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DIAL 2282

BRÉSIL - les chercheurs d’or menacent la souveraineté et la survie du peuple yanomami

Luis Jesús Bello

lundi 1er mars 1999, par Dial

Depuis quelque temps, les garimpeiros - chercheurs d’or ou orpailleurs - appuyés et encouragés par la classe politique de l’État de Roraima au Brésil, ont recommencé à exploiter l’or dans les forêts habitées par les Yanomami, envahissant leur habitat, détruisant les sources des principales rivières et les vastes étendues de forêt, contaminant l’environnement et s’attaquant aux communautés qui vivent dans la zone. Article de Luis Jesús Bello, paru dans SIC, juillet 1998


À partir des années 80, on a commencé à dénoncer la grave situation dont souffre le peuple yanomami au Venezuela et au Brésil, en conséquence de l’invasion de ses terres par des mineurs d’or clandestins communément appelés garimpeiros. Outre le fait de détruire la forêt en causant de graves dommages à l’environnement, ceux-ci ont commis de nombreux crimes et exactions contre les Yanomami et ont introduit diverses maladies qui ont causé la mort de plus de 2 000 d’entre eux dans les deux pays. Malgré cela, les gouvernements du Venezuela et du Brésil n’ont pas pris de mesures vraiment efficaces pour les expulser d’une manière définitive et faire face à la grave situation de santé des Yanomami, ce qui a transformé le problème en une situation à la fois permanente et cyclique.

Invasion des garimpeiros dans le territoire yanomami

Les garimpeiros brésiliens qui ont envahi le territoire yanomami et menacent la vie et les possibilités de survie de ce peuple ont été expulsés à différentes occasions. Mais ces expulsions ont été faites au coup par coup et non définitivement : les garimpeiros, appuyés et encouragés par la classe politique de l’État de Roraima au Brésil se sont mis après quelque temps à exploiter de nouveau l’or dans les forêts habitées par les Yanomami, envahissant leur habitat, détruisant les sources de leurs principales rivières et de vastes étendues de forêt, contaminant l’environnement et s’attaquant aux communautés qui vivent dans la zone. La majorité des opérations d’expulsion n’ont pas été effectuées de manière conjointe : en effet, chaque fois que le Brésil réalise une opération de ce genre, les garimpeiros se réfugient dans le territoire vénézuélien où les autorités n’exercent pas de contrôle permanent ni ne réalisent non plus d’opérations fréquentes de surveillance ; c’est pourquoi le problème de la présence garimpeira en territoire vénézuélien est devenue cyclique.

Selon des données de la Fondation nationale de l’Indien (FUNAI, Brésil) et d’organisations non gouvernementales qui travaillent dans la zone en 1997, il y avait approximativement 3 000 garimpeiros entre le Venezuela et le Brésil, travaillant des deux côtés de la frontière dans la zone où vivent les Yanomami. Des informations précises signalaient la présence massive de garimpeiros dans les zones de la rivière Mucajaí, près des sources du fleuve Orénoque et du lieu du massacre de Haximú, dans les zones de Xidea, Honioxi, Paapiu, Couto de Magalhaes et du Haut Catrimani, où les mineurs travaillaient sur des radeaux. Dans ce sens, il a été dit que « des Yanomami de la région des sources de la rivière Mucajaí maintiennent des contacts avec des groupes de garimpeiros qui travaillent à la frontière du Venezuela, aux sources du fleuve Catrimani et de l’Orénoque. Ils se procurent des munitions et les utilisent dans des conflits tribaux. » [1]

Le gouvernement du Brésil, à travers la FUNAI, a indiqué qu’il n’avait pas les moyens pour réaliser dans cette zone des opérations de contrôle et d’expulsion ; c’est pourquoi toute activité de contrôle a été suspendue depuis 1996. Le gouvernement du Venezuela n’a pas non plus effectué d’opérations de surveillance et d’expulsion. C’est seulement fin novembre 1997 que la FUNAI a commencé une nouvelle opération d’expulsion de garimpeiros dans la zone yanomami, après de multiples dénonciations et pressions des organisations non gouvernementales.

Dans le cadre du premier Séminaire international des peuples indigènes du Brésil, du Venezuela et de la Guyane, qui a eu lieu du 27 au 30 août 1997 à Boa Vista (Brésil), les dirigeants yanomami des deux pays se sont prononcés sur les graves problèmes dont souffre le peuple yanomami, comme conséquence de l’invasion permanente de son territoire de la part de milliers de garimpeiros. Dans cette réunion, selon José Seripio, leader yanomami de Mavaca, au Venezuela, « les garimpeiros ont envahi les communautés yanomami. C’est pourquoi, nous les Yanomami, nous ne voulons pas qu’ils entrent sur nos territoires, parce qu’ils introduisent des maladies et détruisent notre terre. Où allons-nous travailler ? Où allons-nous faire nos jardins ? Où allons-nous chasser ? Pour cela, nous les Yanomami, nous demandons au gouvernement qu’il surveille ce territoire et qu’il fasse sortir les garimpeiros. Nous sommes les maîtres de la terre ; nous, nous ne vivons pas de l’argent, mais de la terre d’où nous tirons notre subsistance et notre nourriture. » [2]

De son côté, David Kopenawe, leader yanomami connu du Brésil, a signalé dans ce séminaire que « les gouvernements du Brésil, du Venezuela et de la Guyane se sont alliés pour faire ensemble des projets et détruire notre terre. Nous tous ici voulons savoir qui fait cela, qui détruit notre terre. Le gouvernement du Brésil ? Le gouvernement du Venezuela ? Nos gens et nos enfants souffrent, nous ne pouvons pas laisser détruire notre terre, parce qu’elle est ce qui est le plus important. Il existe une seule planète pour tous. Ici en Amazonie, tout le monde veut mettre la main dessus. L’argent ne sert à rien, l’argent nous fait souffrir. Le plus important, c’est la vie de notre peuple... » [3]

Grave situation sanitaire

Il est important de faire remarquer que le plus grand problème que vivent les Yanomami dans le Haut Orénoque est une situation sanitaire critique. La mortalité parmi les Yanomami dans la zone est due essentiellement à des maladies épidémiques et contagieuses, comme le paludisme, l’hépatite virale B, les helminthiases et les diarrhées, qui sont en relation avec la présence des garimpeiros. Pendant ces dernières années, il y a eu une augmentation croissante des indices de mortalité dans la population yanomami, due aux cas chroniques d’hépatite B et de paludisme. De nombreux Yanomami sont morts à cause de l’augmentation du paludisme et de l’absence de traitement. Selon des données épidémiologiques de la Direction de malariologie, il y a eu en 1997 une augmentation du paludisme de 35,2 % par rapport à l’année précédente. D’après des données fournies par des médecins du district sanitaire du Haut Orénoque, la mortalité chez les enfants yanomami de moins de 3 ans se situe entre 30 et 50 %, selon la zone.

Pendant ce temps-là, les organismes de l’État ne prennent toujours pas de mesures effectives pour contrôler les graves problèmes sanitaires et structuraux vécus dans cette zone. Les organismes de santé n’ont pas fourni assez de moyens au district sanitaire du Haut Orénoque, les médicaments sont toujours insuffisants et livrés de manière irrégulière, les médecins présents dans cette région manquent de moyens de transport adéquats et de carburant pour se déplacer dans la zone, les dispensaires et les logements pour les médecins se trouvent dans de très mauvaises conditions de fonctionnement.

Massacres des Yanomani de Haximú

En décembre 1996, un groupe d’organisations des droits de l’homme, dont le Bureau des droits de l’homme du Vicariat, le Programme vénézuélien d’éducation action en droits de l’homme (PROVEA), le Centre pour la justice et le droit international (CEJIL) et Human Rigths Watch/Americas ont dénoncé devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) le massacre de Haximú, où ont été assassinés 16 indigènes yanomami par des garimpeiros brésiliens. Dans la dénonciation sont signalées les responsabilités de l’État vénézuélien dues au non respect du devoir de protection établi dans la Convention américaine des droits de l’homme. On mentionne aussi, dans cette affaire, le manque de prévention devant les actions des garimpeiros et l’absence d’enquête effective et de sanctions des responsables.

Dans la requête présentée, il est signalé que « l’État vénézuélien n’utilise pas l’appui et la surveillance aérienne, mais réalise seulement des opérations sporadiques. Les garimpeiros arrêtés sur le territoire yanomami et inculpés par les tribunaux vénézuéliens ont été libérés après que le président Caldera leur eût accordé une grâce présidentielle. Situation qui montre la tolérance du gouvernement vénézuélien envers la conduite des garimpeiros brésiliens. » [4]

Le 10 octobre 1997, a eu lieu une audience devant le Tribunal avec la CIDH au siège de l’Organisation des États américains (OEA) à Washington où les deux parties ont présenté leurs argumentations. Pendant le débat, les « dénonciateurs » ont signalé que la situation d’abandon où se trouvent les Yanomami et qui est à l’origine du massacre, était permanente. Plus de 4 ans après, l’enquête avait été totalement incapable d’établir les faits et de sanctionner les responsables du massacre ; l’état d’abandon continue sur la zone sans qu’on ait pris des mesures réellement efficaces pour éviter la présence des mineurs clandestins et les agressions contre les Yanomami.

Lors de cette audience, a été présentée un constat délivré par le Tribunal fédéral de Boa Vista au Brésil le 30 septembre 1997 dans lequel on signale que quelques-uns des garimpeiros qui ont assassiné les membres de Haximú en 1993, travaillaient dans le garimpo (mine d’or) au Venezuela. Il a été donné acte que « les autres accusés n’ont pas encore été arrêtés, car Eliezio Monteiro Neri se trouve dans le garimpo appelé « Pista Bandereinante », dans la zone yanomami, Francisco Alves Rodríguez se trouve dans le garimpo au Venezuela et Juvenal Silva n’a pas été localisé selon les informations de la Police fédérale. » [5]

Dans cette affaire, la CIDH a proposé, aussi bien au gouvernement vénézuélien qu’aux dénonciateurs, d’initier une procédure de solution à l’amiable. Le 15 octobre 1997, ces derniers ont manifesté leur accord, moyennant les bons offices de la CIDH pour cette procédure et le 22 octobre, la CIDH en a transmis l’information au gouvernement.

En janvier 1998, des informations apparues dans la presse nationale signalaient que les garimpeiros faisaient de nouveau travailler les Yanomami de Haximú dans des mines clandestines et dans des travaux pour l’ouverture de pistes d’atterrissage, ce qui mettait en danger la vie des survivants. En avril 1998, le gouvernement vénézuélien a finalement accepté cette procédure de solution à l’amiable, et actuellement les dénonciateurs travaillent sur les différentes propositions de solution, conjointement avec des représentants de la CIDH.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2282.
 Traduction Dial.
 Source (portugais) : SIC, juillet 1998.
 
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la source française (Dial - http://www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

responsabilite


[1Commission pro-Yanomami (CCPY), Update 91, São Paulo (Brésil), février 1997, p. 2.

[2Bulletin Sendas de vida y justicia en Amazonas, Oficina de Derechos Humanos del Vicariato Apostólico (Sentiers de vie et Justice en Amazonie, Bureau des droits de l’homme du vicariat) de Puerto Ayacucho, année 5, n° 16, juillet-septembre 1997, page 6.

[3Idem.

[4Bureau des droits de l’homme du vicariat de Puerto Ayacucho et autres. Texte des observations en réponse à l’État vénézuélien dans l’affaire du massacre des Yanomami de Haximú, CIDH, 26 août 1997.

[5Tribunal fédéral de Grande Instance de l’État de Roraima (Brésil) : constat dans la procédure n° 93 0000574-0, 30 septembre 1997.

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