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DIAL 3555

PARAGUAY - Chronique d’un retour annoncé

BASE-IS

mercredi 25 novembre 2020, mis en ligne par Dial

Cela fait longtemps que DIAL n’avait pas publié d’articles sur le Paraguay. Le premier texte de ce numéro présente un rapide bilan de la situation deux ans après l’arrivée au pouvoir, le 15 août 2018, de Mario Abdo Benítez, le candidat du Parti Colorado. Ce second texte présente les mobilisations des petits paysans à Asunción, la capitale du pays. Ces deux textes ont été publiés respectivement le 15 août et le 13 octobre sur le site de l’association BASE - Investigaciones sociales.


Asunción, le 13 octobre 2020.

La vieille gare ferroviaire située dans le centre d’Asunción a été le point d’arrivée des paysans rassemblés dans la ville. Empêchés d’accéder à la Plaza Uruguaya, ils s’installent comme ils peuvent dans les rues voisines de l’ancienne gare. Avec leurs tentes, leurs bûches et leurs produits de l’agriculture paysanne, ils arrivent préparés à résister.

Photo : RTV

Chaque année, les petits producteurs rencontrent dans la capitale l’hostilité des secteurs politiques représentant les élites au pouvoir, mais aussi la solidarité de centaines de personnes encore admiratives du passé rural de nombreuses familles qui se sont vues forcées de migrer à cause du développement de l’agro-industrie dans les campagnes paraguayennes.

Cette fois-ci, la mobilisation est organisée la Coordination nationale intersectorielle (CNI) et l’Alliance paysanne indienne et populaire (ACIP), mobilisées dans la capitale et dans différentes régions du pays. Leurs revendications sont anciennes : accès à la terre et soutien de la production paysanne. C’est pourquoi, la première journée de mobilisation, les producteurs se sont présentés au siège de l’Institut national du développement rural et de la terre (INDERT) pour exiger que cet organe remplisse son rôle et garantisse le droit à la terre pour les paysans paraguayens. Signe de l’époque, l’Institut était fermé et gardé par un fort contingent policier.

Le débat concernant la récupération des terres spoliées est également un point central de la mobilisation. Les dirigeants rappellent que sept millions d’hectares de terres ont été attribués irrégulièrement à des fonctionnaires du régime Stroessner et à des membres de l’agro-industrie qui ne sont pas visés par la réforme agraire. Beaucoup de ces terres font aujourd’hui partie des 94% du territoire agricole national destinés à l’industrie agroalimentaire, les acteurs de l’agriculture paysanne étant cantonnés dans seulement un peu plus de 300 000 hectares.

La récupération des terres spoliées constitue un élément fondamental pour garantir le droit à la terre, freiner les expulsions massives de petits producteurs ruraux et permettre un enracinement qui assure une extension de la superficie octroyée aux paysans et la production de denrées alimentaires sur la voie d’une souveraineté alimentaire dans un pays qui importe plus de 150 000 kilos d’aliments par an, alors qu’il exporte chaque année près de neuf millions de tonnes de produits transgéniques.

Si la grave crise consécutive à la pandémie de coronavirus se fait moins durement sentir à la campagne, la crise alimentaire, en revanche, s’est intensifiée en ville. Une grande partie de la population compte ainsi sur les soupes populaires pour se nourrir, et il apparaît clairement que la production paysanne et les circuits de distribution entre la campagne et la ville sont un élément clef pour protéger le droit à l’alimentation. Toutefois, le manque d’aide à la production paysanne, qui s’explique par de nombreuses années d’abandon de la part de gouvernements successifs, ajouté aux répercussions de la crise climatique, comme la très forte sécheresse que le pays traverse actuellement, représentent une menace constante pour les petits producteurs.

Face à cela, les organisations réclament l’application de politiques publiques de soutien et de promotion de l’agriculture paysanne. L’annulation des dettes des paysans est également un point crucial pour que ces derniers puissent relancer la production et continuer d’alimenter le pays.

Les tentes sont prêtes, comme les marmites de manioc et le ragoût. Il semblerait que la mobilisation engagée pour une durée indéterminée va s’étendre sur plusieurs journées devant l’indifférence du gouvernement, lequel n’a répondu jusqu’à présent que par la menace d’une inculpation des dirigeants paysans par le ministère public.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3555.
 Traduction de Gilles Renaud pour Dial.
 Source (espagnol) : BASE - Investigaciones sociales, 13 octobre 2020.

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