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DIAL 3122

GUATEMALA - Des sages-femmes indiennes luttent pour le respect des droits des femmes en couche

Louisa Reynolds

jeudi 7 octobre 2010, mis en ligne par Dial

Dans ce numéro, DIAL publie deux articles sur le rôle des femmes indiennes dans des sociétés en pleine transformation. Le premier prend la forme d’un entretien avec la leader kichwa Mónica Chuji et aborde plus particulièrement la question du pouvoir et des décisions politiques. Le second, publié ci-dessous, est centré sur des problématiques touchant à la santé et à l’interculturalité. Texte publié par Noticias Aliadas le 19 mai 2010.


Des estimations indiquent que les sages-femmes indiennes assurent près des deux tiers des accouchements au Guatemala et, surtout, leur travail s’est révélé capital pour la reconnaissance de la médecine des peuples indiens. Mais bien qu’elles aient un rôle clé dans le processus de coordination entre les réseaux de santé traditionnels et le système de santé officiel actuellement en place dans tout le pays, des ajustements restent nécessaires pour que le système occidental intègre pleinement ces traditions anciennes et respectées.

Juana Ajquejay Batz, 45 ans, est une sage-femme qui a passé plus de quinze ans à aider à mettre au monde des enfants dans la municipalité de Patzicía, dans le département de Chimaltenango, dans les montagnes du centre du Guatemala. Elle explique que tant que ne surgissent pas des complications le foyer est le lieu le mieux adapté pour recevoir un nouveau membre de la famille. « Les femmes préfèrent mettre au monde dans leur maison car elles peuvent préparer ce qui leur est nécessaire et disposer de leurs affaires personnelles » déclare Ajquejay Batz. « Mère et époux sont auprès d’elles et les autres enfants tout près, ce qui leur permet d’être tranquilles ».

Soins personnalisés

Le travail d’Ajquejay Batz commence par un contrôle prénatal au cours duquel elle examine les conditions qu’offre le foyer et donne aux futurs parents des conseils concernant le lieu et les choses nécessaires pour la naissance. Elle s’efforce de faire participer le père à la surveillance de la grossesse et guide la mère pour son régime alimentaire prénatal. Elle évalue la position et le développement du fœtus dans le ventre de sa mère.

Pendant l’accouchement elle communique à la mère sécurité, confiance et calme, lui sert des infusions chaudes de camomille, lavande et cumin et l’aide à rester couverte et détendue, lui permettant ainsi de pousser avec force. Dans la culture maya, la naissance est un « processus froid », le bébé s’extrait du ventre tiède de la mère pour aller vers une atmosphère froide. Ce processus doit donc être rééquilibré par un environnement protégé dans lequel la femme se sente enveloppée de vêtements et dispose de boissons chaudes.

Mais bien que ces aspects soient considérés comme importants pour assurer le bien être de la femme pendant l’accouchement, les centres de santé n’en tiennent pas compte. Autre exemple : les familles maya croient que le placenta joue un rôle important et doit être brûlé et ensuite enterré dans un lieu adapté afin d’assurer comme il se doit le rétablissement de la mère et la santé du nouveau-né. Cette pratique n’est cependant pas acceptée dans le cadre des protocoles du système national de santé.

Ajquejay Batz dit que lorsqu’elle détecte une complication en cours d’accouchement, le premier problème est de convaincre la famille de conduire la mère à un centre de santé. Lorsqu’ils arrivent au centre le personnel médical lui interdit d’accompagner la parturiente. Elle ajoute « Lorsque tu conduis une femme et que tu essaies d’expliquer au médecin ce qui se passe il ne t’écoute même pas et par-dessus le marché il te rend responsable de ce qui arrive en t’accusant de ce que si la femme va mal, c’est parce que tu l’as manipulée ».

Obstacles à vaincre

Selon l’Alliance nationale des femmes indiennes pour la santé reproductive et d’autres organisations maya, respecter le droit des femmes à accoucher dans la position qui leur convient est le premier pas significatif que doivent faire les centres de santé guatémaltèques pour reconnaître le bien fondé des pratiques traditionnelles maya dans l’accouchement.

C’est pourquoi actuellement, à la demande de ces organisations sociales, une des premières tâches de l’Unité de santé et d’interculturalité des populations indiennes – créée en novembre 2009 avec pour objectif d’améliorer la pertinence culturelle du système de santé publique –, a été de revoir les protocoles du système national de santé afin que les femmes puissent décider de la position de leur choix pour mettre au monde leurs enfants.

Parallèlement, le ministère de la santé publique et de l’assistance sociale (MSPAS) est en train de réadapter les salles d’accouchement et de former son personnel aux pratiques indiennes. Diverses organisations réclament que toutes les Guatémaltèques aient accès à des services de santé bien équipés et qui respectent les différentes façons de mettre au monde.

Tout en reconnaissant que le MSPAS a réalisé des avancées dans l’intégration des deux systèmes de soins, des organisations telles que l’Alliance nationale des femmes indiennes pour la santé reproductive veulent que leur compétence soit pleinement reconnue et qu’elles soient intégrées aux services des maternités du pays à tous les niveaux des soins.

L’Alliance soutient que l’importance culturelle de son travail induit que l’État doit établir un registre professionnel de ses membres et, par voie de conséquence, attribuer un budget pour les payer et pour promouvoir l’échange d’expériences et le respect dans les relations entre le personnel de santé formé aux pratiques de la médecine occidentale et celui qui pratique les thérapies indiennes.

Selon Lourdes Xitumul, directrice de l’Unité de santé des peuples indiens et de l’interculturalité, on est parvenu à des avancées et la réglementation relative aux accouchements dans des positions indiennes traditionnelles s’applique désormais dans des dispensaires et des hôpitaux régionaux mais, dans les hôpitaux urbains ou spécialisés, les femmes n’ont pas encore le choix sur la façon de mettre au monde

Au Guatemala le pourcentage de femmes indiennes qui meurent en cours de grossesse ou d’accouchement est trois fois supérieur à celui des femmes non indiennes. Les chiffres du MSPAS indiquent que le taux de mortalité pour les premières est de 211 femmes enceintes sur 100 000 et pour les secondes de 70 pour 100 000 nouveaux-nés vivants. Les régions majoritairement indiennes et rurales du nord, nord -ouest et sud-ouest présentent les taux les plus élevés.

Bien que la mortalité maternelle ne puisse pas toujours être évitée, les risques peuvent grandement être réduits par un accès adapté aux soins obstétriques d’urgence. L’une des principales complications possible au cours de la naissance ou tout de suite après est l’hémorragie qui peut se produire en l’absence de centres d’urgence et d’un réseau de voies de circulation accessibles, du fait de l’absence d’un programme de banque du sang et du coût prohibitif pour la majorité des familles de l’accès à des services médicaux et à des transports efficaces.

Ce n’est cependant pas seulement un problème de moyens. Une des principales difficultés éprouvée par les femmes indiennes qui essayent d’accéder à des services de soins est la barrière de la langue dont découlent le manque d’informations, des risques accrus et un traitement irrespectueux voire humiliant lorsqu’on s’occupe d’elles dans les centres de santé. De fait, différentes études ont montré que l’un des principaux facteurs de vulnérabilité des femmes confrontées à un risque élevé de mortalité est le manque de soins de qualité ou culturellement pertinents. C’est ce qui a conduit beaucoup de femmes indiennes à refuser de recourir aux services de santé publique pendant la grossesse et en période post-natale, y compris lorsque cela pourrait leur sauver la vie.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 3122.
 Traduction d’Annie Damidot pour Dial.
 Source (espagnol) : Noticias Aliadas, 19 mai 2010.

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