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DIAL 3287
BRÉSIL - Le Sénat approuve la Proposition de modification de la constitution concernant le travail esclave
Gabriela Guerreiro
jeudi 19 juin 2014, mis en ligne par
Il semblerait que les sénateurs n’aient pas voulu courir le risque, à quelques jours de la Coupe du monde, que ce thème soit saisi par les médias étrangers pour dénigrer le Brésil. Les députés quant à eux ont approuvé cette Proposition depuis plusieurs années, il ne manquait plus que l’accord du Sénat pour la rendre effective. Reste à savoir comment et dans quels délais sera appliquée cette décision qui est réclamée depuis des décennies par les mouvements sociaux ruraux, Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) et Commission pastorale de la terre (CPT ) en tête. [1]
Le projet prévoit que les terres où se pratique le travail esclave seront expropriées et affectées à la réforme agraire. Pour parvenir à un accord les sénateurs doivent voter dans les jours à venir le texte définissant ce qu’est le travail esclave.
Dans tout le pays, les propriétaires qui continueront à maintenir des travailleurs en situation d’esclavage sur leurs terres seront expropriés.
Le Sénat a approuvé mardi dernier [27 mai] la Proposition de modification de la constitution (PEC, pour son sigle en portugais) qui prescrit l’expropriation à des fins de réforme agraire des terres où se pratique un travail analogue à l’esclavage au Brésil.
En attente depuis 15 ans au niveau du pouvoir législatif, la PEC sera promulguée par le Congrès [2] sans possibilité de veto du gouvernement.
Le président du Sénat, Renan Calheiros (Parti du mouvement démocratique brésilien, PMDB) en a fixé la date au 5 juin.
La PEC prescrit que les propriétés rurales ou urbaines qui seront expropriées pour le motif de travail esclave seront destinées à la réforme agraire et à des programmes d’habitations populaires, sans indemnisation du propriétaire.
La PEC prévoit également la saisie de « tout bien ayant une valeur économique » se trouvant sur la propriété, dont la valeur sera affectée à un fonds spécial réglementé par la loi.
L’expropriation n’exonère pas le propriétaire d’éventuelles sanctions légales.
La constitution prévoyait déjà l’expropriation des terres sur lesquelles étaient cultivées illégalement des drogues psychotropes. La PEC applique la même règle aux lieux où se pratique le travail esclave.
La principale résistance à la PEC vient des « ruralistes » dont la position est que l’expropriation ne puisse survenir qu’après que les fazendas accusées d’abriter du travail esclave ont fait l’objet d’un jugement sans possibilité d’appel. Ils craignent que l’expropriation survienne sur simple décision d’un contrôleur du travail, avant la fin du procès.
Pour faire avancer la décision, les sénateurs se sont mis d’accord pour voter dans les jours à venir un texte qui définira le travail esclave et le mode d’expropriation des terres où cette pratique aura été identifiée.
Le rapporteur du projet, le sénateur Romero Jucá (PMDB) a apporté des assouplissements au texte afin de satisfaire partiellement les revendications des « ruralistes ».
Par exemple : le projet ne considère pas comme travail esclave ni travail dégradant un travail journalier épuisant.
Pression
Le gouvernement fédéral est favorable à la proposition et a mobilisé des alliés pour la faire approuver. La ministre des droits humains Ideli Salvati a assisté au vote du Sénat et a déclaré que le Congrès « avait marqué un but en or ».
Des artistes membres du mouvement Droits humains ont également fait pression sur les sénateurs pour qu’ils approuvent la PEC. Les actrices Camila Pitanga et Maria Zilda ont rencontré les membres du Congrès pendant toute la journée pour soutenir l’approbation de la PEC.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3287.
– Traduction de Jean-Luc Pelletier.
– Source (portugais) : Folha de S. Paulo, 28 mai 2014.
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[1] Note introductive du traducteur.
[2] C’est-à-dire par le Sénat et la Chambre des députés réunis — NdT.