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DIAL 3530

MEXIQUE - Paroles des femmes zapatistes lors de la clôture de la Deuxième Rencontre internationale de femmes qui luttent

Commandante Yesica

mercredi 29 avril 2020, par Dial

Les femmes de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) avaient convoqué à une Deuxième Rencontre de femmes qui luttent qui s’est tenue dans le caracol « Tourbillon de notre parole » (Chiapas), du 27 au 29 décembre. Nous publions dans ce numéro un bref texte de la journaliste et directrice du Programme des Amériques, Laura Carlsen, qui était présente lors de la rencontre, ainsi que les discours d’ouverture et de clôture de la rencontre. Ce discours a été publié sur le site Enlace Zapatista, d’abord dans sa version originale (espagnol) le 31 décembre 2019, puis en traduction française, le 27 janvier 2020.


Armée zapatiste de libération nationale
Mexique

Le 29 décembre 2019.

Compañeras et sœurs,

Nous tenons à dire et à formuler quelques mots en cette clôture de la Deuxième Rencontre internationale de femmes qui luttent.

Nous avons déjà entendu la parole des tables de travail et leurs propositions, ainsi que d’autres propositions qui sont faites.

Ces propositions et d’autres qui apparaîtront quand vous serez dans vos géographies et que vous repenserez et réfléchirez dans votre cœur à ce que nous avons vu ici et écouté ces jours-ci, nous allons chercher une façon de faire pour que toutes celles qui ont assisté à la rencontre, et surtout celles qui n’ont pas pu venir, puissent en prendre connaissance, donner leur opinion et avoir leur mot à dire.

Nous pensons que c’est important parce que, si nous ne nous écoutons pas les unes les autres, ça ne sert à rien de le faire, parce que cela veut dire que nous ne sommes pas des femmes qui se battent pour toutes les femmes mais seulement pour notre propre idée, notre groupe ou notre organisation.

Cela semble facile de dire que nous devons penser et réfléchir aux propositions, mais c’est difficile car même pour cela il faut s’organiser.

Nous vous proposons donc ce premier accord :

 1. Que toutes nous fassions et prenions connaissance des propositions qui nous viennent à l’esprit au sujet des violences contre les femmes, c’est-à-dire des propositions pour mettre fin à ce grave problème que nous avons en tant que femmes.

Vous êtes d’accord ?

Bon, à l’heure où nous préparons ce message nous ne savons pas si vous répondez que vous êtes d’accord ou pas.

Mais si nous sommes d’accord, nous avons donc un an, sœur et compañera, pour avancer dans ce travail.

Il ne faudrait pas que l’an prochain nous nous réunissions et que se poursuive la violence contre les femmes sans que nous ayons des idées et propositions sur comment la faire cesser.

***

Autre chose que nous voulons dire et que nous avons écouté attentivement comme femmes zapatistes, ce sont les dénonciations qui ont été faites ces derniers jours.

Il nous paraît incroyable, compañera et sœur, qu’on parle tellement du progrès, de la modernité et du grand développement qu’il y a dans ces mondes, et qu’il n’y ait même pas quelqu’un qui ait un peu d’humanité pour s’émouvoir des malheurs, des douleurs et des désespoirs qui ont été exprimés, plus ceux qui ne l’ont pas été.

Comment est-ce possible qu’une femme avec ces douleurs, ces peines, ces colères, ces rages doive venir jusque dans ces montagnes du sud-est mexicain pour recevoir le minimum que l’on se doit entre femmes, une accolade de soutien et réconfort.

Peut-être que la femme qui n’a pas souffert de violence pense que ce n’est pas important, mais quiconque qui a un peu de cœur sait que cette accolade, ce réconfort, est une manière de dire, de communiquer, de crier que nous ne sommes pas seules.

Et tu n’es pas seule, compañera et sœur.

Mais cela ne suffit pas.

Ce n’est pas seulement du réconfort dont nous avons besoin et que nous méritons.

Nous avons besoin et méritons vérité et justice.

Nous avons besoin et méritons de vivre.

Nous avons besoin et méritons d’être libres.

Et tout cela qui nous est si nécessaire, nous pourrons peut-être le conquérir si nous nous soutenons, nous protégeons et nous défendons.

C’est le message que nous ont donné les insurgées et miliciennes :

Répondre à l’appel de la femme qui demande de l’aide,

La soutenir.

La protéger.

Et la défendre avec ce que nous avons.

Alors nous demandons aux insurgées et miliciennes de nous répéter leur message.


(Les miliciennes et insurgées réalisent leur exercice)


Merci à nos compañeras insurgées et miliciennes qui ont pris soin de nous, nous ont protégées et défendues durant les journées de la rencontre.

Nous vous faisons donc part ici de notre deuxième proposition d’accord :

 2. Que si n’importe quelle femme dans n’importe quelle partie du monde, de n’importe quel âge, de n’importe quelle couleur de peau demande de l’aide parce qu’elle est attaquée avec violence, nous répondions à son appel et cherchions la manière de la soutenir, de la protéger et de la défendre.

Vous êtes d’accord ?

Bon, quand nous écrivons ce message nous ne connaissons pas votre réponse, mais nous poursuivons.

Sœur et compañera, pour nous défendre, nous protéger et nous soutenir, nous devons être organisées, nous le savons.

Et nous savons aussi que chacune a son mode d’organisation.

Mais si chaque organisation ou groupe ou collectif de femmes qui luttent se mobilise de son côté, ce n’est pas la même chose que s’il se mobilise en accord et coordination avec d’autres groupes, collectifs et organisations.

Et pour ces accords et coordinations, nous devons être en contact, nous prévenir mutuellement, discuter entre nous, et nous mettre d’accord.

Alors nous vous disons ici notre troisième proposition d’accord :

 3. Que tous les groupes, collectifs et organisations de femmes qui luttent qui veulent se coordonner pour des actions communes, nous échangions des manières de communiquer entre nous, que ce soit par téléphone, Internet ou autre.

Vous êtes d’accord ?

Bon, nous avons déjà entendu votre réponse.

Une dernière chose avant de terminer et de clôturer cette Deuxième Rencontre internationale de femmes qui luttent.

C’est à propos du calendrier.

Nous savons que peu importe le jour, la semaine, le mois ou l’année, dans quelque endroit du monde, il y aura une femme qui a peur, qui est agressée, qui est portée disparue ou qui est assassinée.

Nous avons déjà dit qu’il n’y a pas de repos pour les femmes qui luttent.

Alors nous voulons faire ici, et à travers celles qui nous écoutent ou nous lisent ou nous regardent, une proposition d’action conjointe.

Cela peut être n’importe quel jour de l’année, car nous connaissons déjà la nature du système patriarcal qui nous violente sans cesse.

Mais nous proposons que cette action conjointe des femmes qui luttent partout dans le monde soit le 8 mars 2020.

Nous proposons que ce jour-là chaque organisation, groupe ou collectif fasse ce qu’il pense être le mieux.

Et que chacune nous portions la couleur ou le signe qui nous identifie, selon la pensée et la manière de faire de chacune.

Mais que toutes nous portions un ruban noir en signe de douleur et de peine pour toutes les femmes disparues et assassinées partout dans le monde.

Pour qu’ainsi nous leur disions, dans toutes les langues, dans toutes les géographies et calendriers :

Qu’elles ne sont pas seules.

Que leurs absences laissent un vide.

Qu’elles nous manquent.

Que nous ne les oublions pas.

Que nous avons besoin d’elles.

Parce que nous sommes des femmes qui luttent.

Et nous ne nous vendons pas, nous ne nous rendons pas et nous ne cédons pas.

***

C’est ce que nous voulions te dire, sœur et compañera.

Nous te demandons que tu prennes grand soin de toi dans ton voyage de retour à ta géographie.

Nous te souhaitons de rentrer sans encombre.

Nous t’invitons à te souvenir de ce que fut cette rencontre.

Et souviens-toi toujours qu’ici, dans les montagnes du sud-est mexicain, tu nous as nous, femmes qui sont zapatistes, et que, comme toi, nous sommes des femmes qui luttent.

Alors, au nom des femmes zapatistes de tous les âges, et à ____, heure zapatiste, du 29 décembre 2019, je déclare formellement terminée cette Deuxième Rencontre internationale de femmes qui luttent, ici dans les montagnes du sud-est mexicain.

Du semencier « Traces des pas de la commandante Ramona », caracol « Tourbillon de notre parole », montagnes zapatistes en résistance et rébellion.

Commandante Yesica.
Mexique, 29 décembre 2019.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3530.
 Traduction publiée sur le site Enlace Zapatista et reprise, légèrement modifiée, sur le site La voie du jaguar. Traduction ponctuellement modifiée par Dial.
 Sources (français) : Enlace Zapatista, 27 janvier 2020 ; La voie du jaguar, 30 janvier 2020.
 Texte original (espagnol) : Enlace Zapatista, 31 décembre 2019.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’autrice, la source française originale (Enlace Zapatista - http://enlacezapatista.ezln.org.mx) et l’adresse internet de l’article.

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