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DIAL 3757 - Les restes trouvés seront analysés par l’Équipe argentine d’anthropologie médico-légale

ARGENTINE - Des restes humains ont été découverts sur le site du camp de concentration de La Perla

Luciana Bertoia

vendredi 31 octobre 2025, mis en ligne par Françoise Couëdel

En Argentine, les familles des personnes disparues pendant la dictature militaire (1976-1983) et les réseaux mobilisés pour la vérité et la justice continuent sans relâche leurs recherches. Fin septembre, des restes humains ont été découverts sur le site de l’ancien camp de concentration de La Perla dans la province de Córdoba et les recherches se poursuivent. Article de Luciana Bertoia publié par Página 12 le 26 septembre 2025.


La découverte a été annoncée par le juge Hugo Vaca Narvaja. L’annonce a suscité des espoirs importants au sein des familles de victimes du terrorisme d’État qui réclamaient ces recherches depuis longtemps.

La justice fédérale de Córdoba a fait savoir que des restes humains ont été découverts sur le lieu où a fonctionné le camp de concentration de La Perla entre 1976 et fin 1978. La découverte a eu lieu lors de la première semaine de travail de l’Équipe argentine d’anthropologie médico-légale (EAAF pour son sigle en espagnol) [1] dans cette zone et a suscité des espoirs importants au sein des familles de détenus-disparus qui réclamaient ces recherches depuis longtemps.

Dans une conférence de presse organisée ce matin, le juge fédéral Hugo Vaca Narvaja a fait savoir qu’ont été découverts des ossements qui seront analysés par l’EAAF pour savoir s’il est possible d’en extraire de l’ADN et d’établir ainsi s’ils appartiennent à des victimes du terrorisme d’État. Le travail vient de commencer et pourrait prendre des mois.

La Perla a été ouverte le 24 mars 1976 sur des terrains du Troisième corps de l’armée, situés le long de la Route 20 qui relie Córdoba à Villa Carlos Paz. Selon les Archives provinciales de la mémoire, entre 2000 et 2500 personnes y ont séjourné, et la majeure partie d’entre elles sont aujourd’hui encore au nombre des disparus.

Durant différents procès, la justice fédérale a établi que La Perla opérait sous le commandement du Détachement d’intelligence 141 de Córdoba. Certains détenus ont été exécutés sous la torture et d’autres ont quitté le centre encore vivants avant d’être fusillés. Ce chemin vers la mort était nommé par euphémisme « transfert ». Ceux qui étaient à l’intérieur entendaient un camion s’approcher, qui s’éloignait ensuite et revenait environ 30 minutes plus tard. « Cela permettait d’imaginer que le lieu d’exécution était à l’intérieur des terrains de la même garnison militaire », précise le verdict prononcé lors de ce très gros procès.

Quand s’est présentée la Commission inter-américaine des droits humains (CIDH) en septembre 1979, les militaires ont tenté d’occulter les preuves de leurs crimes. Comme l’a déclaré le répresseur Guillermo Bruno Laborda, durant les premiers mois de 1979, aurait eu lieu une opération de « nettoyage » pour retirer les corps des victimes.

Les enquêteurs ont obtenu récemment une image aérienne de juillet 1979 qui a permis de confirmer des retournements de terre à cette époque. Cette découverte a représenté une avancée pour une enquête qui dure depuis presque 20 ans, selon les déclarations du tribunal.

Le secteur où a fonctionné La Perla comprend 14 000 hectares ce qui en fait une zone difficile à aborder. Grâce aux témoignages recueillis au fil de dizaines d’année, aux aveux des bourreaux et aux images aériennes, les enquêteurs sont parvenus à délimiter une zone de recherche.

Les travaux de l’EAAF ont commencé le mardi de la semaine dernière [le 16 septembre]. Cette étape de la recherche comprend des travaux de prospection et de fouilles sur dix hectares et doit s’étaler jusqu’à fin novembre.

Les découvertes ont eu lieu le cinquième jour des fouilles. Dans leur communiqué, les expertes ont expliqué qu’elles ont découvert des restes d’ossements dispersés dans une terre qui avait été retournée et ont indiqué que le contexte des découvertes est compatible avec le fait que les restes puissent appartenir à des personnes disparues pendant la dictature même si elles ont précisé que, pour le moment, on ne peut pas parler de fosses communes.

Si elles ont bien souligné que le travail n’en est qu’à ses débuts, le secrétaire du tribunal, Miguel Ceballos, a mis en avant qu’ils étaient confiants sur le fait que les fouilles étaient bien conduites au bon endroit.

En 2014, à proximité de La Perla, dans les fours de la ferme La Ochoa, les anthropologues médico-légaux ont trouvé les restes d’ossement de quatre étudiants qui avaient été enlevés en décembre 1975. À l’époque La Perla n’était pas encore utilisé comme camp de concentration. La découverte a été rendue possible grâce au témoignage d’un baqueano, fin connaisseur de la zone.

Le juge Vaca Narvaja est intervenu aussi au cours du processus. « Quand on trouve les restes d’une personne et qu’on les identifie, elle cesse d’être une personne disparue. Il faut insister sur l’importance de mettre fin à cet état d’incertitude », a déclaré le juge.

Le procureur Facundo Trotta a demandé que ceux disposent d’informations pouvant faciliter la recherche les fournissent.

« La disparition forcée est un crime continu qui s’achève quand apparaissent les restes », a déclaré de son côté l’avocat Ramiro Fresneda qui représente une vingtaine de plaignants qui soutiennent les recherches ».

Au nombre d’entre eux se trouve Sara “Coca” Luján, 99 ans, qui veut savoir ce que la dictature a fait de son fils Raúl Mateo Molina, assassiné à La Perla le jour même de son enlèvement. Fresneda a rappelé qu’une autre des plaignantes, Graciela Geuna – survivante du camp de concentration et épouse d’un disparu – affirme qu’il est impossible de construire une démocratie sur des corps sans sépultures.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3757.
 Traduction de Françoise Couëdel pour Dial.
 Source (espagnol) : Página 12, 26 septembre 2025.

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[1L’Équipe argentine d’anthropologie médico-légale est une institution scientifique non-gouvernementale à but non lucratif – NdlT.

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