Accueil > Français > Dial, revue mensuelle en ligne > Archives > Années 2010-2019 > Année 2016 > Février 2016 > ARGENTINE - Huayra GNU/Linux : L’impossible se fait juste attendre un peu plus
DIAL 3357 - Dossier Autonomie numérique, second volet
ARGENTINE - Huayra GNU/Linux : L’impossible se fait juste attendre un peu plus
Vladimir di Fiore
mercredi 17 février 2016, mis en ligne par
Dans son numéro de mai 2015, Dial avait consacré un dossier à la question de l’autonomie numérique [1]. Les deux premiers textes de ce numéro de février constituent le second volet du dossier, centré cette fois sur Huayra, système d’exploitation libre développé par l’État argentin. Le premier texte, ci-dessous, est une brève présentation de Huayra par Vladimir di Fiore, responsable du projet au sein du Programme national Conectar Igualdad de l’ANSES (Administration nationale de la sécurité sociale). Le second est un entretien avec Javier Castrillo, coordonnateur du projet. Les deux textes ont paru dans le numéro 10 de la revue digitale Pillku (août 2013).
Le collectif Édunathon vient de demander, dans une déclaration publique du 28 janvier [2], l’annulation de l’accord signé par la ministre française de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, avec Microsoft France, pour un montant de 13 millions d’euros (30 novembre 2015). L’Assemblée nationale a voté de son côté, mercredi 20 janvier, un texte requérant du gouvernement la réalisation sous 3 mois d’un « rapport sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique […], dont les missions concourront à l’exercice, dans le cyberespace, de la souveraineté nationale […] » et précisant « les conditions de mise en place, sous l’égide de ce commissariat, d’un système d’exploitation souverain […] » [3]. La publication du second volet de ce dossier est donc tout à fait d’actualité…
Huayra signifie beaucoup de choses et fait intervenir des acteurs aussi nombreux que variés. Le plus facile à comprendre, c’est qu’il s’agit d’un système d’exploitation libre et à portée universelle mis au point par l’État pour un programme comme Conectar Igualdad, mais il me paraît important d’expliquer plus en détail ce que signifie le fait de travailler sur un projet comme celui-ci. Comme il s’agit de logiciels libres, nous garantissons avec Huayra la souveraineté et l’indépendance technologiques. En outre, au lieu de dépenser de l’argent dans l’achat de licences en devises étrangères, nous investissons dans le développement local en créant des emplois et en stimulant la créativité en Argentine.
D’autre part, Huayra signifie que les étudiants de tout le pays ont accès à des outils de la dernière génération et peuvent être acteurs de la production de contenus et de développements sans dépendre des caprices des corporations ni de leur situation économique. Le programme Conectar Igualdad aura permis de distribuer bientôt 3,5 millions d’ordinateurs portables [4]. Imaginons un instant que 10% des étudiants commencent à explorer le monde de la programmation après avoir été en contact avec un système d’exploitation libre comme Huayra. On entrevoit alors le saut qualitatif que cela représente pour le développement et pour l’innovation dans notre pays. Après la déclaration du MERCOSUR sur l’importance stratégique de l’utilisation et du développement du logiciel libre, des initiatives d’État telles que Huayra et Canaima [5] prennent encore plus de valeur, en tant que piliers indispensables pour avancer vers un développement technologique Sud-Sud.
Mais ce n’est pas tout : Huayra, en tant qu’acteur et partie de l’écosystème du logiciel libre, offre une affinité unique avec le public parce que, dans la mesure où il rend possible son appropriation totale, l’État peut disposer de développeurs pour l’adapter en se fixant comme ligne l’intérêt national et le bien-être général, avant l’optimisation des profits. Au cours de cette décennie, comme l’a déclaré la Présidente [6], « nous avons réussi à démontrer que l’on peut être plus efficace en partant du secteur public quand on agit avec patriotisme et avec l’intention de servir la majorité des Argentins » et évité ainsi « ces erreurs sur lesquelles s’appuyaient les doctrines qu’on nous a importées de l’étranger et qui nous disaient que le secteur public était mauvais ».
Huayra fait partie de la décennie gagnée par et pour tous et toutes, mais c’est aussi pour moi la preuve tangible que ce pour quoi nous sommes nombreux à avoir milité des années durant est devenu réalité. Ce n’est désormais plus un rêve, une utopie, mais une réalité effective, un pont vers une deuxième décennie gagnée. Pourquoi ? Parce que ce premier grand pas que nous avons accompli en vue de nous affranchir des entreprises de logiciel nous ouvre des chemins vers l’appropriation et la production de nouvelles technologies ayant un goût et des arômes à nous. Il nous permet, pour paraphraser le camarade Lula, de cuisiner nos propres plats au lieu de manger ce que Microsoft et d’autres sociétés déclarent bon pour nous.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3357.
– Traduction de Gilles Renaud pour Dial.
– Source (espagnol) : revue digitale Pillku n° 10, 3e année, août 2013.
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, le traducteur, la source française (Dial - www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
[1] Voir DIAL 3325 - « Internet.org : politique publique ou business model ? » et 3326 - « VENEZUELA - « La technologie ne peut se concevoir isolée de la politique » : entretien avec Carlos Parra, du projet Canaima GNU/Linux.
[4] 5 317 247 à la date du 15 février 2016 – note DIAL
[5] Voir DIAL 3326 - « VENEZUELA - « La technologie ne peut se concevoir isolée de la politique » : entretien avec Carlos Parra, du projet Canaima GNU/Linux. – note DIAL.
[6] Cristina Fernández, présidente de l’Argentine entre décembre 2007 et décembre2015 – note DIAL.
Messages
1. ARGENTINE - Huayra GNU/Linux : L’impossible se fait juste attendre un peu plus, 29 mars 2016, 21:02, mis en ligne par saidab
Bonsoir, si l’impossible se fait encore attendre, c’est parce qu’il est tout proche du possible ... En tout cas, depuis que je consulte le site "alterinfos" (il y a quelques jours !!), j’ai le sentiment que le véritable esprit démocratique est en train de diffuser, et de nous revenir en passant par ailleurs ... Vivement que de plus en plus de monde, surtout parmi les jeunes, puisse avoir accès à des informations de cette nature et de cette qualité. ça devrait suffire pour éveiller la confiance dans un avenir solidaire où chacun a tout loisir de se sentir et de se vouloirdisponible, libre, loyal.