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DIAL 2524

BOLIVIE - Les sans-terre de Bolivie

mardi 1er janvier 2002, mis en ligne par Dial

Le Mouvement des paysans sans terre de Bolivie est récent au plan institutionnel : il a tenu sa première rencontre nationale au cours du mois de juin 2001. Mais la réalité à laquelle il fait face est ancienne. La Bolivie connaît une impressionnante inégalité dans la répartition des terres, ainsi qu’un mouvement d’occupation, par des familles sans terre, des surfaces inexploitées. Des groupes paramilitaires réagissent par l’assassinat. La réforme agraire est plus urgente que jamais.
Texte émanant de la
Via Campesina (Honduras), version française de la FIAN-Belgique.


Un massacre de paysans

Le vendredi 9 novembre 2001, un massacre de paysans a eu lieu à 40 kilomètres deYacuiba, capitale de la province du Chaco, au sud de la Bolivie. 8 paysans ont été assassinés et plus de 20 ont été blessés. Les 180 familles de paysans sans terre de la communauté de Pananti ont été attaquées par des groupes de paramilitaires soutenus par la police et l’armée. Ce genre d’attaque est devenu systématique depuis que les familles paysannes ont occupé pacifiquement les terres du latifundio Pananti en juin 2000. Cette propriété foncière de 3 000 hectares ne remplit pas sa fonction économique et sociale. Depuis le massacre, les paysans continuent à être persécutés, sans que l’État bolivien ne prenne les mesures nécessaires pour mettre un frein à cette violence. (…)

Le contexte bolivien

En Bolivie, nous faisons face à une situation paradoxale : d’une part une grande quantité de terres en friche, d’autre part des milliers de paysans qui n’ont aucune terre à cultiver pour vivre. 80 % des petites exploitations de moins de 10 hectares ne disposent que de 2,6 % de la superficie du pays. Mais 1,8 % des propriétaires qui possèdent de 500 à 5000 hectares disposent de 85,3 % des terres. Par ailleurs, il y a en Bolivie plus de 100 000 paysans sans terre.

En 1996 a été promulguée la nouvelle loi de réforme agraire (loi INRA) dans le but de mettre un terme à la dotation illégale de terres et de corriger les inégalités au niveau de la distribution. Cette loi repose sur l’assainissement, la conversion et la dotation de terres qui ne remplissent pas leur fonction économique et sociale. Jusqu’à présent, ces mesures n’ont pas abouti à une résolution des problèmes de distribution des terres en Bolivie. L’Institut national pour la réforme agraire n’a pas réussi à transférer à l’État les propriétés abandonnées, en friche ou illégales. Celles-ci devraient revenir prioritairement aux communautés sans terre et aux peuples indigènes. Ceci est dû en partie aux ambiguïtés de la loi INRA et de son règlement, mais surtout à la soumission des pouvoirs de l’État aux pressions de la classe influente des propriétaires fonciers de Bolivie, qui s’opposent aux changements au niveau de la structure foncière.

Confrontés à l’injuste distribution de terres et ayant perdu l’espoir que soient mises en œuvre les mesures adoptées par l’État, les familles paysannes décidèrent, au mois de mai 2000, d’organiser des noyaux de paysans sans terre et commencèrent à occuper les terres de grandes propriétés qui ne remplissaient pas leur fonction économique et sociale dans la province du Grand Chaco du Département de Tarija. Le 23 juin 2000, 180 familles ont réalisé la première occupation de terre d’une grande propriété dans la région de Yacuiba. Elles ont formé le noyau de paysans sans terre de Pananti. On compte aujourd’hui plus de 18 noyaux paysans. En juin 2001, le Mouvement des sans-terre de Bolivie s’est finalement officiellement constitué.

La réaction des grands propriétaires fonciers a été d’envoyer des paramilitaires à leur solde attaquer les noyaux paysans. Malgré les constantes dénonciations et les revendications, le gouvernement ne combat pas les groupes paramilitaires, il criminalise les sans terre et leurs organisations de soutien et ne remplit pas les accords passés avec les paysans.

Mettre en œuvre d’urgence la réforme agraire

La Bolivie a ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et est donc dans l’obligation au titre du droit international de respecter, de protéger et de garantir les droits des familles sans terre. L’État est donc dans l’obligation de protéger les paysans sans terre contre la violence des grands propriétaires terriens et de leurs groupes paramilitaires. De plus, comme l’État est dans l’obligation de garantir le droit à se nourrir des personnes dans le besoin et sans ressources, il doit soutenir ces personnes dans leurs efforts pour se nourrir. L’État doit donc être ouvert aux revendications des groupes marginalisés comme les sans-terre et doit mettre en place des programmes de réforme agraire pour faire face à la situation de manque subie par les personnes sans accès aux ressources productives. Le grand retard et le manque de volonté politique pour mettre en œuvre la réforme agraire constituent une violation des droits économiques et sociaux des familles sans terre de Bolivie, à laquelle s’ajoute la violation systématique de leurs droits civils et politiques.

***

Menaces sur les dirigeants du Mouvement des sans-terre

Le jeudi 13 décembre 2001 dans la localité bolivienne de Yacuiba, furent arrêtés le président du Mouvement des sans-terre de Bolivie, Ángel Durán et Hermelinda Fernández, présidente du Mouvement des sans-terre du Grand Chaco.

L’arrestation de ces militants luttant pour la réforme agraire s’est produite alors que le gouvernement du président Jorge Quiroga s’était engagé, dans un accord écrit avec la direction nationale du MST, à apporter toutes les protections nécessaires au président des sans-terre de Bolivie et de sa famille.

Les autorités de Yacuiba ont procédé à l’arrestation de Durán et Fernández au moment où ils faisaient volontairement des dépositions dans les locaux de la police technique judiciaire. Là, on leur dit qu’ils étaient appréhendés sous l’inculpation d’ " instigation et assassinat " à l’encontre d’un éleveur de bétail Teófilo Urzagaste.

Le " fou ", comme on appelait Urzagaste, mourut le 9 novembre quand un groupe paramilitaire, qu’apparemment il commandait, tendit une embuscade et assassina des paysans du Mouvement des sans-terre, en recommandant à la population qu’ils " soient éliminés où qu’ils soient ". Pour cette raison, on craint pour la sécurité des dirigeants paysans, spécialement pour Hermelinda Fernández qui a mis un enfant au monde il y a à peine une semaine...

La Voz de la Via Campesina


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2524.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Via Campesina (Honduras).

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