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DIAL 3027

AMÉRIQUE LATINE - La théologie indienne dans l’Église, un bilan après la rencontre d’Aparecida, première partie

Eleazar López Hernández

samedi 1er novembre 2008, mis en ligne par Dial

Eleazar López Hernández, dont Dial a déjà publié plusieurs textes [1] est membre de l’équipe d’assesseurs du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM) pour les affaires indiennes et il a participé comme membre de l’équipe de théologiennes et théologiens d’Amerindia à la Conférence d’Aparecida. Aparecida a été la 5ème Conférence générale de l’épiscopat latino-américain (mai 2007), après celles de Rio (1955), Medellin (1968), Puebla (1979), Saint-Domingue (1992).

L’auteur est zapotèque, un peuple de l’État mexicain de Oaxaca, sur la côte Pacifique. Plusieurs de ses textes théologiques ont été publiés en français dans Sagesse indigène. La théologie indienne latino-américaine, sous la direction conjointe de Alain Durand et Eleazar López Hernández, éditions du Cerf/Dial, Paris, 2002. La deuxième partie du texte sera publiée dans le numéro de décembre. [2]


Centre national d’aide aux missions indiennes, 12 décembre 2007.

Introduction

Toute théologie, chrétienne ou non, a pour tâche primordiale de parler de l’expérience de Dieu que nous avons, nous les personnes et les communautés croyantes ; ainsi nous rendons compte de l’espérance transcendante qui anime notre vie au milieu des occupations dans les temps et lieux où nous évoluons. La théologie ne naît pas de la connaissance froide et abstraite d’une réalité objectivée, qui est là en face de nous, mais d’un contact personnel et rapproché avec Dieu, qui nous comble et nous enveloppe de son être et de son action. Parler de théologie comme science, ce n’est pas signifier qu’elle vient d’une façon rigoureusement aseptique de mesurer les qualités de Dieu vu en lui même, mais qu’elle est le fruit de cette étreinte vivifiante de l’amour divin ; c’est ce qui résulte du fait d’avoir expérimenté et savouré la douceur et la miséricorde du Créateur ou Formateur de tous, du Sauveur du monde. Aussi ne peut-on pas parler de Dieu, si auparavant on n’a pas parlé avec Dieu découvert dans la vie.

La théologie, parce qu’elle est une parole qui essaie d’expliquer la rencontre de l’immensité divine avec la finitude humaine, n’est jamais pour nous qu’une approche imparfaite de Celui en qui nous avons la vie, la croissance et l’être (cf. Actes 17,28), Celui qui est des deux côtés, en arrière et en avant, en bas et au-dessus de nous ; Lui qui est tout près et tout contre, et qui habite notre cœur. Cet être au-delà de tout. C’est une tâche quasi impossible de communiquer aux autres le mystère de Dieu tel que nous l’éprouvons. Pour cette raison, parce que la théologie s’applique à élucider ce qui ne rentre dans aucune des catégories de la connaissance humaine, elle a besoin d’aller au-delà du langage discursif, lequel s’occupe d’élaborer des idées claires et distinctes, pour aller naviguer dans le langage symbolique et l’analogie, de façon a se faire entendre, en appliquant à Dieu les meilleures métaphores de l’expérience humaine.

Suivant le schéma chrétien, nous reconnaissons que Dieu, étant absolument transcendant, se communique et nous sauve, en venant à la rencontre de nos limites et en utilisant les médiations qui sont à notre portée, au point d’envoyer son Fils qui se fond totalement avec notre réalité humaine et apparaît entièrement semblable à nous, excepté le péché. La théologie chrétienne suppose nécessairement un don surnaturel qui pallie nos déficiences naturelles pour faire comprendre la pleine révélation de Dieu en Jésus-Christ.

En ce sens, ce que nous appelons théologie indienne consiste à vivre, à célébrer et à communiquer l’expérience de Dieu qui a accompagné nos ancêtres dans leur long processus de nomadisme, de sédentarisation et de fondation de hautes civilisations et cultures ; c’est la sagesse théologique qui a aidé nos aînés à maintenir la résistance et l’identité propre dans le contexte de la conquête et de la colonisation européennes ; et c’est aussi la perspective religieuse qui oriente et donne un sens transcendant à notre lutte actuelle pour obtenir la place que nous méritons dans l’Histoire et dans l’Église.

La théologie indienne ne date pas d’aujourd’hui, elle chemine depuis des siècles et des millénaires, mais elle est tout aussi neuve et actuelle pour les communautés indiennes parce qu’elle continue à répondre à leurs nécessités d’aujourd’hui. Elle n’est pas le fruit de la conjoncture, du fait qu’elle naît et s’enracine dans le terreau de l’existence indienne, mais elle répond à la conjoncture présente en assumant ses multiples défis.

Elle ne vient pas de l’institution ecclésiastique, car elle lui est antérieure comme théologie populaire, mais elle se meut et prend forme dans les espaces ecclésiaux dans lesquels on lui permet de fructifier. Ce n’est pas au départ une affaire de livres car elle prend appui sur la tradition orale des femmes et des hommes sages de nos peuples, mais voici qu’elle apprend à s’exprimer aussi dans l’écriture et la logique des livres. Elle germe et fleurit par les montagnes, mais nous sommes aussi en mesure de la porter dans les forums et les places des villes. La théologie Indienne peut être nommée au singulier parce que nous, les peuples de ce continent, nous sommes une fraternité du fait de l’unité de notre héritage millénaire, de l’unité de la souffrance provoquée par les 500 ans, et de l’unité de nos luttes actuelles pour la libération ; mais la théologie indienne est aussi plurielle car elle prend concrètement beaucoup de visages selon le contexte économique, social, culturel et religieux de chaque communauté à chaque moment.

La théologie indienne, même si elle a toujours existé, n’a pas toujours été estimée à sa juste valeur, parfois par les indiens eux-mêmes. En 1990 elle resurgit dans l’Église, en secouant les poussières du chemin ou des recoins de maison où on l’avait reléguée ; et désormais elle a effectué une rapide progression qui en a fait un thème d’intérêt croissant dans les assemblées, les congrès, les symposiums, les conférences épiscopales et ecclésiales. Déjà à Saint-Domingue (1992) on en a parlé indirectement, car l’Église s’est engagée avec les peuples indiens à « accompagner leur réflexion théologique, en respectant leurs formes culturelles propres, qui les aident à rendre compte de leur foi et de leur espérance ». [3]

Mais maintenant à Aparecida (2007), même si on n’a pas pu placer le mot « théologie indienne » dans le document officiel, non pour des raisons de fond mais de forme, elle a donné explicitement matière à de nombreux débats. De façon que nous sommes dans une étape nouvelle pour la théologie indienne ; étape chargée de promesses et d’espérances – quoique marquée encore par des peurs et des incertitudes – qu’il vaut la peine d’analyser pour entrevoir quel futur attend cette théologie, dans l’Église ou en dehors d’elle.

Aparecida et la théologie indienne

Même si on doit reconnaître que dans l’Église aucun document du Magistère pontifical ou épiscopal n’est en soi le point de départ de nouveaux processus ecclésiaux, parce que chacun de ces documents reflète seulement le consensus obtenu jusqu’à cette date et qu’il tend à renforcer ou nuancer ce que les bases ecclésiales ont déjà mené à bien, Aparecida marque pourtant, selon moi, un moment d’importance à l’intérieur de notre Église, qui peut être le début d’une nouvelle étape ecclésiale surtout en ce qui concerne la cause indienne. Il y a plusieurs signes de ce moment nouveau, et nous, les Indiens, sans le vouloir, nous en sommes arrivés à être un indicateur important. Les rôles qui ont été les nôtres avant, pendant et maintenant après Aparecida donnent une idée de cette relation intraecclésiale nouvelle qui se construit.

Aparecida est le reflet de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être comme Église latino-américaine. Et, en ce sens, même si c’était seulement une réunion épiscopale, finalement ce fut comme une partie où nous avons interagi, nous les différents groupes de fidèles chrétiens qui forment l’Église en Amérique latine. Chacun a joué, en mettant en œuvre la stratégie qu’il croyait la plus adéquate, et il a obtenu ce qu’il voulait dans la mesure où il a su se mouvoir sur le terrain de jeu en observant les règles, en tenant compte également de la force et de la stratégie des équipes adverses. Certes, elles ont mis des buts aux Indiens et à nos compagnons d’équipe, − cela on ne peut pas le nier − mais nous aussi à Aparecida nous avons marqué des buts. Et cela compte beaucoup et il faudra faire, en fin de partie, une évaluation sérieuse et sereine de ce qui s’est passé, pour tirer les leçons que ce grand événement laisse à notre Église et aux peuples indiens du continent.

Les Indiens et la préparation d’Aparecida

C’est un fait que beaucoup de membres de notre Église n’ont pas vu l’intérêt de prendre part à la préparation d’Aparecida. Le désenchantement et la désillusion qui atteignent les gens du fait de la perte de crédibilité et de signification de l’Église, ont eu une influence sur beaucoup de croyants catholiques qui ne se sont pas tellement sentis encouragés à faire un apport en vue de déclarations pastorales que d’avance ils imaginaient comme devant être sans importance ou de peu de répercussion. Par contre, nous, les Indiens, nous sommes intervenus, comme toujours, en tous les lieux et par tous les mécanismes de consultation que les pasteurs ont mis à disposition de tous en vue d’Aparecida. Nous avons répondu aux fiches et questionnaires du Document de préparation (DP). Nous avons fait beaucoup d’apports qui exprimaient notre parole, mais nous avons encore fait des observations critiques concernant les guides, la perspective méthodologique et les grands silences du DP. Nous avons dit clairement ce que nous pensions :

« L’analyse faite dans le DP de la mondialisation néolibérale, laquelle est imposée aux masses, est trop light, c’est à dire qu’on ne prend pas position de manière critique face aux défis que cette mondialisation présente. Il faut un appel prophétique plus tranché, qui démasque le mal inclus dans ce modèle de société. Face à cette société organisée suivant des paramètres antiévangéliques, nous devons renouveler notre capacité prophétique pour annoncer la libération des pauvres et pour dénoncer les causes de leur infortune. Nous ne pouvons pas continuer avec des attitudes tièdes et ambiguës. On note dans le DP des omissions et des silences importants, qu’il faudra combler avec les contenus nécessaires. Même si on y trouve mentionnés les faits historiques de la vie de l’Église latino-américaine, ces faits ne sont pas connectés suffisamment avec l’histoire du cheminement prophétique et pastoral de l’Église latino-américaine, qui a cherché à parler et agir à partir des majorités pauvres du continent. Dans le DP on présente les choses comme si ce cheminement ecclésial latino-américain n’avait pas existé. L’Église n’invente pas à chaque instant son action dans le peuple ; elle a une histoire sur laquelle elle s’adosse, une tradition qui lui donne sens, et avec laquelle elle établit un lien de continuité. Si nous oublions ce référent qu’est la tradition nous devenons des girouettes, le vent des conjonctures sociales nous fait perdre le cap et nous ne servons plus pour orienter » [4].

Nous avons fait également des rencontres organisées spécialement pour les Indiens (prêtres, religieuses, laïcs) avec des méthodologies et perspectives plus en accord avec notre manière d’être. Là nous avons élaboré avec une plus grande liberté nos réflexions et nous les avons fait parvenir aux organisateurs de la Conférence. Par exemple nous les prêtres indiens du Mexique, réunis à Puerto Escondido, Oaxaca, sur convocation de la Commission Episcopale pour les Indiens, nous avons exprimé ainsi nos préoccupations :

« Parfois, nous ne pouvons ou ne savons pas comment mettre en œuvre le sens critique de l’histoire de l’Église ; car nous croyons que l’Église c’est historiquement le bien, et que les mauvais ce sont les autres, les conquistadors. La vérité c’est que l’Église n’est pas venue dans un autre bateau, mais dans le même bateau que les conquistadors et pour la même entreprise ; elle a été utilisée pour l’implantation de la société coloniale. Elle a réalisé la conquête spirituelle des peuples, comme idéologie de la conquête matérielle. C’est une vérité que nous ne pouvons pas nier ».

« Reconnaître la vérité historique nous rendra libres. Quand nous reconnaîtrons ce qui s’est passé et notre responsabilité d’Église dans ces événements, cette vérité nous purifiera et nous pourrons changer d’attitude, nous pourrons descendre du bateau des puissants et monter dans le canoë des pauvres. L’Église ne descend toujours pas du bateau du système ; mentalement elle y est encore. Aujourd’hui nous nous trouvons de nouveau devant le problème des groupes de pouvoir qui veulent manipuler l’Église au service du système dominant … lesquels ouvertement ou sournoisement se posent et se maintiennent en faveur de l’ordre établi et contre nous qui avons des options qui nous unissent aux pauvres et aux exclus […]. »

« Si les missionnaires se sont unis à ceux qui sont venus soumettre les Indiens à la société coloniale, ils n’ont pas pu montrer la vérité sur Dieu et sur l’homme, au moins pas de manière adéquate, et même ils ont rabaissé et avili la vérité sur Dieu et sur l’humanité que ces peuples avaient déjà. Une évangélisation menée avec l’épée n’est pas une véritable évangélisation. Cela, Fr. Bartolomé de las Casas l’a dit à son époque dans son livre De l’unique façon d’attirer à la véritable religion. »

« Maintenant on continue à agir comme il y a 500 ans, beaucoup continuent à penser que nous les Indiens nous ne connaissons pas Dieu, ni Jésus-Christ, ou bien ils doutent que vraiment nous nous soyons convertis a la foi chrétienne. Mais la vérité c’est qu’ici Dieu était déjà présent, déjà se trouvait ici le Fils de Dieu, déjà l’Esprit. Et non seulement en germe, mais mûr et portant du fruit, grâce à la manière dont nos ancêtres ont correspondu aux inspirations de Dieu dans leur histoire et dans leur culture. Le service que pouvait rendre l’Église missionnaire était d’expliciter et d’amplifier cette présence de Dieu pour rendre possible la communion, la catholicité des Indiens dans un peuple de Dieu fait de beaucoup de peuples ; mais cela l’Église ne l’a pas fait. »

« Si aujourd’hui on étouffe la voix et l’apport indien, les peuples perdent, mais aussi l’Église perd l’occasion historique de changer les choses […]. »

« Nous, les Indiens, nous sommes des peuples profondément religieux et avons beaucoup à apporter à l’Église et, avec elle, à apporter à cette société qui a perdu son sens religieux. Notre perspective religieuse coïncide merveilleusement avec la proposition de NS Jésus-Christ, parce qu’elle est intégrale, elle est antisystémique et rêve qu »un autre monde est possible ». L’Église gagnera beaucoup si elle s’ouvre et incorpore décidément les Indiens dans son sein. C’est le moment de mettre un terme définitif à la plainte de Juan Diego devant Tonantzin Guadalupe : “Tu m’envoies à un endroit [5] où il n’y a pas de route et pas de halte pour moi”, en faisant le nécessaire pour inclure non seulement des individus indiens pris un par un, mais des peuples avec leur histoire, avec leurs organisations, leurs cultures et leur expérience religieuse ; avec leur théologie et leur forme autochtone de ministères. » [6]

Avec les responsables de la pastorale indienne latino-américaine nous avons formé une Équipe d’experts et d’expertes indiens et indianistes en vue d’apporter notre voix à ceux qui allaient débattre à Aparecida [7]. Ce travail s’est fait dans le cadre du 3ème Symposium latino-américain de théologie indienne organisé par le CELAM au Guatemala, en octobre 2006, sur le sujet de la christologie indienne. Là ont été créées les conditions nouvelles de dialogue intraecclésial, et cela a été exprimé dans le message final du Symposium :

« Au terme du Symposium nous rendons grâces à Dieu pour les dons reçus et pour les grandes avancées que nous avons opérées. Certainement, nous pouvons maintenant dans le milieu ecclésial regarder de manière plus tranquille et confiante les légitimes différences théologiques, les apports spécifiques des Indiens et les préoccupations doctrinales des pasteurs de l’Église. Nous avons les uns et les autres perçu notre besoin de “rendre compte de notre espérance” avec des arguments valides et surtout avec une vie menée en cohérence ».

« Après l’expérience vécue au Symposium, nous pouvons affirmer qu’il est possible de cheminer ensemble, unis dans la foi et dans l’amour de Dieu, évêques, théologiens et agents pastoraux, nous qui accompagnons les communautés dans l’acculturation de l’Évangile de Jésus-Christ à partir de la vie et de la réflexion théologique des peuples indiens. Cela nous réjouit de pouvoir vérifier une fois de plus, que Jésus-Christ, prêtre et prophète, n’est pas un problème pour les peuples indiens ; il a été annoncé et reçu, il est vécu, pensé et célébré par les croyants indiens de manières très variées, selon leurs cultures et leurs expériences religieuses ancestrales. Cela nous engage comme Église à regarder le Seigneur dans les visages des fils de ces peuples et de leurs petits. » [8]

Le document de synthèse pour Aparecida, qu’une équipe spécialement désignée par le CELAM a mis plusieurs semaines à élaborer, a recueilli tous les apports des Conférences épiscopales du continent, et les a condensés dans un écrit dans lequel se sont retrouvées aussi les voix indiennes réunies dans un ensemble très vaste qui nous a tous complètement satisfaits, mais encore a aidé à mettre en relief les lignes fondamentales du cheminement et des recherches de nos Églises particulières.

Les Indiens pendant Aparecida

Dans ce chapitre il convient de rappeler qu’à Saint-Domingue (1992), pour la célébration, à la date emblématique qu’était le terme des 500 ans, de ce qu’on a appelé « rencontre de deux mondes », il y eut une participation indienne dans la préparation [9] et surtout à l’inauguration de la 4ème Conférence générale de l’Episcopat latino-américain pendant que le pape Jean-Paul II était présent, inauguration où on a fait étalage du folklore indien. Pendant les débats cette participation n’a plus été aussi évidente ; et, pourtant, finalement cette occasion a permis de faire entrer quelques questionnements et propositions dans le sens d‘une nouvelle relation de l’institution ecclésiastique avec les peuples indiens. Sur la base des résultats inscrits dans le document final de Saint-Domingue, on peut affirmer, comme l’a fait Mgr Bartolomé Carrasco Briseño, Archevêque d’Oaxaca, à la tête d’autres évêques de la Région Pacifique Sud, que :

« Saint-Domingue restera dans l’histoire comme la Conférence de l’acculturation de l’Évangile et de la pastorale indienne. Pratiquement tous les sujets ordinaires venant de la pastorale ont été abordés à Saint-Domingue et, on peut le dire, avec la fraîcheur originelle qui est la leur dans les bases populaires, bien que certains n’aient pas apprécié suffisamment ces sujets ou même aient voulu limiter l’espace qui leur a été attribué. » [10]

Ce qui s’est passé à Aparecida a été une avancée par rapport à Saint-Domingue, car cette fois la voix indienne a résonné plus fort grâce aux évêques qui la transmirent et surtout grâce à nous-mêmes les Indiens qui l’avons propulsée du dehors et aussi de l’intérieur de la Conférence. Cinq des experts désignés par le CELAM parmi les assesseurs pour les affaires indiennes ont été repris comme délégués ou experts de la 5ème Conférence [11] ; de plus, des épiscopats de plusieurs pays comme le Brésil, le Guatemala, Panama, l’Équateur et la Bolivie ont désigné comme représentants des évêques engagés dans la cause indienne. Ainsi la voix indienne est parvenue très renforcée à Aparecida, ce à quoi elle s’était préparée.

À l’inauguration le Pape Benoît XVI a fait l’éloge de l’œuvre des premiers missionnaires, en même temps que de la prédisposition des Indiens pour l’Évangile du Christ car « la sagesse des peuples originaires les a heureusement portés à former une synthèse entre leurs cultures et la foi chrétienne que les missionnaires leur offraient. Ainsi est née la riche et profonde religiosité populaire, dans laquelle transparaît l’âme des peuples latino-américains… Tout cela a formé la grande mosaïque de la religiosité populaire qui est le trésor précieux de l’Église catholique en Amérique latine, et qu’elle doit protéger, promouvoir et aussi, dans la mesure du nécessaire, purifier ». [12]

Mais deux phrases du Pape dans son discours inaugural, où il affirma que : « l’annonce de Jésus et de son Évangile n’a en aucun moment supposé une aliénation des cultures précolombiennes et n’ pas été l’imposition d’une culture étrangère », et quand il ajouta : « L’utopie qui consisterait à redonner vie aux religions d’avant Colomb, en les séparant du Christ et de l’Église universelle, ne serait pas un progrès, mais un recul.En réalité ce serait un repli vers un moment historique ancré dans le passé » [13], provoquèrent une réaction violente de leaders indiens de tout le continent ; ce qui fit naître une tension à la Conférence d’Aparecida et qui exigea d’elle éclaircissements et rectifications.

La voix de ces leaders indiens du Brésil, Chili, Pérou, Guatemala, a été fort tranchante et ceux d’Équateur l’ont exposé de la manière suivante :

« Nous les peuples et nationalités indiennes du continent d’Abya Yala (Amérique) nous repoussons énergiquement les déclarations émises par le Souverain Pontife en ce qui a trait à notre spiritualité ancestrale […]. »

« Si nous analysons avec une élémentaire sensibilité humaine, sans fanatisme d’aucune espèce, l’histoire de l’invasion d’Abya Yala, réalisée par les Espagnols avec la complicité de l’Église Catholique, nous ne pouvons que nous indigner. Assurément le Pape méconnaît le fait que les représentants de l’Église catholique de cette époque, à part d’honorables exceptions, ont été les complices, ont couvert et sont devenus les bénéficiaires d’un des génocides les plus horribles que l’humanité ait pu connaître ».

« Plus de 70 millions de morts [14] dans les camps de concentration des mines, des champs et des fabriques ; des nations et des peuples entiers ont été rasés, il suffit de voir le cas de Cuba, et pour remplacer les morts ils ont amené les peuples noirs qui subirent un destin malheureux ; ils ont usurpé les richesses de nos territoires pour sauver économiquement leur système féodal ; les femmes ont été lâchement violées et des milliers d’enfants sont morts de dénutrition et de maladies non identifiées. Tout cela ils l’ont fait selon le présupposé philosophique et théologique que nos ancêtres “n’avaient pas d’âme”. A côté des assassins de nos héroïques dirigeants il y avait toujours un prêtre ou un évêque pour endoctriner le ou la condamné(e) à mort, pour qu’on soit baptisé avant de mourir, et naturellement qu’on renonce à ses conceptions philosophiques et théologiques […]. »

« Les Églises chrétiennes et de manière particulière l’Église catholique ont une immense dette envers le Christ, envers les pauvres du monde, et envers nous , les peuples et nationalités indiennes qui avons fait face à une telle barbarie. Quand bien même l’État espagnol et le Vatican ne pourraient nous dédommager des conséquences de ce monstrueux génocide, le chef de l’Église catholique devrait au moins reconnaître l’erreur commise, comme l’a fait son prédécesseur Jean-Paul II en ce qui concerne l’holocauste nazi, et apprendre de Jésus que, étant Christ et devant livrer son message c’est avec respect qu’il s’est incarné dans la culture du peuple hébreu, et qu’il a été cohérent quand il a prêché le message par l’exemple en assumant toutes les conséquences de cette pratique. » [15]

Cette voix indienne claire et forte nous a mis terriblement mal à l’aise évêques, théologiens et invités d’Aparecida, mais a joué aussi pour qu’on prenne plus au sérieux dans l’Église la cause indienne. Voilà que s’accomplissait la prophétie de Mgr Leonidas Proaño, quand il exprima à la fin de sa vie :

Les Indiens « ont commencé à ouvrir les yeux, ils ont commencé à voir clair, ils ont commencé à délier leur langue, ils ont commencé à récupérer leur parole, ils ont commencé à la dire avec courage, ils ont commencé à se mettre debout, ils ont commencé à cheminer, ils ont commencé à s’organiser, à réaliser des actions qui peuvent devenir des actions d’une importance absolue pour eux, pour les pays d’Amérique, pour beaucoup de pays du monde ». [16]

S’accomplissait également la réflexion visionnaire de Don Bartolomé Carrasco, le tata (petit père) des Indiens d’Oaxaca, exprimée à l’occasion de l’émergence indienne des années 90 :

« Avec ces Indiens mûrs et adultes, – qui ont acquis conscience, voix, et organisation propre –, nous devons discuter, désormais, nos propositions pastorales. Peu importe si, pour le moment, ce ne soit pas eux le secteur majoritaire de la population indienne. Car, que nous le voulions ou non, ce sont eux actuellement la conscience critique des autres ; de façon que tôt ou tard leur voix occupera une place encore plus large. N’ayons pas peur de ce défi, car de là ils sortiront, eux, plus mûrs dans leur personnalité, et notre Église se purifiera, en se faisant plus transparente et en cohérence plus nette avec sa mission qui n’est pas colonisatrice, mais évangélisatrice ». [17]

Aussi à Aparecida plusieurs évêques ont pris sur eux de défendre ouvertement, et par moments à contre-courant, les propositions indiennes et les avancées obtenues dans l’Église en ce qui concerne les ministères autochtones et la théologie indienne. Ils n’ont pas obtenu tout ce qu’il aurait fallu, mais ils ont montré jusqu’où ils étaient disposés à aller dans cette voie pour la défense des droits indiens non seulement dans la Société mais aussi dans l’Église. Mgr Alvaro Ramazini, président de la Conférence épiscopale de Guatemala, l’a exprimé dans les termes suivants, deux jours après que le Pape eut prononcé son discours inaugural :

« Les peuples indiens du continent, tout en cherchant à se raffermir dans leur identité et en revendiquant leurs droits, subissent les conséquences du libéralisme économique de différentes façons. Ces peuples avec leurs valeurs contribuent à ouvrir la possibilité d’un avenir meilleur pour l’humanité entière. Eux dans leur perspective religieuse intégrale mêlent Dieu à toutes les réalités humaines et attendent de l’Église catholique une attitude de profond amour, de respect, d’estime et de reconnaissance de ce qu’ils sont. Le processus d’une véritable acculturation de l’Évangile et le développement d’une réflexion théologique à partir de leurs réalisations culturelles concrètes, - étant entendu que "le Christ, étant réellement la Parole faite chair, l’amour jusqu’à l’extrême, n’est étranger à aucune culture" (Benoît XVI, discours inaugural) - ne constituent en aucune manière une tentative de redonner vie aux religions d’avant Chistophe Colomb, “en les séparant du Christ et de l’Église universelle” (Idem) Ils attendent de nous dévouement, responsabilité, mais surtout un vif amour pastoral ». [18]

Cette prise de position prophétique fit baisser la tension provoquée par l’utilisation anti-indienne que l’on faisait des paroles pontificales d’inauguration, et suscita dans les assemblées et dans les commissions d’Aparecida un débat substantiel et sérieux sur la réalité des peuples amérindiens et sur la Pastorale indienne de l’Église avec toutes leurs implications. Le président de la Conférence épiscopale de Panama lui aussi entra dans l’arène et fut le premier à parler explicitement de la théologie indienne au cours de la Conférence.

« Ceci dit, nous croyons que la présente célébration de la 5ème Conférence générale à Aparecida doit être un moment-clé qui nous porte à assumer des défis et des positions concrètes : Préoccupation pour les pauvres et les Indiens : l’option pour les pauvres, option évangélique et, par le fait, sans retour et irrévocable, continue d’être un impératif catégorique de notre pastorale, à partir d’ une théologie du Dieu que s’émeut pour son peuple et opte radicalement dans la personne de Jésus pour une libération de tout ce qui l’empêche d’être et de vivre pleinement sa dignité de fils et fille de Dieu. Nous avons dit en d’autres occasions que les Indiens sont les “plus pauvres d’entre les pauvres” et il n’y a pas le moindre doute à ce sujet. Nous ne voulons pas être opportunistes, mais nous ne pouvons pas rester sur la touche, quand il est question de la vie et de la lutte des peuples originaires du continent, lutte pour leur dignité, pour leur identité, pour leur territoire. Et, dans ce domaine, il devient nécessaire, comme on l’a fait au CELAM avec l’appui du Saint Siège, de poursuivre l’étude de la théologie indienne, afin d’éclaircir, d’accueillir et de mettre en valeur les cadres culturels et religieux qui peuvent servir à évangéliser, en accueillant les “semences de la Parole” présentes dans ces peuples. » [19]

Un autre grand défenseur de la théologie indienne à Aparecida a été Mgr Felipe Arizmendi Esquivel, évêque de San Cristóbal de las Casas, responsable de la Pastorale indienne au CELAM et à la Conférence épiscopale mexicaine. Il a été réellement le pilier incontournable de la défense de la cause indienne et de la théologie indienne à la 5ème Conférence ; en présentant à l’assemblée les données statistiques de la population indienne du continent, le diagnostic de la réalité sociale et ecclésiale des Indiens, l’émergence actuelle de ce secteur ; il a parlé des dialogues réalisés entre les Conférences nationales et le CELAM sur la théologie indienne, en signalant à ses collègues évêques que « un consensus prend force pour considérer comme “théologie” ce qui s’appelle “théologie indienne” » et en prenant argument de la nécessité « de prêter

l’oreille sans préjugé à ses contenus, de faire le compte de ses succès, de ses difficultés et déficiences » [20]

Nul doute que ces interventions aient joué le rôle principal pour obtenir quelque chose de réellement inespéré : que le Pape fasse une espèce de rectification des premières paroles qu’il avait prononcées à Aparecida, cette fois en déclarant le 23 mai à Rome :

« Certes la mémoire d’un passé glorieux ne peut faire ignorer les ombres qui ont accompagné l’œuvre d’évangélisation du continent latino-américain : il n’est pas possible d’oublier les souffrances et les injustices infligées par les colons aux populations indiennes, souvent piétinées dans leurs droits humains fondamentaux. Mais la mention obligatoire de ces crimes injustifiables – par ailleurs déjà condamnés à l’époque par des missionnaires comme Bartolomé de las Casas et par des théologiens comme Francisco de Vitoria, de l’Université de Salamanque – ne doit pas empêcher de reconnaître avec gratitude l’œuvre admirable qu’a réalisée la grâce divine dans ces populations au long de ces siècles ». [21]

Un deuxième succès des défenseurs des Indiens a été que dans la rédaction initiale du document préliminaire d’Aparecida on a introduit le terme théologie indienne à la demande explicite de plusieurs évêques ; mais on n’a pas pu le maintenir au cours de la trajectoire ultérieure du document pour une question de pure procédure canonique. Et c’est que, – selon ce que m’a expliqué, en privé, le Cardinal Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi –, même si dans l’ensemble du processus du dialogue intraecclésial on a conclu que l’on ne doit pas refuser le nom de véritable « théologie » à la pensée religieuse indienne, le Saint Siège, qui est la suprême instance de l’Église, ne s’est pas encore prononcé à ce sujet ; de telle sorte qu’il ne convient pas d’utiliser officiellement le terme dans des documents du Magistère, aussi longtemps que Rome n’a pas donné cette approbation. Ce qui ne signifie pas qu’on ait condamné la théologie indienne. Seulement on doit attendre que le temps soit venu.

La deuxième partie du texte est publiée dans le numéro de décembre.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 3027.
 Traduction d’Hervé Camier. Traduction revue par Dial.

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[2La traduction du mot « indígena » est toujours problématique. Il semble cependant que quelques éléments sont clairs : le mot « indio » est à l’heure actuelle connoté très négativement en Amérique latine. En français, c’est plutôt le mot « indigène » qui l’est, du fait de l’histoire coloniale française. On peut bien sûr décider de l’utiliser dans une perspective polémique – c’est le cas des Indigènes de la République – ou pour tenter de « retourner le stigmate » comme cela s’est produit, en langue anglaise, avec le mot « queer ». Une autre solution, que nous adoptons en général, est de sortir de la correspondance termes à termes – du calque –, qui ne rend pas compte du sens d’usage du mot, et de traduire « indígena » par « indien ». C’est donc ce que nous avons choisi ici. Dès lors, on perd la variation exprimée par l’expression « teología india », traduite simplement par « théologie indienne ». Pour exprimer en français la volonté de « retournement du stigmate » présente dans le choix du mot « india », le plus exact serait de traduire par « théologie indigène », mais cela irait contre l’usage déjà établi qui préfère l’expression « théologie indienne ».

Tout cela ne règle pas le sens problématique du mot « indien », qui date de Colomb. On pourrait peut-être plus exactement parler de « peuples autochtones », comme le font souvent les Québécois et comme le recommande l’Organisation des Nations unies. Mais Le mot auto-chtone – « issu du sol même où il habite » – n’est pas non plus complètement satisfaisante : les peuples indiens sont évidemment plus « autochtones » que les migrants européens, mais les recherches historiques indiquent qu’ils ont eux aussi été des migrants et qu’ils ne sont donc pas vraiment des « auto-chtones » – qui l’est ? – note DIAL.

[3Document de Saint-Domingue, 248.

[4Synthèse de l’Assemblée nationale de pastorale indienne, janvier 2006, élaborée par Eleazar Lopez.

[5Chez l’évêque espagnol Zumarraga.

[6Mémoire de la 13ème Rencontre nationale de prêtres indiens, Puerto Escondido, Oaxaca, juin 2006, publié par la Commission épiscopale pour les Indiens de la Conférence de l’épiscopat mexicain.

[7On a désigné comme membres de cette équipe d’assesseurs du CELAM les évêques Octavio Ortiz (Colombie), Felipe Arizmendi Esquivel (Mexique), Erwin Krauter (Brésil), Víctor Corral (Équateur), Julio Cabrera (Guatemala), et les théologiennes/théologiens Nicanor Sarmiento (Pérou), Roberto Tomichá (Bolivie), Ernestina Lopez Bac (Guatemala), Eleazar Lopez (Mexique) et Margot Bremer (Paraguay)

[8Message final du 3ème Symposium de théologie indienne organisé par le CELAM au Guatemala, octobre 2006.

[9Nous les prêtres indiens du Mexique nous avions envoyé à la 4ème Conférence un écrit, dans lequel nous exposions nos réflexions : « 5. À l’intérieur de l’Église, nous les Indiens nous refusons que l’on continue à nous considérer comme des païens et des idolâtres qu’il faut conquérir à la foi. Nous ne sommes pas des ennemis de l’Église ni des adversaires de la foi chrétienne… Aussi pour être chrétiens et pour exercer un ministère dans l’Église on ne doit pas nous obliger à renoncer à l’expérience religieuse de nos peuples, parce qu’en nous soumettant à une telle pression ce qu’on récoltera c’est de nous enlever toute possibilité d’autoaffirmation personnelle, de nous rendre schizophréniques ou de nous obliger à mettre des masques qui recouvrent notre vraie identité… » (Cette lettre a été remise au CELAM au début de 1992 et a été aussitôt diffusée au cours de la même année par le Centre national d’aide aux missions indiennes, CENAMI, alors membre des équipes ou organismes occupés à la pastorale indienne dans tout le continent).

[10Cf. Mons. Bartolomé Carrasco, 1993. (Il s’agit de la réflexion d’un ensemble d’évêques de la Région Pacifique Sud, emmenés par Mons. Bartolomé Carrasco, Archevêque d’Oaxaca, diffusée à Pâques 1993).

[11Les évêques Octavio Ortiz (Colombie), Felipe Arizmendi Esquivel (Mexique), Erwin Krauter (Brésil), Julio Cabrera (Guatemala), et le théologien indien Roberto Tomichá (Bolivie). Moi-même j’ai appuyé la Conférence du dehors avec l’équipe interdisciplinaire d’Amerindia.

[12Benoit XVI, Discours inaugural d’Aparecida.

[13Idem.

[1470 millions, c’est de l’ordre du dixième de la population mondiale en 1492. À titre de comparaison dans l’horreur, 6 millions dans les camps d’extermination nazis des années 1930-1940, c’est de l’ordre du millième de la population mondiale à l’époque (NdT).

[15Ecuarunari face aux déclarations de Benoît XVI, en mai 2007, diffusé sur la liste de distribution Ewituri. Ecuarunari est une Confédération d‘organisations indiennes d’Équateur, qui a diffusé le 16 mai sur la liste courriel Ewituri – ewituri[AT]laneta.apc.org – ses réactions devant certaines déclarations faites par le Pape Benoît XVI à l’inauguration de la Conférence d’Aparecida).

[16Pensées de Mgr Proaño, réunies par Mgr Agustín Bravo, Équateur, 1989. (Il s’agit d’une notice imprimée par le diocèse de Riobamba, Équateur, en 1989).

[17Cf. Mgr Bartolomé Carrasco, 1993. (comme on l’a mentionné plus haut).

[18Mgr Álvaro Ramazini, Intervention du 15.10.07.

[19Mgr José Luis Lacunza Maestrojuán, Intervention à Aparecida, diffusée par l’évêque lui-même.

[20Don Felipe Arizmendi déclara à Aparecida :

« 1. Selon les recensements, il y a dans l’ensemble de l’Amérique plus de 42 millions d’Indiens ; la majorité d’entre eux sont appauvris, et leur identité a subi de graves atteintes. Des langues et des cultures ont disparu. Des plaintes s’élèvent au sujet d’évêques, de prêtres et de religieuses, disant que certains d’entre nous n’ont pas un cœur porté vers leurs peuples. On méconnaît les cultures indiennes et on a des préjugés. A leur égard persiste un racisme qui est antichrétien, y compris dans des milieux ecclésiastiques. »

« 2. Il y a une injustice dans le fait que très peu d’ethnies jouissent de traductions catholiques de la Bible et de la Liturgie, auxquelles elles ont pleinement droit. On utilise des traductions bibliques faites par les protestants, grevées de grandes déficiences culturelles et doctrinales. Ils sont très rares les rituels liturgiques acculturés, approuvés par le Saint Siège. Dans les séminaires, on a peu fait dans le sens d’une formation acculturée des candidats indiens au sacerdoce. »

« 3. On assiste à une remarquable émergence de bon nombre d’ethnies, qui se font de plus en plus présentes dans la Société et dans l’Église, et qui revendiquent leurs droits, y compris par la violence. Notre Église en est venue à reconnaître leur place, pour qu’ils soient sujets, protagonistes de l’évangélisation, agents pastoraux. Dans beaucoup d’endroits, on suscite une évangélisation intégrale, avec une insistance sur la promotion humaine et l‘acculturation de l’Évangile et de l’Église, oui, et pas toujours avec un juste équilibre. Il y a toujours davantage de ministres indiens, prêtres, religieuses et diacres indiens, en vue de parvenir a être des Églises autochtones, comme les décrit le Concile Vatican 2 (Décret Ad Gentes, § 6), sans nier les risques que ce concept implique. Il faudrait davantage d’évêques indiens. »

« 4. On constate un consensus de plus en plus large pour considérer comme « théologie » ce qu’on appelle « théologie indienne ». Elle a sa démarche propre, qui donne plus de place au symbolisme qu’aux concepts, et qu’il faut continuer à déterminer. On doit distinguer « théologie indienne indienne », qui revalorise la sagesse des aînés, sans la rapporter à l’Évangile, et veut récupérer les religions d’avant Christophe Colomb ; « théologie indienne chrétienne », qui se juge à la lumière de Jésus-Christ, sans distinction entre confessions chrétiennes ; et la « théologie indienne catholique », qui se confronte et enrichit aussi avec le Magistère. On fait état du climat serein et adulte de dialogue qui s’est créé à l’examen de sujets délicats, entre pasteurs et experts en théologie indienne, avec accompagnement de la Congrégation pour la Doctrine de la foi. On recommande de poursuivre ces contacts, de prêter l’oreille, sans préjugés, aux contenus de cette théologie, de faire le compte de ses succès, de ses difficultés et déficiences. » (Mgr Arizmendi, intervention à Aparecida).

[21Benoît XVI, Audience générale du mercredi 23 mai 2007.

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