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DIAL 3142

ÉTATS-UNIS-AMÉRIQUE LATINE - La déception pourrait dériver en méfiance

Jim Lobe

dimanche 27 février 2011, par Dial

Jim Lobe, spécialiste de la politique étrangère des États-Unis, propose un rapide bilan de l’évolution des relations avec l’Amérique latine, à deux ans de la prise de fonction de Barack Obama. Article publié par IPS, d’abord en anglais le 12 janvier, puis en traduction espagnole (version courte, sans les derniers paragraphes). La version française publiée ici est abrégée de la même manière.


Alors que les fonctionnaires de l’administration états-unienne rejetaient la plainte du président sortant brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, qui a déclaré « que rien n’avait changé » dans les relations entre Washington et l’Amérique latine pendant le gouvernement de Barak Obama, des analystes indépendants partageaient cet avis.

La nouvelle administration « a très bien commencé, mais les choses n’ont pas évolué dans le bon sens » a estimé Abraham Lowenthal, expert des questions latino-américaines et président fondateur de InterAmerican Dialogue (« Dialogue interaméricain »), lors de sa participation début janvier à un forum organisé par la Brookings Institution, où il est chercheur associé.

Sur des questions clés, Obama n’a pas tenu les promesses faites au Sommet des Amériques de Trinidad-et-Tobago, en avril 2009, de tout faire pour « un rapprochement sur la base d’un respect mutuel » avec ses voisins du sud.

L’administration n’a pas avancé vers la normalisation des relations avec Cuba et n’a pas fermé la base militaire de la baie de Guantanamo. Elle a géré avec maladresse la situation lors du coup d’État de 2009 contre le Président hondurien Manuel Zelaya, elle n’a pas consulté la région sur un accord – avorté depuis lors – avec la Colombie pour accéder à ses bases militaires et a durement repoussé les efforts du Brésil pour réduire les tensions entre et l’Iran.

Le gouvernement d’Obama n’a pas non plus pu persuader le Congrès de promulguer une réforme migratoire complète et de nouvelles lois pour empêcher que les cartels de la drogue n’importent des armes depuis les États-Unis. Tout cela contribue à une croissante désillusion en Amérique latine, selon les experts latino-américanistes états-uniens.

« C’est plus qu’une désillusion » a estimé Lowenthal, coéditeur du nouveau livre publié par la Brookings Institution et intitulé Shifting the Balance : Obama and the Americas (« Modifier l’équilibre : Obama et les Amériques »).

En Amérique latine, on reconnait qu’il y a de grandes différences avec le gouvernement de George W. Bush (2001-2009), mais on parle beaucoup de « tromperie » de la part d’Obama, indique-t-il.

Selon les experts, cette désillusion, ou sensation d’avoir été trompé, pourrait s’aggraver dans les deux prochaines années, et ils ont indiqué que la nouvelle majorité d’opposition du Parti républicain à la Chambre des représentants états-unienne compliquera sûrement encore les relations dans l’hémisphère.

En fait, la nouvelle présidente du Comité des affaires étrangères de la chambre basse et leader anticastriste de Miami, la républicaine Ileana Ros-Lehtinen, a annoncé qu’elle s’opposerait à toute tentative d’Obama d’alléger l’embargo envers Cuba ou de réduire les tensions avec le Venezuela et ses partenaires de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), comme le Nicaragua et la Bolivie.

« Si Obama espérait réaliser des changements drastiques dans ses politiques, ce sera encore plus difficile maintenant » a expliqué à IPS Geoffrey Thale, directeur des programmes du Bureau de Washington sur l’Amérique latine (WOLA, pour les sigles en anglais).

« Il doit faire face à une Chambre des représentants républicaine qui fera probablement sonner le tambour chaque fois qu’elle le pourra quant à de potentielles menaces à la sécurité des États-Unis de la part du Venezuela, de l’Iran ou d’autres nouveaux membres de « l’axe du mal », ajoute-t-il. Du Congrès sortira un discours du genre « blanc ou noir » qui provoque l’antipathie chez presque tout le monde en Amérique latine.

De fait, un mémorandum publié ce mois-ci par le néoconservateur American Enterprise Institute et écrit par le principal conseiller de Bush pour l’Amérique latine, Roger Noriega, a appelé le Congrès à « soumettre le régime du Venezuela qui dépend du pétrole à des sanctions paralysantes, à moins qu’il ne change ses activités agressives et illégales ».

Le document intitulé « Agenda d’action pour l’Amérique latine pour le nouveau Congrès » accuse le président vénézuélien Hugo Chavez, entre autres choses, d’offrir à « l’État terroriste iranien une plateforme stratégique à partir de laquelle opérer près des côtes des États-Unis » et demande instamment d’adopter des sanctions contre l’entreprise d’État Pétroleos de Venezuela, SA (PDVSA) si elle ne prouve pas « qu’elle ne fait pas d’affaires avec l’Iran ».

Alors que le gouvernement et le Sénat, contrôlé par le Parti démocrate, n’ont pas une position claire de rejet de ces idées, les séances tenues au Congrès pour les promouvoir risquent de substantiellement déplacer le débat public vers la droite.

« Cela pourrait faire le jeu d’Hugo Chávez » a noté Ted Piccone, sous-directeur de politique extérieure à la Brookings Institution, qui considère aussi que les probabilités qu’Obama prenne de nouvelles mesures pour alléger l’embargo de Cuba – thème clef des relations dans l’hémisphère – sont désormais juste « légèrement supérieures à zéro ».

« Cuba change et nous sommes en train de rater le train. Nous sommes enlisés dans la mentalité de la Guerre froide et dans la politique de la Floride », a-t-il signalé.

De plus, les sièges gagnés par les Républicains au Congrès rendent virtuellement impossible l’adoption d’une réforme migratoire dans les deux prochaines années.

Mais le gouvernement d’Obama insiste sur le fait que les relations avec l’Amérique latine se sont améliorées, particulièrement, selon les mots du secrétaire d’État adjoint pour les affaires de l’hémisphère occidental, Arturo Valenzuela, ce qui a eu pour effet d’inverser la dangereuse dégradation de l’image des États-Unis qui s’était produite durant la dernière décade ».

Il a fait ressortir que les deux tiers de la population dans la majorité des pays latino-américains manifestent une attitude favorable envers Washington, « un accroissement de 10 à 20 points par rapport au niveau de 2008 » selon la dernière enquête du Latinobaromètre.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 3142.
 Traduction de Bernard & Jacqueline Blanchy pour Dial.
 Source : IPS, texte en anglais et en espagnol, 12 janvier 2011.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, les traducteurs, la source française (Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

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