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DIAL 3260

ÉQUATEUR - Léonidas Proaño, pilier de l’Église des pauvres

Soledad Monroy

vendredi 8 novembre 2013, par Dial

Dans ce numéro et dans le suivant, DIAL s’associe aux différentes manifestations organisées lors du 25e anniversaire de la mort de Mgr Proaño, fin août, en publiant deux textes diffusés à cette occasion. Le premier, ci-dessous, est de Soledad Monroy, des Communautés ecclésiales de base de Guayaquil ; il a été lu le 31 août 2013. [1]


31 août 2013, 8h30.

« Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant. » (Luc 24,5)

Aujourd’hui 31 août, pour les 25 ans de la Pâque de Mgr Léonidas Proaño, nous nous souvenons de son départ et célébrons sa présence. Nous qui avons connu Mgr Proaño, nous nous en souvenons comme d’un maître qui savait écouter et encourager, un pasteur proche qui était convaincu que « ce sont les pauvres qui nous évangélisent ».

Il organisa les communautés et l’Église de Riobamba en partant de la satisfaction des besoins des plus pauvres. Qui étaient ces organisateurs ? Les pauvres eux-mêmes. Pour qu’ils puissent y parvenir, il fit la maison de Santa Cruz, un Centre de formation de portée internationale et intercontinentale où des milliers de simples chrétiens nous sommes formés. Les Indiens de Chimborazo se sont formés dans leur propre langue. Tout cela se concrétisait pour lui dans un plan de pastorale diocésaine dont l’objectif était le Royaume.

Proaño recherchait une Église vivante et une société nouvelle. En écrivant son autobiographie, il donnait la ligne de son projet de vie et de sa foi comme évêque : « Je crois en l’homme et en la communauté ». Il a su rendre la voix aux silencieux de l’histoire durant les 500 ans de la conquête. Il a permis aux Indiens de reprendre la parole et de commencer à être une Église indienne. Il est arrivé à ce qu’ils s’organisent à partir de leur propre cosmovision pour surmonter l’injustice et la domination. Il les a aidés à retrouver leur dignité, avec une conscience nouvelle et avec leur projet ancestral de société. Il passait tout son temps à les recevoir et il les accompagnait dans leurs grandes luttes à travers tout le pays. Deux ans avant sa mort, après avoir vu naître l’ECUARUNARI [2], l’organisation des Indiens de la sierra, il fut témoin de l’union des Indiens de la sierra, de l’est et de la côte au sein de la CONAIE (Confédération des nations indiennes de l’Équateur).

Une autre caractéristique de Mgr Proaño fut sa solidarité nationale et internationale. Il visitait les groupes et les Communautés qui l’appelaient pour parler avec lui, pour évaluer le travail pastoral, comprendre la conjoncture nationale, s’envisager comme Église des pauvres…

Non seulement nous nous souvenons de son témoignage, mais surtout nous célébrons sa présence. Proaño nous a inoculé sa soif de vivre l’évangile à la manière de Jésus, de construire l’Église des pauvres à partir de la réalité latino-américaine et d’apporter comme chrétiens notre contribution à la société. Ses valeurs continuent à nous orienter pour nous engager à être l’Église des Pauvres dont il rêvait et à construire l’Équateur qu’il entrevoyait depuis la sagesse indienne.

Proaño voulait une Église différente : cet engagement, nous cherchons à lui donner une réalité à partir des besoins d’aujourd’hui. Lui-même, dans son diocèse, a construit une Église rénovée. Pour lui, nous sommes des évangélisateurs à partir de notre solidarité avec la cause des pauvres ; nous annonçons une Église plus humaine, plus centrée sur Jésus et sur la réalité, avec des signes qui parlent aux générations actuelles. Nous continuons à être, comme lui, des témoins prophétiques du Royaume de Dieu, dénonçant tout ce qui nous détruit et annonçant en paroles et en actes un Royaume, non seulement spirituel, mais aussi qui transforme l’Église et la société.

Il nous a appris à organiser le partage et l’équité à partir d’une vision politique participative, à ne pas en rester à la charité qui paralyse, mais à tendre la main pour que ceux qui sont accablés se relèvent et se mettent debout. Mgr Proaño ne nous laisse pas tranquilles : il nous pousse à être lumière, à ce que notre foi ne reste pas sur les autels et dans les églises, mais qu’elle brille dans les rues, les quartiers, les maisons, les usines… Il nous demande de conserver la tendresse faite de révolte et d’espérance, à l’image de Marie, la mère de Jésus qui est pour nous une compagne de foi, de souffrance et de lutte.

On ne célèbre pas Proaño dans les grandes cathédrales – il est trop facteur de controverses dans les structures ecclésiales et politiques conservatrices – mais dans des milliers de pauvres églises des campagnes et des faubourgs à travers tous les continents. Son poème « Solidarité » est devenu l’hymne des Communautés ecclésiales de base.

« Maintenir toujours nos oreilles attentives au cri de la douleur des autres, Et écouter leur appel au secours, c’est la solidarité, la solidarité, la solidarité. Sentir comme sienne la souffrance du frère d’ici et de là-bas, Faire sienne l’angoisse des pauvres, c’est la solidarité, la solidarité, la solidarité. Aller jusqu’à livrer sa vie par amour, c’est la plus grande preuve d’amitié. C’est vivre et mourir avec Jésus-Christ : la solidarité, la solidarité, la solidarité. Parvenir à être la voix des humbles, révéler l’injustice et le mal, Dénoncer l’injuste et le méchant, c’est la solidarité, la solidarité, la solidarité. Se laisser transporter par un message chargé d’espérance, d’amour et de paix Jusqu’à serrer la main du frère, c’est la solidarité, la solidarité, la solidarité. »

 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3260.
 Traduction de Bernard & Jacqueline Blanchy pour Dial.
 Source (espagnol) : revue Iglesia de a pie, 29 août 2013 (version antérieure du texte).

En cas de reproduction, mentionner au moins l’autrice, les traducteurs, la source française (Dial - www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

responsabilite


[1DIAL avait déjà publié en 2010, à l’occasion du centenaire de la naissance de Mgr Proaño, un texte de Nidia Arrobo Rodas qui donne un certain nombre d’éléments biographiques sur la vie de celui qu’on a surnommé « l’évêque des Indiens ». Voir DIAL 3136 - « ÉQUATEUR - Monseigneur Léonidas Proaño ».

[2ECUARUNARI vient du kichwa « Ecuador Runakunapak Rikcharimuy » (Mouvement des Indiens de l’Équateur). L’organisation, fondée en 1972 par les peuples indiens de langue kichwa de la sierra équatorienne, est aussi appelée Confédération des peuples de nationalité kichwa de l’Équateur (Ecuador Kichwa Llaktakunapak Jatun Tantanakuy) – note DIAL.

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