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BRÉSIL - Lula : Un tsunami qui va durer
Emir Sader
lundi 15 mars 2021, mis en ligne par
12 mars 2021 - Avec Lula, les Brésiliens sont appelés une fois de plus à une lutte qui leur permet à nouveau d’espérer
Nous nous réveillons soudain avec la claire impression que rien ne redeviendra comme avant. Tous, nous nous sentons obligés de nous redéfinir en fonction de Lula et de son discours. Les uns pour exprimer leur espoir renaissant. D’autres pour exprimer leur sympathie, même s’ils soulignent leur divergence. D’autres se sont vus obligés à manifester leur opposition, à la recherche désespérée de solutions magiques qui pourraient surgir comme alternative.
Lula a toujours été présent. Mais sa situation juridique incertaine l’a obligé à rester prudent, à se garder d’exprimer ses opinions politiques. D’autres encore ont feint de croire qu’il était hors jeu, car ils ne savaient pas comment se comporter face à l’alternative. Aussi bien envers la droite que vis-à-vis d’un autre candidat franc-tireur qui avait le champ libre, ils espéraient que le pouvoir judiciaire résolve pour eux le dilemme en sortant Lula du jeu.
Le fait que Lula soit réapparu, avec élégance, en possession de ses moyens, abordant à nouveau toutes les grandes questions de notre pays et de nos vies, a fonctionné comme un tsunami qui apporte le bien. Tous se sentent émus, personne n’est immunisé.
J’ai fait une recherche sur mon compte Twitter et Facebook pour voir ce que les gens ressentent à propos de son discours et le sentiment est unanime : une écrasante majorité a écrit « Il a redonné de l’ESPOIR ! » Nous nous étions presque habitués à vivre sans espoir. Comme si le pays avait été condamné à être un pays sans gouvernement, rongé par la misère et la pandémie.
Quand Lula a resurgi soudain, avec le naturel qui le caractérise, il a parlé à l’esprit et au cœur de tous, afin qu’ils voient renaître l’espérance, soient conscients à nouveau de ce qu’il y a une voie pour le Brésil et que sans Lula la vie serait différente. Avec lui, les Brésiliens sont appelés à une lutte qui laisse entrevoir la renaissance de l’espoir.
Lula a abordé les grands problèmes qui accablent le pays : la pandémie, le chômage, la violence, le manque de dialogue, Petrobras, le manque de perspective, entre autres, rappelant que les conditions existent pour les affronter et les résoudre, comme ce fut le cas dans le passé. Le Brésil avait alors vécu beaucoup mieux, en paix, dans la solidarité, et luttant contre un de ses problèmes majeurs : les inégalités.
Le lendemain les Brésiliens se sont réveillés et ont pris conscience de ce que quelque chose a changé au Brésil. Ce Lula qui a toujours été présent, injustement poursuivi, emprisonné, empêché de gagner les élections de 2018, est aux côtés de nous tous, vit les mêmes problèmes, il pense, il propose des alternatives, il est prêt à descendre dans la rue, à être présent dans les « caravanes ».
Après son intervention, Lula m’a appelé par téléphone, pour que nous échangions nos opinions et que nous parlions des nouvelles « caravanes », à l’image de celles que nous avons organisées dans le passé. Personne ne peut plus s’arroger le droit de faire comme si Lula n’existait pas, qu’il ne représentait pas tout ce qu’il représente pour le Brésil.
Il n’est pas nécessaire que Lula dise qu’il est candidat, un processus officiel n’est pas nécessaire pour qu’il lance sa candidature. C’est le Pouvoir judiciaire qui doit trancher le procès en nullité des jugements émis par Sergio Moro mais personne ne pense plus ou n’admet plus que Lula pourrait être à nouveau jugé et condamné.
Lula est innocent – cela a été dit et cela va se confirmer – c’est la signification première de sa réapparition au sein du syndicat de la métallurgie de São Bernardo où a débuté sa vie politique en 1979, là où il nous a dit au revoir, non sans douleur, que nous ayons été ou non d’accord avec sa décision, pour se livrer à la police fédérale et être conduit à la prison de Curitiba. Nous venions l’y saluer tous les matins et tous les soirs d’un « Bonjour, camarade Lula, Bonne nuit, camarade Lula » et en retour il allumait et éteignait les lumières de sa cellule, pour nous dire qu’il nous avais écoutés.
Dans ce lieu j’ai pu, avec une émotion contenue, lui rendre visite, être dans sa cellule, avec son lit, son armoire, sa lampe, ses livres, ses vêtements, mais surtout sentir sa colère, sa bonne humeur, son espoir. Comme l’a dit Leonardo Boff, c’est lui qui nous a donné l’espoir, qui nous a donné l’accolade fraternelle qu’li nous a enseignée ou non à donner. Quand Lula m’a appelé hier, après son discours, ont resurgi en moi les mêmes aspirations, à l’espoir, l’appel à la lutte, au retour des « caravanes », jusqu’à ce que lui puisse gravir les marches du Palais de Planalto, comme nous l’avons vu le faire le 1er janvier 2003.
Cette confiance de Lula est revenue pour nous tous et elle est destinée à perdurer. Il est difficile d’imaginer comment va survivre notre cher Brésil jusqu’au 1er janvier 2023. Mais on sait que, après un long combat, Lula sera à nouveau président du Brésil, pour que les Brésiliens puissent une fois encore être fiers d’être brésiliens, avoir confiance dans un pays qui a une voie qui s’ouvre et un avenir. Lula est revenu pour rester, pour toujours !
Emir Sader est un sociologue et politiste brésilien. Il est coordinateur du Laboratoire de politiques publiques de l’université d’État de Rio de Janeiro (UREJ).
Traduction française de Françoise Couëdel.
Source (espagnol) : https://www.alainet.org/es/articulo/211352.