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VENEZUELA - Washington cherche à garantir une candidature de remplacement à Machado
Leopoldo Puchi
lundi 19 février 2024, mis en ligne par
11 février 2024 - Récemment, le gouvernement des États-Unis a décidé d’imposer à nouveau des sanctions au secteur minier du Venezuela et a annoncé que les licences accordées au secteur du gaz et du pétrole seraient annulées en avril. La justification de cette mesure se fonde sur l’argument de ce que l’interdiction qui frappe María Corina Machado [1] viole les conditions définies à la Barbade en octobre 2023 [2].
Bien qu’à première vue la situation semble claire, la question se pose. L’accord de la Barbade validait t-il le droit à se présenter pour Machado ? Une analyse du texte révèle l’absence de références explicites à des inéligibilités, bien que soient établies des garanties de participation pour les candidats qui remplissent les conditions légales et qu’il soit possible de faire appel des décisions du Contrôleur général devant le Tribunal suprême de justice (TSJ). Bref, la marge est importante entre les expectatives initiales et le texte.
La signature
Vers la fin novembre 2023, la représentation de Norvège a fait connaître la procédure d’appel validée par les partis. Selon cette procédure, la Plateforme unitaire s’est formellement engagée à respecter les décisions que prendrait le TSJ. Il est logique qu’à un moment donné Washington et les délégués de la Plateforme unitaire se soient opposés aux termes de l’accord de la Barbade et au mécanisme de la procédure d’appel. Cependant en signant ils se sont engagés. Il est donc étrange qu’on parle maintenant de non respect des accords de la Barbade, étant donné que dès le départ les éléments constitutifs en étaient connus. Une autre question se pose alors. Washington était-il au courant dès le début de ce que, dans le texte de l’accord, un engagement concernant les habilitations n’était pas établi, pourquoi réagit-il maintenant en annonçant un renouvellement de l’application des sanctions.
Pour répondre à cette question, il importe de rappeler que l’accord de la Barbade est une sorte d’annexe aux négociations dites de Doha, dont les détails n’ont pas été rendus publiques, bien qu’on sache qu’ils portent sur les sanctions, la nécessité d’assurer la fourniture de pétrole et le problème de la migration.
De son côté, l’addendum de la Barbade avait pour fonction principale de rassurer les secteurs les plus radicaux de la politique intérieure de Washington, lors de l’année des élections.
Intervention
Il est important aussi, quand on tente d’expliquer la conduite de la Maison Blanche, de ne pas perdre de vue que l’objectif stratégique de ramener le Venezuela dans son orbite géopolitique n’a pas été abandonné. Pour cela, l’intervention dans la politique intérieure du Venezuela se poursuit dans le but d’obtenir un changement de gouvernement. Après avoir reconnu l’échec de la politique de « pression maximum » de l’ère Trump, destinée à renverser Nicolás Maduro, l’administration de Biden a opté pour une stratégie différente. Dans cette nouvelle perspective on cherche à atteindre les objectifs par le biais des élections.
Dans ce cadre là, on peut formuler des hypothèses qui expliqueraient pourquoi Washington ravive la menace d’imposer des sanctions, bien que les validations ne fassent pas partie des accords souscrits. L’explication possible pourrait être qu’on cherche à maintenir des conditions économiques négatives qui affaibliraient encore les partisans du gouvernement dans la bataille électorale.
Comme on le sait la seule annonce de nouvelles restrictions, qu’elles soient exécutées ou non, effraie les investisseurs et altère les conditions de la bataille électorale. On passe ainsi de la « pression maximum » à la « pression moyenne », conçue pour atteindre l’objectif électoral sans en arriver aux extrêmes d’une rupture totale. C’est une stratégie que le Washington post a qualifiée d’« enfumage ».
Avatar
C’est dans le contexte de cette nouvelle orientation de la diplomatie et des négociations discrètes qu’a eu lieu une rencontre entre le président de la Colombie, Gustavo Petro, et les représentants du Conseil de la Sécurité nationale des États-Unis, Jon Finer y Juan González.
Washington reconnaît que la validation de la candidature de Machado est peu probable, mais cherche à s’assurer des engagements pour garantir que ne soit pas invalidée celle d’un personnage avatar ou de substitution. Des changements pourraient être tentés qui concerneraient le candidat qui se présenterait dans le camp gouvernemental.
En outre on prévoit qu’en avril seront suspendues certaines des licences d’exploitation pétrolière tandis que d’autres pourraient être maintenues. Il s’agit d’un jeu de poker entre concessions et restrictions pour lequel on ne sait pas qui sera finalement « enfumé ».
Traduction française de Françoise Couëdel.
Source (espagnol) : https://estrategia.la/2024/02/11/venezuela-washington-busca-garantizar-una-candidatura-sustituta-a-machado.
[1] le Tribunal suprême du Venezuela a confirmé le vendredi 26 janvier 2024 l’interdiction de se présenter aux élections pendant quinze ans à María Corina Machado, principale candidate de l’opposition à l’élection présidentielle qui devrait avoir lieu cette année – NdlT.
[2] Le 17 octobre, le gouvernement et l’opposition vénézuéliens signaient un accord partiel à la Barbade, afin de prévoir des élections à l’horizon de 2024. En échange, les États-Unis ont levé une partie des sanctions qui ciblent le Venezuela – NdlT.