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CUBA - Le défi démographique : l’absence de jeunes en âge de travailler

Laura Becquer

lundi 20 mars 2023, mis en ligne par Françoise Couëdel

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26 février 2023 - L’île est le pays dont la population est la plus vieillissante de toute l’Amérique latine et de la Caraïbe, deux cubains sur dix (21,9%) ont au minimum 60 ans

Cuba est a un tournant crucial au milieu d’une des plus grandes crises économiques de son histoire : comment se relever quand la société vieillit rapidement et ne peut pas compter sur des forces jeunes pour produire.

L’île est le pays le plus vieillissant de l’Amérique latine et de la Caraïbe. Deux cubains sur dix (21,9%) ont au moins 60 ans, a affirmé à EFE le directeur du Centre d’études démographiques de l’Université de La Havane (Cedem), Antonio Ajá. Cela signifie que sur 11,1 millions de cubains, près de 2,4 millions ont dépassé la limite de la soixantaine.

Le chercheur souligne que cela est le résultat de politiques sociales mises en place depuis des décennies qui ont allongé l’espérance de vie (79 ans environ pour les deux sexes).

Cependant cela entraine un problème du point de vue économique et social. « C’est un défi pour la population active qui est minoritaire, qui touche le système de sécurité sociale, de santé et de la protection des adultes âgés » a-t-il déclaré. C’est à dire qu’il y a de plus en plus de personnes âgées et moins de jeunes en âge de travailler pour soutenir l’activité économique du pays et, sur le long terme, pour financer le système des retraites.

Des données de l’Office national de statistiques et d’information révèlent qu’ en 2021 il y a eu 99.000 naissances et 167.645 décès. « Cuba a une situation démographique similaire à celle des nations développées (basse fécondité, espérance de vie élevée) mais la différence est que ce sont des pays qui accueillent des immigrants et compensent le vieillissements démographique par leur développement économique » a-t-il déclaré.

Le nombre augmente aussi des personnes « dépendantes » qui ne produisent pas et vivent de leurs pensions après avoir contribué à l’économie, a expliqué à EFE l’économiste cubaine Tamarys Bahamonde.

L’âge de la retraite à Cuba est fixé à 60 ans pour les femmes et 65 pour les hommes avec une retraite mensuelle minimum de 1.528 pesos cubains (12 dollars au change officiel et 8,7 sur l’important marché parallèle)

La perte des jeunes en âge d’être productifs s’explique, en grande part, par l’exode migratoire sans précédent que vit le pays. Pour la seule année dernière, plus de 313 .000 cubains ont été interceptés à la frontière sud des États-Unis avec le Mexique. Cela représente 3% du total de la population de Cuba. Le chiffre ne prend pas en compte les milliers de ceux qui sont partis vers d’autres destinations comme le Mexique, l’Espagne, ou l’Amérique du sud. Ce phénomène a été reconnu il y a quelques jours par Ángel Luis Ríos, directeur général de Azcuba, système étatique d’évaluation de la productivité.

Ríos a déclaré au journal officiel Granma que les centrales sucrières – en d’autres temps moteur de l’économie – ont un personnel réduit et vieillissant « en raison de l ‘émigration » et que cela s’est traduit par un déficit de la zafra.

« Cuba a un bilan d’ émigration qui la pénalise depuis 1930 qui s’est accentué à partir de 1959 (au moment du triomphe de la révolution), raison pour laquelle elle perd une population en pleine capacité de produire et de se reproduire » a affirmé le professeur Ajá. La migration interne est pénalisante également avec des zones rurales « dépeuplées et vieillissantes », une question « préoccupante, par exemple, quand il s’agit de produire des aliments car il n’y a personne pour travailler la terre, selon l’expert.

Un autre motif à la fuite de la main d’œuvre est le manque d’attractivité. Le salaire moyen à Cuba est d’environ 4.000 pesos cubains (32 dollars au change officiel).

Le taux de fécondité à Cuba est de 1,4 enfants par femme, l’un des plus bas de la région qui atteint en moyenne 1,85 en 2022, selon la Commission économique pour l’Amérique latine et la Caraïbe (Cepal).

Pour maintenir le niveau de remplacement de la population une femme doit avoir 2 enfants et l’un d’entre eux doit être une fille, a expliqué Ajá, qui a fait remarquer que « Cuba est en dessous de ses indicateurs depuis 1978 avec des chiffres extrêmement bas ces dernières années. ».

Pour Bahamonde, « la natalité extrêmement basse a pour cause les crises économiques qui ont été chaotiques pour la société, particulièrement pour les femmes car c’est sur elles que retombe la responsabilité de s’occuper des personnes âgées ». En 2030, les cubains du troisième âge représenteront 30% de la population qui ne dépassera pas les 10 millions, selon le professeur Ajá.

Parmi les mesures adoptées par le Gouvernement pour remédier à la situation est la création et la mise en service de cercles enfantins, de foyers pour personnes âgées, de foyers pour des mères ainsi que le soutien à des programmes de fertilité et d’attention aux mères avec plus de trois enfants.

Cependant, pour Bahamonde « le plus urgent est d’apporter une réponse à la situation économique grave et d’imaginer ensuite des politiques complémentaires d’encouragement à la natalité ».

En ce sens Ajá considère « qu’il faut travailler à améliorer l’économie afin que la croissance du Produit intérieur brut se répercute sur les revenus des familles ». « Cela doit s’accompagner de politiques qui s’orientent vers la construction de logements, garantissent la solution au problème de l’attention aux adultes âgés et aux enfants et tenter d’attirer la population cubaine de l’extérieur », a ajouté le directeur du Cedem.


Traduction française de Françoise Couëdel.
Source (espagnol) : https://www.14ymedio.com/cuba/encrucijada-demografica-Cuba-sin_jovenes-edad-laborable_0_3485651401.html.

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