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DIAL 2937

COLOMBIE - A Bogotá, 47 000 écoliers reçoivent un « salaire » pour étudier

Susan Abad

vendredi 1er juin 2007, mis en ligne par Dial

L’idée d’un salaire citoyen est souvent présentée comme une façon d’assurer des conditions décentes de vie et d’exercice de la citoyenneté à tous les membres d’une société politique. Cet article, publié dans Noticias Aliadas, le 7 février 2007, présente l’application d’un principe similaire dans un secteur spécifique, l’éducation.


Grâce au programme de subvention conditionnée à l’assiduité scolaire, le gouvernement a trouvé une réponse audacieuse à la désertion scolaire : payer les élèves pour qu’ils aillent à l’école.

Cette initiative a vu le jour en 2005, sous forme d’un programme pilote, dans les localités populaires de Suba et San Cristóbal. Elle fait suite à une étude du Secrétariat d’éducation du district de Bogotá, révélant que 50% de l’absentéisme scolaire dans la capitale colombienne était dû à des raisons économiques.

N’ayant pas les moyens nécessaires pour s’acheter les uniformes et le matériel scolaires, ces enfants délaissaient l’école pour aller travailler. Il est également apparu qu’un nombre considérable de mineurs, s’ils venaient à l’école, consacraient leur temps libre au travail, ce qui affectait leurs résultats scolaires.

« La désertion scolaire se manifeste soit au cours de l’année scolaire, soit après, c’est-à-dire que l’enfant termine son année scolaire mais ne revient pas l’année suivante », explique Abel Cárdenas, Secrétaire d’éducation, ajoutant que ce dernier cas de figure « est le plus répandu, principalement chez les enfants terminant le primaire et le collège. Autrement dit, le taux d’absentéisme est le plus élevé chez les élèves âgés de 10 à 15 ans car ce sont ceux qui sont déjà capables de travailler ».

« L’idée était donc de parvenir à ce que l’enfant ne se sente plus obligé de travailler pour obtenir des ressources financières. Lui accorder une somme similaire à celle qu’il obtenait en travaillant a été la solution », explique t-il.

Ainsi, en janvier 2005, les élèves les plus pauvres des niveaux 10 et 11 – correspondant aux deux dernières années de lycée – des collèges de Bogotá, ont été invités à déposer une demande de bourse de 30 000 pesos par mois (environ 14 dollars), versée sur deux années scolaires. Ils doivent, pour la recevoir, satisfaire aux exigences scolaires colombiennes, à savoir assister régulièrement à 80% des cours et justifier leurs absences.

Le montant de la bourse a été fixé en fonction d’une étude du Secrétariat d’éducation du district de Bogotá sur le revenu des enfants salariés. Ladite étude a permis de déterminer la somme moyenne nécessaire aux étudiants pour subvenir à leurs besoins les plus importants, cette somme permettant par la même occasion de les garder dans le circuit scolaire et de faire revenir ceux qui en sont sortis. Selon Abel Cárdenas, « cette subvention a pour objectif de récupérer ceux qui ont abandonné leurs études, et éviter que ceux qui les poursuivent ne désertent ».

En 2005, il y a eu 17 000 demandes pour les 10 000 bourses qui, depuis cette date, sont attribuées par tirage au sort et versées en espèces tous les deux mois, directement à l’étudiant s’il a plus de 16 ans, ou à ses parents s’il s’agit d’un mineur.

Le bilan du premier programme ne s’appuie pas sur des données chiffrées, mais selon Abel Cárdenas, les enquêtes réalisées à ce sujet ont révélé que la somme versée était utilisée de façon très responsable. Les familles les plus pauvres l’ont destinée à l’alimentation des enfants et il a été constaté, par exemple, que les bénéficiaires de cette subvention ont consommé plus de viande que ceux qui n’en ont pas profité.

Il est également apparu que l’absentéisme a été moins élevé chez les 10 000 élèves qui ont reçu une bourse que chez les 7000 qui n’en ont pas reçu.

Cette expérience positive a permis qu’en 2006 – année au cours de laquelle, selon le Secrétariat d’éducation, la désertion scolaire a atteint 3,5% en cours d’année scolaire et 8% entre deux années scolaires à Bogotá – la subvention conditionnée à l’assiduité scolaire soit attribuée à 42 000 collégiens et lycéens.

La volonté de mettre un terme définitif à la déscolarisation à Bogotá se traduit aussi par d’autres stratégies, comme la gratuité des transports pour les écoliers et l’augmentation du nombre de places disponibles dans les écoles.

« A l’heure actuelle, 60% de l’éducation est publique et 40%, privée » explique Abel Cárdenas. « Nous avons la capacité de prendre en charge ces 60% et nous avons des places en trop. La couverture scolaire brute (ensemble des élèves inscrits sans distinction d’âge) de Bogotá est de 99% et la couverture nette (enfants en âge d’être scolarisés) est de 93% », assure t-il.

Il va d’ailleurs plus loin et annonce qu’à Bogotá, ils envisagent actuellement de sanctionner les parents qui n’envoient pas leurs enfants à l’école. Celle-ci est obligatoire de 5 à 15 ans en Colombie (de la maternelle au collège) et, selon Abel Cárdenas, si la ville s’efforce d’offrir suffisamment de places et que les parents n’inscrivent pas leurs enfants, ils manquent à leur obligation : l’éducation n’est pas simplement un droit mais également un devoir de la famille de l’enfant.

Près de 120 000 étudiants se sont inscrits pour obtenir l’une des 47 000 subventions qui seront attribuées en 2007 et qui ont coûté 23,8 milliards de pesos (10,7 millions de dollars) à la ville de Bogotá.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2937.
 Traduction de Gabrielle Luce-Véronique pour Dial.
 Source (espagnol) : Noticias Aliadas, 7 février 2007.

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