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URUGUAY - Le Tribunal du contentieux administratif recueillera les témoignages des scientifiques concernant le projet Neptuno-Arazatí en dépit de l’opposition du ministère de l’environnement et d’OSE

Camila Méndez

mardi 10 décembre 2024, mis en ligne par Françoise Couëdel

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29 novembre 2024.

En février le ministre et Obras Sanitarias del Estado (OSE, Travaux sanitaires de l’État) ont fait savoir que trois chercheurs – qui ont consacré une partie de leur carrière à étudier comment fonctionne le Río de la Plata – « manquent d’impartialité ». Cette situation a engendré l’objection de la communauté scientifique, qui a qualifié cette attitude de « censure ».

En septembre 2023, Redes-Amigos de la Tierra (Réseaux - Amis de la terre) a présenté un recours administratif demandant la révocation et l’annulation de l’adjudication du projet Neptuno- Arazatí [1] auprès du Tribunal du contentieux administratif (TCA). En juin, l’adjudication par OSE s’est faite en faveur du Consortium Aguas de Montevideo (Eaux de Montevideo), constitué des entreprises privées Saceem, Berkes, Ciemsa et Fast.

En février de cette année, l’organe chargé du contrôle de l’administration avait convoqué – à la demande de l’organisation – quatre scientifiques en qualité de témoins : Luis Aubriot et Marcel Achkar, chercheurs de l’Institut d’écologie et de sciences environnementales (IECA) de l’Université de la République (Udelar), Claudia Piccini, chercheuse à l’Institut de recherches biologiques, Clemente Estable et Danilo Ríos, enseignant pour le cours de Potabilisation des eaux de la Udelar, et ex gérant général de OSE. L’instance d’écoute a été suspendue parce que le ministère de l’environnement (MA) et OSE se sont opposés à ce que les scientifiques apportent leurs témoignages sur cette initiative.

Le MA a affirmé qu’Aubriot et Achkar – des chercheurs qui ont consacré une partie de leur carrière à étudier le Río de la Plata, source à laquelle prétend s’alimenter le projet Neptuno – ne peuvent pas témoigner car « ils ne font pas preuve d’impartialité ». Cette déclaration a suscité un franc rejet de la communauté scientifique et a été qualifiée de « censure ». « On ne peut pas appeler un médecin pour faire face à une pandémie de coronavirus et prétendre qu’il soit “impartial” : il va s’engager à prendre soin de la santé des patients et à prendre des mesures de prévention. Dans le cas qui nous intéresse il se passe quelque chose de semblable. Nous étudions le système et faisons le diagnostic de ce qui se passe. Il est dangereux de potabiliser les eaux d’Arazatí, qui ont une très forte variabilité pour ce qui est de leur toxicité et des cyanobactéries », a dit à son tour Aubriot au quotidien. OSE dans son document n’est pas en reste et en plus de remettre en question « l’impartialité » d’ Aubriot et d’Achkar, a ajouté le nom de Danilo Ríos.

En outre, aussi bien le MA que l’entreprise d’État ont rejeté les preuves documentées présentées par Redes-Amigos de la Tierra. Parmi elles se trouvait le rapport élaboré par l’Institution nationale des droits humains qui recommandait « ni d’innover ni de poursuivre » cette autorisation du projet, dans un manifeste qu’ont élaboré 12 chercheurs de l’IECA et du Centre régional Este, dans lequel ils font des remarques et des recommandations quant à l’approvisionnement en eau potable dans le sud du pays. C’est un rapport sur la salinité du Río de la Plata qui a été demandé par OSE à des chercheurs de la Faculté des Sciences et un article publié dans la revue Estuarine, Coastal and Shelf Science, qui déclare que, dans la zone où on prétend installer l’usine, tous les mois de l’année 2021, a été constatée la prolifération de cyanobactéries.

Ce vendredi le TCA a émis un jugement, auquel a eu accès La diaria, qui rejette les contestations présentées par l’entreprise d’État et le MA. « Les parties mises en cause se sont opposées à la déclaration des témoins proposée par les plaignants sous prétexte qu’ils manquent d’impartialité et/ ou ont été désignés pour réaliser une estimation des faits. Comme l’indiquent correctement les plaignants en rejetant le transfert, les remises en question des témoignages ont trait à des questions de mise en valeur et non d’admissibilité, raison pour laquelle sa valeur et sa contribution à la cause seront examinés lors de l’étape convenue », dit le TCA.

En outre, il indique « pour ce qui est de la remise en cause des plaignants par la partie accusée sur l’opportunité de la présentation de la preuve documentée, que c’est un franc rejet ». « L’intérêt prioritaire est la réception pleine et entière de la preuve demandée par les parties, sans limitation du droit de la défense », souligne-t-il et il ajoute : « Cela ne porte aucunement préjudice au droit des co-accusés et pourrait fournir de nouveaux éléments d’appréciation au Tribunal pour l’arbitrage »

Un pas en avant

Le réseau Amis de la terre a émis un communiqué dans lequel il examine le jugement du TCA. L’organisation souligne que « signer le contrat avec le consortium chargé des travaux, Aguas de Montevideo, alors qu’un recours de suspension et d’annulation de l’appel d’offre est en cours d’examen, signifie ne pas se soucier des finances de l’État et l’exposer à faire face à des amendes et des coûts énormes »

L’organisation dit « il a été prouvé techniquement que le projet ne peut pas produire d’eau potable en raison des épisodes de salinité et de présence de Cyanobactéries dans le Río de la Plata ». Elle insiste aussi sur le fait « qu’il aura un coût exorbitant que devra payer la société uruguayenne ». Dès le début nous, organisations sociales et mouvements sociaux qui défendons le droit humain à l’eau, nous avons clairement dit que le projet Neptuno-Arazatí est inconstitutionnel et que toute la démarche a été suspecte et ne respecte pas notre législation nationale et les traités internationaux tel que l’ « Accord d’Escazú », dit en conclusion le communiqué.


Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://ladiaria.com.uy/ambiente/articulo/2024/11/el-tca-escuchara-el-testimonio-de-cientificos-sobre-el-proyecto-neptuno-arazati-pese-a-oposicion-del-ministerio-de-ambiente-y-ose/.

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[1La coalition de droite qui gouverne encore en Uruguay a choisi d’approuver le projet Neptune , une initiative privée qui prévoit la construction d’une nouvelle usine de purification de l’eau à Arazatí, localité du sud, dans le département de San José, qui pomperait l’eau du Río de la Plata . Son coût estimé est de quelques 250 millions de dollars. L’eau purifiée servirait à compléter l’approvisionnement de la zone métropolitaine de Montevideo. Cela suppose la construction d’un polder de stockage. Le projet est rejeté par les défenseurs de l’environnement et également par les producteurs de la zone concernée – note Correspondencia de prensa.

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