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DIAL 3143
URUGUAY- Épidémie de transgéniques
Andrés Gaudin
dimanche 27 février 2011, mis en ligne par
Dial a régulièrement publié des articles dénonçant les effets négatifs de l’introduction de semences transgéniques [1]. Nous publions ici un texte d’Andrés Gaudin, paru sur le site de Noticias Aliadas le 21 octobre 2010 et consacré à l’Uruguay.
Sur 1,2 million d’hectares occupés par l’agriculture en Uruguay, quasiment 80% sont semés de soja et de maïs. Selon la Direction des statistiques agropastorales – organisme d’État – et la Chambre uruguayenne des semences – organisme privé – la totalité du soja et au moins 80% du maïs sont transgéniques c’est-à-dire que ce sont des organismes génétiquement modifiés (OGM).
Les transgéniques, introduits à la fin du XXe siècle par Monsanto et développés pendant la décade actuelle par les grands producteurs et les entreprises agricoles argentines, sont directement associés à l’usage abusif des traitements agricoles toxiques qui ont un impact important sur la pollution de l’eau, des sols, des plantes et des animaux et une grave incidence sur la santé humaine.
L’écologiste María Isabel Cárcamo, du Réseau d’action sur les pesticides et leurs alternatives pour l’Amérique latine (RAP-AL) rappelle que la première semence transgénique entrée en Uruguay, en 1998, était du soja.
« C’est alors que commence l’usage massif de produits agricoles toxiques : glyphosate, paraquat, endosulfan, tous extrêmement polluants et interdits dans de nombreux pays », affirme-t-elle.
En 2003 est arrivé le maïs génétiquement modifié : deux variétés fourragères et une variété de maïs doux pour la consommation humaine.
La réglementation sur l’introduction de transgéniques est définie par le Protocole de Carthagène sur la Sécurité de la biotechnologie – traité international qui régit le transfert, la manipulation et l’usage des organismes vivants modifiés génétiquement –, en vigueur en Uruguay depuis 2003, mais tout ce qui a trait à ce secteur est noyé dans une mer d’irrégularités. Les entités officielles chargées de faire appliquer les normes environnementales sont intervenues sur ces deux produits mais uniquement sur leur utilisation en tant que fourrage et elles ne disent rien, par contre, sur la consommation humaine du maïs doux, qui est vendu au public depuis 2004 bien qu’il ne soit pas enregistré par l’Institut national des semences.
Contamination par pollinisation
Cárcamo alerte sur les difficultés que pose la manipulation des transgéniques et, quand il s’agit de maïs, sur le type de pollinisation qu’effectue cette plante. Une étude de l’Université de la République – université d’État – a révélé que « trois fois sur cinq, quand il y a un risque potentiel d’interpollinisation – mélange de pollens de variétés différentes – on trouve la présence de transgènes dans l’espèce non génétiquement modifiée ». Ceci signifie que le voisinage de cultures OGM et non-OGM provoque une contamination lorsque les saisons de floraison coïncident.
Aussi bien pour les chercheurs que pour les environnementalistes, le manque de maîtrise et la problématique que pose l’usage des transgéniques, rendent nécessaire l’ouverture d’un débat sur « la coexistence régulée » des végétaux OGM et non-OGM, réglementée en 2008.
Selon le Réseau des amis de la terre, la politique de coexistence régulée ne prend en compte ni les éventuels impacts sur la santé humaine, ni les menaces sur l’environnement, ni la relation des transgéniques avec l’agriculture héritée de la tradition, naturelle et biologique, pas plus que les mécanismes d’information du consommateur, d’où il ressort qu’elle doit être soumise à révision.
D’après le Réseau, il faudrait ouvrir le débat sur ce thème, en Uruguay « car jusqu’à maintenant, les organisations de la société civile n’ont été sollicitées par les autorités que pour présenter une information écrite, mais jamais pour un débat d’opinion ».
Protéger les variétés autochtones
Dans l’Est de l’Uruguay, l’Intendant du département Trente-trois – seul département du pays qui possède un Secrétariat d’agroécologie et de souveraineté alimentaire – conserve une grande variété de semences de maïs autochtone que les producteurs protègent de la contamination par les semences OGM.
Dans ce département, de tradition rizicole, la Direction nationale de l’environnement assure que le maïs transgénique n’a pas été introduit. De leur côté, les producteurs de riz ont refusé de semer des grains OGM. Si bien que le département Trente-trois est en passe d’être déclaré zone libre de transgéniques.
À mesure que l’on prend connaissance des risques de l’association des transgéniques avec l’agrochimie, la société s’empare du problème. En novembre 2009, à Villa García, un village proche de Montevideo, la capitale, l’Association des habitants pour une terre libre de transgéniques a réussi à stopper l’implantation des semences OGM. Ce qui les inquiète, c’est bien sûr la contamination mais aussi le problème de l’emploi, « parce que les transgéniques favorisent une forme d’agrobusiness qui ruine la production familiale ».
En effet, la production familiale non transgénique devient antiéconomique à côté de la production OGM hautement technicisée et réalisée sur de grandes extensions de terre, ce qui entraîne l’étouffement économique du petit producteur et le harcèlement des autres, un peu moins petits, pour leur faire vendre leurs parcelles : la conséquence c’est que ces familles vendent leurs petites propriétés et émigrent vers les villes. À Palmitas, dans le département de Canelones, au sud du pays, les habitants ont demandé aux autorités responsables l’édiction d’une loi interdisant les semences OGM.
Si le Réseau d’action sur les pesticides (RAP-AL) s’emploie à protéger les semences autochtones selon l’exemple du département Trente-trois, il rappelle aussi qu’« alors qu’est en jeu l’existence même du maïs autochtone, de nouvelles variétés de maïs transgénique et d’autres types de semences non demandées par les producteurs, comme le riz, attendent l’autorisation des autorités.
L’agronome Fernando Queirós Armand-Ugon cite une étude réalisée en 2009 par le Comité de recherche et d’information indépendante sur les techniques génétiques de l’Université de Caen, en France, pour rappeler que « les aliments OGM ne sont pas bons pour la santé ; chaque fois que l’on consomme n’importe quelle variété de maïs transgénique, les reins et le foie, principaux organes à réagir à une intoxication chimique, souffrent ».
L’expert a insisté sur un autre aspect négatif de la politique officielle en la matière en signalant qu’en février dernier [2010] de nouvelles expérimentations ont été autorisées sur cinq nouvelles variétés de maïs transgénique. Queirós a expliqué que ces variétés, modifiées pour être résistantes aux insectes et aux herbicides, seront disponibles pour être semées lors de la prochaine saison agricole (2011-2012).
– Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 3143.
– Traduction de Michelle Savarieau pour Dial.
– Source (espagnol) : Noticias Aliadas, 21 octobre 2010.
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la traductrice, la source française (Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
[1] Voir notamment, en 2003, DIAL 2647 « BRÉSIL - Les évêques de la Commission pastorale de la terre se prononcent contre l’usage des OGM » ; en 2004, DIAL 2724 « MEXIQUE - La contamination du maïs naturel par le maïs transgénique : un mélange qui donne lieu à de vifs débats », DIAL 2725 « MEXIQUE - Le Manifeste paysan et indigène de Oaxaca : Défendre notre maïs, protéger la vie », DIAL 2726 « BRÉSIL - Une bataille sur les transgéniques qui n’en finit pas », DIAL 2727 « AMÉRIQUE LATINE - La présence de cultures transgéniques dans divers pays d’Amérique latine » (Dossier : Cultures transgéniques en Amérique latine) ; en 2006, DIAL 2890 « PARAGUAY - Le soja destructeur » et, en 2010, DIAL 3108 « ARGENTINE - « La production alimentaire doit être locale » : entretien avec Claudia Giaccone ».