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Décolonialité et approche de la mobilité humaine transfrontalière

Guillermo Castillo Ramírez

mercredi 16 mars 2022, mis en ligne par Guillermo Castillo Ramírez

L’objectif macro et les perspectives qui annulent et rendent invisibles les migrants

Depuis plusieurs décennies et notamment à partir de diverses frontières académiques, les migrations internationales contemporaines ont été expliquées comme des processus macro issus de dynamiques sociopolitiques (comme les conflits armés et les contextes de violence, etc.), environnementales (avec les impacts de phénomènes comme les ouragans, les sécheresses, tremblements de terre, etc.), et surtout économiques (comme la détérioration de la production et les bas salaires dans les pays d’origine et la demande de main-d’œuvre et de travail précaire et mal rémunéré dans les lieux de destination pour réduire les coûts de production).

En ce sens, il est nécessaire de renforcer et de diffuser des approches qui, sans oublier les déterminants politiques historiques et les facteurs structurels de la migration, reconnaissent la centralité et l’agence des sujets sociaux migrants concernés. Il s’agit de replacer les migrants comme protagonistes de ces mobilités humaines transfrontalières dans l’axe d’analyse, comme l’ont fait les perspectives de la sociologie politique des migrations de Sayad et, plus récemment, les approches de l’autonomie des migrations et luttes des migrants.

Visions décoloniales et migrations transfrontalières

À partir d’approches qui récupèrent des réflexions décoloniales dans le traitement des migrations et la production des savoirs au sens large, il faut reconnaître quels sont les ordres et les cadres structurels qui génèrent les contextes d’expulsion, liés aux rapports de force et de subordination patrimoniale coloniale (internes et externes), ainsi que des processus de subordination et d’exclusion dus à l’apparence physique, à l’ethnicité, à la classe et aux pratiques culturelles des migrants. Et ceci au niveau des pays d’origine, de transit et de destination, et en considérant différentes échelles (locale, nationale, régionale et mondiale).

Il est également nécessaire de retracer et d’expliciter quelles sont, et surtout du point de vue des sujets, les causes et les motivations que les migrants évoquent pour quitter leur domicile. Ceci dans un exercice délibéré, et convenu avec des sujets sociaux, pour rendre visible et peser les voix des migrants, ainsi que leurs expériences, récits et pratiques. De cette manière, il s’agit de comprendre la migration, non seulement et uniquement en tant que résultat des processus économiques et sociopolitiques macro et structurels du capitalisme néolibéral, mais aussi en tant qu’actions et stratégies des migrants pour surmonter les conditions de vie défavorables qu’ils ont.

Dans ce cadre d’idées, et conformément à ce que soulignait Linda Tuhiwai Smith dans Decolonizing Methodologies : Research and Indigenous Peoples [Décoloniser les méthodologies : Recherche et peuples autochtones], des paris s’imposent pour prendre ses distances avec des approches et des perspectives théoriques qui annulent la capacité de décision et d’action des sujets sociaux – les migrants – (comme le déterminisme économique), ou les approches et perspectives qui les excluent et/ou les marginalisent (par exemple, la lecture de l’État national de citoyenneté et des non-ressortissants comme des étrangers).

Stratégies pour la centralité des voix et des actions des migrants

Pour cela, il s’agit de produire des textes et des dispositifs culturels et sociopolitiques qui, au-delà de l’analyse des processus et des parcours migratoires, contribuent à rendre visibles et, dans une certaine mesure, à questionner et à améliorer les conditions d’existence des personnes en mobilité transfrontalière. Cela permet de contrecarrer et de critiquer les discours et les récits qui déshumanisent, font taire, rendent invisibles et nient les pratiques des migrants en tant que sujets sociaux ayant leurs propres intérêts et capacités d’action. En ce sens, il y a deux projets qui pointent dans ces directions.

Il s’agit des initiatives d’humanisation de la déportation et du projet de cartographie polyphonique des (im)mobilités dans les Amériques, qui cherchent à mettre en lumière les expériences, les récits et les stratégies de divers groupes humains dans des contextes d’irrégularité migratoire et frontalière. Les deux projets, à partir de leurs propres particularités, s’interrogent ouvertement sur les actions des migrants pour surmonter des situations très défavorables, montrant leur capacité d’action et leur désir d’avoir une vie meilleure.

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