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DIAL 3554

PARAGUAY - Vaste désaveu populaire après deux ans de gouvernement Mario Abdo

BASE-IS

mercredi 25 novembre 2020, mis en ligne par Dial

Cela fait longtemps que DIAL n’avait pas publié d’articles sur le Paraguay. Ce premier texte présente un rapide bilan de la situation deux ans après l’arrivée au pouvoir, le 15 août 2018, de Mario Abdo Benítez, le candidat du Parti Colorado. Il est suivi d’un autre texte qui présente les mobilisations des petits paysans à Asunción, la capitale du pays. Ces deux textes ont été publiés respectivement le 15 août et le 13 octobre sur le site de l’association BASE - Investigaciones sociales.


Asunción, le 15 août 2020.

Des manifestations de divers secteurs de la société et de fortes interrogations sur la gestion et la politique économique du gouvernement marquent le deuxième anniversaire de l’accession au pouvoir de Mario Abdo Benítez. Les annonces de nouvelles mobilisations laissent présager un affrontement entre la population et un gouvernement chaque jour plus affaibli, qui se maintient grâce à un pacte conclu entre des chefs du Parti Colorado.

Photo : Santiago Ros

Ces derniers jours, le cœur de la ville d’Asunción a été un baromètre de ce qui se passe dans le pays : des commerces fermés et vandalisés, d’autres qui résistent et qui attendent un secours de l’État qui n’arrive jamais ; de l’autre côté de la poudrière, la mèche allumée par les étudiants, les travailleurs de la santé, et plus généralement de secteurs sociaux qui manifestent et exigent l’attention du gouvernement face à la grande crise économique et sociale actuelle.

Après une année marquée par ses échecs et sa quasi-destitution, à cause d’un accord dommageable pour les intérêts du Paraguay à Itaipú [1], le gouvernement Abdo a semblé se stabiliser. En mars, lorsque la pandémie et les mesures de confinement se sont installées au Paraguay, le gouvernement a vécu une période de grâce, qu’il a dilapidé rapidement, non sans en avoir profité pour endetter davantage le pays et écarter toute possibilité de réformer le système fiscal pour aboutir à une imposition moins régressive et élaborer un plan d’urgence économique qui permettrait de remédier à l’éternel manque de protection sociale dans le pays. Au fil des mois, la gestion déficiente en matière d’aide sociale et les affaires de corruption touchant presque toutes les sphères du pouvoir exécutif ont entraîné un net échauffement des esprits contre le président Abdo Benítez.

La crise aigüe provoquée par la pandémie s’ajoutait ainsi à des crises structurelles, à des problèmes chroniques comme un modèle de production agricole exportateur qui ne crée pas d’emplois et marginalise des milliers de personnes, à l’inexistence de systèmes de protection sociale et à de graves déficiences dans les services de santé et d’éducation. Face à une situation aussi calamiteuse, les secteurs sociaux organisés ont été les premiers à réagir en ouvrant des soupes populaires pour lutter contre la faim ou en faisant valoir leurs droits comme les étudiants et les travailleurs de la santé.

Le chercheur et travailleur social Abel Irala souligne que les mobilisations permanentes de différents secteurs sont dues au fait que « le gouvernement, en deux ans, n’a pas su instaurer un vrai dialogue avec les organisations et n’a fait qu’inventer quelques espaces d’échange qui se sont révélés improductifs et réduits à néant, ce qui augmente le mal-être social ». Irala ajoute que la crise déclenchée par la pandémie a renforcé les revendications déjà existantes dans la société et les mouvements sociaux : « Dans le livre Canalización de demandas de los Movimientos Sociales al Estado paraguayo [« Canalisation des revendications des mouvements sociaux envers l’État paraguayen »] (2018), les auteurs indiquent justement que les principales revendications des organisations ces dernières années sont centrées sur l’avènement d’un gouvernement non corrompu et bon gestionnaire, et sur l’application de politiques sociales utiles à la population. C’est encore une fois ce qui est demandé au gouvernement aujourd’hui, et qu’il ne fait pas ».

« Il faut aussi ajouter que les mouvements sociaux ont mis en évidence la nécessité de changer le modèle productif et de réaliser une réforme agraire intégrale si l’on veut améliorer la qualité de vie de la population. Cela n’a bien sûr pas été fait et aujourd’hui le modèle productif est en crise », fait remarquer Abel Irala.

La crise a également accéléré l’orientation unitaire des organisations syndicales. Le secteur paysan a réussi à rassembler deux de ses principales forces pour annoncer une action que l’on annonce massive pour le mois de septembre à Asunción [2]. De même, les mouvements urbains comme les syndicats, les organisations de quartier, les mouvements féministes et étudiants mènent des actions conjointes et s’emploient à mettre sur pied des outils unitaires. À ce sujet, Irala signale que « dans leur grande majorité les organisations reconnaissent la nécessité de s’unir pour faire avancer de grandes luttes » face à l’incapacité du gouvernement à dialoguer.

Pour l’instant, les principaux chefs des courants du Parti Colorado – Honor Colorado et Colorado Añetete – font bloc pour soutenir le gouvernement de Mario Abdo Benítez face à la chute retentissante de sa popularité. Pendant ce temps, le mécontentement social est la mobilisation des organisations augmentent et mettent en échec un gouvernement qui n’est pas encore arrivé à mi-mandat et qui paraît déjà en manque de ressources pour tenir jusqu’au bout.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3554.
 Traduction de Gilles Renaud pour Dial.
 Source (espagnol) : BASE - Investigaciones sociales, 15 août 2020.

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[1Centrale hydroélectrique sur le río Paraná – note DIAL.

[2Voir aussi, dans ce numéro, « PARAGUAY - Chronique d’un retour annoncé » – note DIAL.

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