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DIAL 2989

BRÉSIL - Le combat des cueilleuses de babassu

Peuples solidaires

samedi 1er mars 2008, mis en ligne par Dial

Voici le texte de présentation de l’appel n°313 de Peuples solidaires (26 décembre 2007-28 février 2008). Nous le republions ici même si le délai de réponse est, en principe, dépassé. Ce texte, qui présente la lutte des cueilleuses de noix de coco babaçu, revient, plus en profondeur, sur l’une des réalités évoquées dans l’article publié dans le numéro de février, « BRÉSIL - Une histoire de résistance ». Vous pouvez répondre à l’appel et envoyer des lettres ou des courriels à Arlindo Chinaglia, président de la Chambre des députés brésilienne pour que le Congrès entame la discussion du projet de loi, ainsi qu’au Mouvement interétatique des briseuses de babassu (MIQCB) pour leur exprimer votre soutien. Pour plus de détails voir la page de l’appel sur le site de Peuples solidaires.


Au Nord du Brésil, en bordure de la forêt amazonienne, la survie de centaines de milliers de femmes et de leurs familles est menacée par de grands exploitants qui entravent leur accès à la ressource naturelle qu’elles utilisent depuis plusieurs générations, un palmier indigène appelé « babassu ». Cet arbre, qui recouvre 18 millions d’hectares dans cette région du Brésil, et dont les noix sont utilisées pour fabriquer de nombreux produits comme l’huile, le savon ou encore la farine, a permis aux familles pauvres de la région de subvenir à leurs besoins pendant de nombreuses années. On estime qu’encore aujourd’hui, elles sont 400 000 à survivre en récoltant, cassant et vendant des noix de babassu. Elles sont appelées les quebraderas (briseuses de babassu). Mais depuis la seconde moitié du siècle dernier, lorsque les grands propriétaires terriens ont commencé à expulser les fermiers pauvres et leurs familles, dont la plupart ne pouvaient prouver que les terres qu’ils cultivaient depuis des décennies leur appartenaient, l’accès de ces femmes à cette ressource n’a cessé d’être menacé.

« Le palmier est une ressource indigène. Les grands propriétaires terriens n’achètent pas de babassu. Ils ne s’intéressent qu’au terrain », explique Antonia Vieria de Sousa, une cueilleuse de noix de quarante ans. Sa collègue, Domingas Fátima Freitas, de la communauté Jatobá dans l’État de Piauí, explique les implications de l’incinération du babassu : « Tout le monde est au chômage dans les endroits où l’on incinère les noix de babassu dans leur totalité. Seules six personnes engagées pour les récolter et les brûler ont du travail. Les femmes sont en train de se ruiner. Si les compagnies continuent à brûler le babassu, les femmes vont cesser d’être des briseuses de babassu et redeviendront de simples employées comme dans le passé. À cette époque, nous passions six heures à récolter 10 kg de babassu. Nous devions en donner cinq kilos au propriétaire du terrain pour gagner 26 dollars à la fin de la journée. À quoi ressemblera la forêt dans quelques années si les compagnies récupèrent toutes les coquilles de babassu pour les brûler ? Nous savons que nous devons préserver le babassu pour en vivre. Ça, les grandes compagnies s’en fichent ».

Le mouvement des briseuses de babassu

Elles sont des centaines de milliers, dans les États de Maranhão, Piauí, Tocantins et Pará, à vivre sur de petites parcelles de terre et à se battre pour nourrir leur famille. Avec les noix de babassu, elles fabriquent de l’huile, du savon, de la farine, du charbon, des toits, des paniers, des éventails et d’autres objets d’artisanat local. Mais depuis quelques années, le babassu n’est plus une source de revenu accessible et abondante. La majorité des palmiers se trouvent en effet sur des terres privées et les femmes n’ont actuellement accès qu’à la moitié des noix qu’elles récoltaient auparavant. Leur commerce est devenu précaire et leur futur incertain.

Encouragés par des pratiques gouvernementales injustes, les nouveaux propriétaires terriens arrachent les palmiers, pour y élever du bétail. En outre, ces dernières années, avec le développement de l’agrobusiness, de nouvelles menaces sont apparues, comme l’élimination des arbres babassu en faveur de la culture du soja ou de la production d’agro-carburants. L’intérêt que l’industrie de la métallurgie porte aux coquilles de noix comme combustible végétal augmente également la demande de cette précieuse ressource naturelle. Or, l’incinération de la noix dans sa totalité restreint et empêche d’autres utilisations essentielles, comme la transformation en huile, savon ou farine. Et comme les coquilles ont désormais plus de valeur que la noix, les femmes sont, une fois de plus, écartées du marché.

Après des années de conflit entre les fermiers et les grands propriétaires, les femmes ont toutefois osé se battre pour le babassu. Elles ont fondé des organisations qui représentent leurs intérêts, améliorent leurs conditions de travail et commercialisent leurs produits. Elles se sont également organisées pour lutter contre la pauvreté et défendre leurs droits. Ainsi, au début des années 90, elles ont organisé la première réunion interétatique de cueilleuses de noix de babassu et en 2001, elles ont créé le Mouvement interétatique des briseuses de babassu [1]. L’objectif de ce mouvement a d’abord été de reconnaître politiquement le travail des noix de babassu comme une activité économique à part entière, et en même temps, comme une source de pouvoir politique et personnel pour les femmes, ainsi qu’une lutte pour la protection de l’environnement. Aujourd’hui, en essayant de protéger ces arbres, ce mouvement défend le droit de ces femmes à vivre sur la terre de leurs ancêtres et par extension, leur droit à l’alimentation.

Une loi pour protéger le babassu

Ces cinq dernières années, des avancées ont ainsi été obtenues. Les femmes ont trouvé un moyen de contrer juridiquement les pratiques des grands propriétaires terriens, notamment par l’adoption d’une loi pour protéger le babassu. Cette loi permet aux cueilleuses de babassu d’accéder librement aux palmiers, même s’ils se trouvent dans une propriété privée. Elle garantit aux briseuses le droit d’utiliser librement ces noix pour nourrir leur famille et contribuer à l’économie de la communauté. Cette loi garantit également la préservation de l’arbre babassu, en interdisant la déforestation, l’utilisation de pesticides et l’exploitation de cultures qui lui sont néfastes. Cette loi est actuellement en vigueur dans 13 municipalités, dans trois des cinq États où pousse le babassu (Maranhão, Tocantins et Pará). Mais, faute d’accord au niveau national, elle ne garantit pas suffisamment sa protection. Ce que réclament les briseuses de babassu brésiliennes, c’est donc que cette loi soit garantie dans toutes les municipalités et dans tous les États concernés, par le biais d’une législation nationale. Une proposition de loi nationale a été présentée au Congrès. Soutenez les briseuses de babassu en demandant aux autorités brésiliennes son adoption.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2989.

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[1Movimiento Interestadual das Quebraderas de Coco Babaçu (MIQCB).

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