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HONDURAS - Les droits humains survivront-ils à l’ère de Rex Tillerson ?
Organisation fraternelle noire du Honduras (OFRANEH)
lundi 5 mars 2018, mis en ligne par
Ceiba, lundi 26 février 2018.
L’Amérique latine doit affronter, aujourd’hui plus que jamais, une offensive de l’élite ultraconservatrice au pouvoir qui fait des ravages sur le continent, en imposant des régimes soumis à son agenda économique, avec la bénédiction des États-Unis.
Le 1er février, Rex Tillerson – tsar de la politique extérieure états-unienne – depuis l’Université du Texas a relancé la Doctrine Monroe, dans un discours prononcé un an après avoir accepté la charge de Secrétaire d’État et après avoir occupé, durant une décennie, le poste de président de la compagnie pétrolière Exxon.
Le discours a simplement confirmé ce que nous savions tous. L’administration de Donald Trump a tombé le masque concernant sa vision colonialiste de l’Amérique latine, à la différence des administrations gouvernementales précédentes qui préservaient les apparences pour ce qui est du respect des droits humains.
« L’Amérique pour les Américains », dit en substance la doctrine Monroe qui a été élaborée en 1825 par John Quincy Adams, sous l’administration de James Monroe. En 1880, les États-Unis émirent le Corollaire Rutherford Hayes qui indiquait que « pour éviter l’ingérence d’impérialismes extracontinentaux en Amérique, les États-Unis devaient exercer le contrôle exclusif sur tout canal interocéanique qui serait construit ».
En 1904, le président des États-Unis de l’époque, Theodore Roosevelt, émit le « Corollaire de 1904 », connu sous le nom de corollaire Roosevelt, qui établissait que « si un pays européen menaçait ou mettait en péril les droits et les propriétés des citoyens ou des entreprises états-uniens le gouvernement des États-Unis était dans l’obligation d’intervenir dans les affaires de ce pays pour rétablir l’ordre ». Cette décision fut prise suite au bombardement de Maracaibo, port qui fut assiégé par la flotte allemande, comme moyen de pression pour obtenir le paiement de la dette que le Venezuela avait contractée auprès de l’Allemagne. Ce corollaire était connu sous le nom de la politique du Gros bâton (Big stick) ; il précisait en outre que les États-Unis étaient dans l’obligation d’intervenir dans des pays « insensés » pour rétablir l’état de droit. En 1928, les États-Unis émirent le Memorendum Clark, rédigé par Calvin Coolidge, qui envisageait l’usage de la force militaire pour intervenir dans les nations latino-américaines.
Dans le discours de Rex Tillerson, l’évocation de la Doctrine Monroe a été claire comme un des axes de la politique extérieure des États-Unis en Amérique latine au XXIe siècle. Au-delà des accents néocoloniaux, il a établi la différence entre « la démocratie » des nations acquises au gouvernement de Trump et le régime des opposants supposés. Tillerson, à la fin de son discours, fut pris à partie par un membre de l’assistance sur le cas du Honduras auquel il a répondu « il n’y a pas de comparaison possible entre le processus électoral qui s’est déroulé au Honduras et le processus électoral qui est en cours au Venezuela. Ils sont très éloignés l’un de l’autre ».
Il est intéressant que Tillerson prétende que le Honduras soit un modèle de démocratie, alors que le pays a été qualifié, dans une étude réalisée par le Carnegie Endowment for International Peace, de lupanar et que nombre de membres de l’élite politique et de leurs familles défilent devant les cours de justice des États-Unis, accusés d’être impliqués dans le narcotrafic, sans compter que les membres de la police nationale sont accusés d’être des tueurs à gage et des trafiquants de drogue, tandis que dans le pays, au cours des huit dernières années, ont été décomptés plus de 400 massacres et que le nombre de morts dépasse les 50 000.
La perception réelle, par une bonne part du peuple du Honduras, est que nous vivons dans un État plus en décomposition qu’en faillite, dans lequel la nécropolitique s’est institutionnalisée, la terreur et l’absence d’état de droit étant les ingrédients du cauchemar que nous vivons.
À quelques jours du deuxième anniversaire de l’assassinat de notre sœur Berta Caceres, évènement auquel ont participé, comme auteurs matériels, depuis l’instructeur de la Police militaire jusqu’aux dirigeants de l’entreprise d’énergie DESA, l’application de la justice semble très éloignée. L’État se refuse à inculper les auteurs matériels du crime au nombre desquels, apparemment, figurent des banquiers et même des fonctionnaires de l’État.
Le chiffre de plus de 120 défenseurs de l’environnement, assassinés dans le pays depuis 2010, est un indicateur de la guerre ouverte qui est déclarée contre le peuple du Honduras de la part de l’actuel parti au pouvoir, celui qui non seulement a saigné le pays mais a pris d’assaut les institutions pour échapper à toute application de la justice.
Avec ce discours prononcé par Tillerson, dans sa propre patrie, avant sa première tournée en Amérique latine, il est clair qu’à l’ère de Trump-Tillerson, la politique des droits humains, lancée par le président Carter, est enterrée et que la priorité est donnée aux intérêts économiques de l’empire. Les humains de droite ont le dernier mot sur les droits humains.
Source (espagnol) : https://www.alainet.org/es/articulo/191264