet en état dangereux

2. Les mesures rééducatives s’appliquent aux individus antisociaux.

3. La durée de ces mesures est de un an minimum et de quatre ans maximum.

Article 81.

1. La surveillance par les organes de la Police Nationale Révolutionnaire consiste en l’orientation et le contrôle de la conduite du sujet dangereux par des fonctionnaires des organes en question.

2. Cette mesure est applicable aux alcooliques, toxicomanes et aux individus antisociaux.

3. La durée de ces mesures est de un an minimum et de quatre ans maximum.

Article 82.

Le tribunal peut imposer la mesure de sécurité pré-délictueuse en accord à l’indice correspondant, en fixant sa durée dans la limité indiquée selon chaque cas, et en choisissant celles qui impliquent ou non une détention selon la gravité de l’état de dangerosité du sujet et les possibilité de sa rééducation.

Article 83.

Au cours de l’exécution de la mesure de sécurité pré-délictueuse, le tribunal peut à tout moment changer la catégorie ou la durée de celle-ci ou la suspendre à la demande de l’organe chargé de son exécution ou d’office. Dans ce dernier cas, le tribunal sollicitera un rapport à l’organe d’exécution en question.

Article 84.

Pour son exécution, le tribunal communiquera aux organes de prévention de la Police Nationale Révolutionnaire les mesures de sécurité pré-délictueuses qui doivent s’accomplir en liberté.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2810.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Commission des droits humains et de la réconciliation nationale (CCDHRN), 9 mai 2005.

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[1L’article 80-1 sur les Mesures de Sécurité pré-délictueuses prévoit que : « Les mesures rééducatives sont : a) l’internement dans un établissement spécialisé de travail ou d’études ; b) la remise à un collectif de travail pour le contrôle et l’orientation de la conduite du sujet dangereux ».

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