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DIAL 3221
MEXIQUE - L’EZLN annonce ses prochaines étapes : communiqué du 30 décembre 2012
Comité clandestin révolutionnaire indien – Commandement général de l’Armée zapatiste de libération nationale, Mexique
mercredi 16 janvier 2013, mis en ligne par
Nous publions ci-dessous le dernier communiqué de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN).
30 décembre 2012,
Au peuple du Mexique,
aux peuples et gouvernements du monde,
frères et sœurs,
camarades,
Le 21 décembre 2012, aux premières heures du jour, des dizaines de milliers d’Indiens zapatistes nous sommes mobilisés et avons occupé, pacifiquement et en silence, 5 chefs-lieux de commune dans l’État du Chiapas, au sud-est du Mexique.
Dans les villes de Palenque, Altamirano, Las Margaritas, Ocosingo, et San Cristobal de las Casas, nous vous avons regardé et nous nous sommes regardés nous-mêmes en silence.
Notre message n’est pas un message de résignation.
Ce n’est pas non plus un message de guerre, de mort et de destruction.
Notre message est de lutte et résistance.
Après le coup d’État médiatique, qui élevé au pouvoir exécutif fédéral l’ignorance mal dissimulée et encore plus mal maquillée, nous nous rendons présents pour leur faire savoir que s’ils ne sont jamais partis, nous non plus.
Il y a 6 ans, un segment de la classe politique et intellectuelle est parti chercher un responsable à leur déroute, en ce temps-là nous luttions, dans les villes et les communautés, pour que justice soit rendue à un Atenco [1] qui n’était pas alors à la mode.
À cette occasion, ils nous ont d’abord calomnié puis ont voulu nous faire taire.
Incapables et trop malhonnêtes pour se rendre compte qu’en eux-mêmes ils avaient et ont toujours le levain de leur ruine, ils ont voulu nous faire disparaitre par le mensonge et le silence complice.
6 ans après, deux choses sont claires :
Ils n’ont pas besoin de nous pour échouer.
Nous n’avons pas besoin d’eux pour survivre.
Nous, nous ne sommes jamais partis, à la différence de ce que les médias de tout l’échiquier politique ont cherché à vous faire croire, et nous resurgissons comme Indiens zapatistes que nous sommes et que nous serons.
Durant ces années nous sommes devenus plus forts, et nous avons significativement amélioré nos conditions de vie, notre niveau de vie est supérieur à celui de communautés indiennes affiliés aux gouvernements du moment, qui reçoivent les aumônes et gaspillent en alcool et articles inutiles.
Nos maisons s’améliorent sans abimer la nature, à lui imposer des chemins qui lui sont étrangers.
Dans nos villages, la terre qui, avant, servait à engraisser les bovins de grands propriétaires, est désormais utilisée pour le maïs, les haricots et les légumes qui illuminent nos tables.
Notre travail reçoit la double satisfaction de nous fournir le nécessaire pour vivre honorablement et de contribuer à la croissance collective de nos communautés.
Nos enfants vont à une école qui leur enseigne leur propre histoire, celle de leur patrie et celle du monde, de même que les sciences et les techniques nécessaires pour croître sans cesser pour autant d’être indiens.
Les Indiennes zapatistes ne sont pas vendues comme des marchandises. Les Indiens priistes [2] viennent dans nos hôpitaux, cliniques et laboratoires, parce que dans ceux du gouvernement, il n’y a pas de médicaments, ni d’appareils, ni de docteurs et de personnel qualifié.
Notre culture fleurit, non pas isolée, mais enrichie par le contact avec les cultures des autres peuples du Mexique et du monde.
Nous gouvernons et nous nous gouvernons nous-mêmes, cherchant toujours en premier lieu l’accord plutôt que la confrontation.
Tout cela a été obtenu non seulement sans le gouvernement, la classe politique et les médias qui les accompagnent, mais aussi en résistant à leurs attaques de tout type.
Nous avons démontré, une fois de plus, que nous sommes qui nous sommes. Avec notre silence nous nous sommes rendus présents.
Maintenant avec notre parole nous annonçons que :
Premièrement.- Nous renforcerons et consoliderons notre appartenance au Congrès national indien, espace de rencontre avec les peuples originaires de notre pays.
Deuxièmement.- Nous reprendrons contact avec nos camarades ayant adhéré-e-s à la Sixième Déclaration de la forêt lacandone, au Mexique et dans le monde.
Troisièmement.- Nous essayerons de construire les ponts nécessaires vers les mouvements sociaux qui ont surgi et surgiront, non pas pour diriger ou supplanter, mais pour apprendre d’eux, de leur histoire, de leurs chemins et destins. Pour cela, nous avons obtenu le soutien d’individus et de groupes dans différentes parties du Mexique, organisés comme équipes d’appui de la Sixième Commission et de la Commission internationale de l’EZLN, afin qu’il se convertissent en courroies de communication entre les bases d’appui zapatistes et les individus, groupes et collectifs adhérant à la Sixième Déclaration, au Mexique et dans le monde, qui conservent leur conviction et leur engagement pour la construction d’une alternative non institutionnelle de gauche.
Quatrièmement.- Se prolongera notre distance critique face à la classe politique mexicaine, qui, dans son ensemble, n’a fait que prospérer aux dépens des besoins et des attentes des gens humbles et simples.
Cinquièmement.- Concernant les mauvais gouvernements fédéraux, des États et des municipalités, exécutifs, législatifs et judicaires, et aux médias qui les accompagnent, nous disons ce qui suit :
Les mauvais gouvernements de tout l’échiquier politique, sans aucune exception, ont fait tout leur possible pour nous détruire, pour nous acheter, pour nous soumettre. PRI, PAN, PRD, PVEM, PT, CC et le futur parti de RN nous ont attaqués militairement, politiquement, socialement et idéologiquement.
Les grands médias de communication ont essayé de nous faire disparaitre, d’abord par la calomnie servile et opportuniste, ensuite par le silence rusé et complice. Ceux qu’ils ont servi et que les ont allaités d’argent ne sont plus là. Et ceux qui maintenant prennent la relève ne dureront pas plus que leurs prédécesseurs.
Comme c’était évident le 21 décembre 2012, vous avez tous échoué !
Il revient donc au gouvernement fédéral, exécutif, législatif et judiciaire, à décider s’il retombe dans la politique contre-insurrectionnelle qui a seulement obtenu une faible simulation maladroitement soutenue par le traitement médiatique, ou s’il reconnait et tient ses engagements élevant au rang constitutionnel les droits et la culture indiennes, comme l’ont établi les dénommés « Accords de San Andrés », signés par le gouvernement fédéral en 1996, conduit alors par le même parti qui est aujourd’hui à l’exécutif.
Il revient au gouvernement de l’État de décider s’il continue la stratégie malhonnête et vile de son prédécesseur, qui, en plus d’être corrompu et menteur, a utilisé l’argent du peuple du Chiapas pour son enrichissement et celui de ses complices, et s’est dédié à l’achat effronté de voix et de plumes dans les médias, pendant qu’il plongeait le peuple du Chiapas dans la misère, en même temps qu’il utilisait policiers et paramilitaires pour essayer de freiner l’avancée organisatrice des peuples zapatistes ; ou à l’inverse, avec vérité et justice, accepte et respecte notre existence et se fait à l’idée que fleurit une nouvelle forme de vie sociale en territoire zapatiste, Chiapas, Mexique. Un fleurissement qui attire l’attention de personnes honnêtes sur toute la planète.
Il revient aux gouvernements municipaux de décider s’ils continuent d’avaler les couleuvres dont les organisations antizapatistes ou supposées « zapatistes » se servent pour leur extorquer des fonds afin d’agresser nos communautés ; ou s’ils utilisent mieux cet argent pour améliorer les conditions de vie de leurs gouvernés.
Il revient au peuple du Mexique qui s’organise sous des formes de lutte électorale et résiste, de décider s’il continue à voir en nous des ennemis ou des rivaux sur lesquels décharger sa frustration au sujet des fraudes et des agressions dont, en fin de compte, nous souffrons tous, et si dans sa lutte pour le pouvoir il continue à s’allier avec nos assaillants ; ou, s’il reconnaît finalement en nous une autre forme de faire de la politique.
Sixièmement.- Dans les prochains jours, l’EZLN, à travers sa Sixième Commission et sa commission internationale, fera connaitre une série d’initiatives, de caractère civil et pacifique pour continuer à cheminer aux côtés des autres peuples originaires du Mexique et de tout le continent, ainsi qu’avec toutes celles et tous ceux qui, au Mexique et dans le monde entier, résistent et luttent, en bas et à gauche.
Frères et sœurs,
camarades,
Avant nous avions la chance d’avoir une attention honnête et noble de divers médias de communication. Nous en étions alors reconnaissants. Mais ceci a été complètement effacé par leur attitude postérieure.
Ceux qui ont parié que nous n’existions que médiatiquement et que, encerclés par les mensonges et le silence, nous disparaîtrions, se sont trompés.
Quand il n’y avait pas de caméras, de microphones, de plumes, d’oreilles et de regards, nous existions.
Quand ils nous ont calomniés, nous existions.
Quand ils nous ont réduits au silence, nous existions.
Et nous voilà, existant !
Notre chemin, comme cela a été démontré, ne dépend pas de l’impact médiatique, mais de la compréhension du monde et de ses parties, de la sagesse indienne qui règle nos pas, de la décision inébranlable qui donne la dignité en bas et à gauche.
À partir de maintenant, notre parole va commencer à être sélective dans leurs destinataires et, sauf en ces occasions comptées, pourra seulement être comprise par ceux qui ont marché et marchent avec nous, sans s’abandonner aux modes médiatiques et conjoncturelles.
Ici, avec bon nombre d’erreurs et beaucoup de difficultés, est désormais réalité une autre façon de faire de la politique.
Peu, très peu, auront le privilège de la connaître et d’apprendre d’elle directement.
Il y a 19 ans, nous vous surprenions en prenant avec feu et sang vos villes. Maintenant, nous le faisons de nouveau, sans armes, sans mort, sans destruction. Nous nous différencions ainsi, de ceux qui, durant leurs gouvernements, semaient et sèment la mort parmi leurs gouvernés.
Nous sommes les mêmes d’il y a 500 ans, d’il y a 44 ans, d’il y a 30 ans, d’il y a 20 ans, d’il y a à peine quelques jours.
Nous sommes les zapatistes, les plus petits, ceux qui vivent, luttent et meurent dans le dernier recoin de la patrie, ceux qui n’abandonnent pas, ceux qui ne se vendent pas, ceux qui ne se rendent pas.
Frères et sœurs,
camarades,
nous sommes les zapatistes, recevez une accolade.
Démocratie !
Liberté !
Justice !
Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain.
Pour le Comité clandestin révolutionnaire indien – Commandement général de l’Armée zapatiste de libération nationale.
Sous-commandant insurrectionnel Marcos.
Mexique. Décembre 2012 – janvier 2013.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3221.
– Traduction Dial.
– Source (espagnol) : Enlace Zapatista, 30 décembre 2012.
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, les traducteurs, la source française (Dial - www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
[1] En mai 2006, à San Salvador Atenco dans l’État du Mexico, des centaines de personnes mobilisées ont été arrêtées par la police et ont subi pendant leur détention différents types de violences. Au moins 27 femmes ont été violées par des policiers – note DIAL.
[2] Du nom du Parti Révolutionnaire Institutionnel – note DIAL.