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DIAL 2615
BRÉSIL - Informations du Comité Rio Maria sur ses combats de l’année 2002
samedi 1er février 2003, mis en ligne par
La majorité des cas évoqués ci-dessous sont connus de nos lecteurs, puisque nous les tenons régulièrement informés de la situation des sans-terre et du travail esclave au Brésil, tout particulièrement dans l’État du Pará. Le Comité Rio Maria, consacré à la défense des droits humains des paysans, fait le point, dans le bulletin d’information du 17 janvier, sur les combats qu’il a menés en l’année 2002.
1-Les menaces contre le juge de Xinguara ont cessé
Le Comité Rio Maria, avec d’autres organisations, avait lancé en octobre 2002 un appel pour soutenir le juge de Xinguara, Cristiano Arantes e Silva. Des groupes économiques et politiques puissants, incommodés par l’attitude éthique de ce juge, avaient exercé des pressions, allant jusqu’à des menaces de mort et des tirs d’armes à feu contre sa maison, pour qu’il quitte la région. Suite à la solidarité nationale et internationale, ces menaces ont cessé et le juge reste à Xinguara.
2-Jugement des commanditaires accusés de l’assassinat, en 1985, de João Canuto, syndicaliste de Rio Maria [1].
Nous vous rappelons que le Comité avait obtenu, avec beaucoup de difficultés, en février 2002, le transfert du jugement des assassins de João Canuto de Rio Maria à Belém, capitale de l’Etat, où les conditions de tranquillité et d’impartialité du jugement seraient bien meilleures.
Les accusés ont fait appel de la décision de transfert, ce qui pourrait retarder le jugement de plus d’un an. Il y a dix sept ans que João Canuto a été assassiné et qu’on attend ce jugement ! Durant tout ce temps, des témoins importants sont déjà décédés.
3-Jugement du commanditaire accusé de l’assassinat, en 1990, du syndicaliste Braz de Oliveira et de son compagnon Ronan Ventura
Ce jugement pourrait se réaliser cette année à Rio Maria, si les juges refusent le transfert du jury à Belém.
4-Le puissant propriétaire terrien Jéronimo Alves de Amorim continue à défier la justice des États du Pará et du Goiás [2].
Condamné à 19 années et demi de prison, en régime fermé, le 6 juin 2000,comme commanditaire de l’assassinat d’Expedito Ribeiro de Souza, syndicaliste de Rio Maria, Jéronimo accomplit sa condamnation dans sa luxueuse résidence à Goiania, en prison domiciliaire, pour raison de traitement médical.
Son autre procès pour deux homicides à Xinguara, en 1994, est paralysé depuis des mois, en raison de la disparition d’une requête de commission rogatoire au Tribunal de justice de l’État du Goiás.
Par ailleurs, Jéronimo n’a toujours pas été jugé dans le procès pour faux documents d’identité, qui est en cours à la justice fédérale de Goiania.
En 1999 il avait été pris par la police fédérale, en fuite au Mexique, porteur de faux documents d’identité et d’un faux passeport.
5-Le procès des trois policiers de Xinguara, accusés de tortures contre un adolescent, avance [3].
Le 4 décembre de 2002 s’est réalisé au Tribunal de justice de Xinguara une audience au cours de laquelle ont été entendus pendant douze heures la mère de la victime et les témoins des policiers accusés. Le jugement devrait se réaliser en 2003 et les accusés, espérons-le, condamnés. Ce sera la première fois que cela arrivera dans cette région. Le jeune W est encore en traitement médical, en raison des tortures qu’il a subies en 1999 dans le commissariat de police de Xinguara.
6-Orlando Canuto élu conseiller municipal et président du conseil municipal de Rio Maria.
Orlando Canuto, gravement blessé pour question de terre en 1990, fils de João Canuto, frère de José et Paulo Canuto, tous les trois assassinés, et de Luzia, présidente du Comité Rio Maria, a été élu conseiller municipal en octobre 2000 et, à l’unanimité, président du conseil municipal le 18 décembre 2002, date de l’anniversaire de l’assassinat de son père [4]. Orlando assume cette importante charge dans un contexte politique à Rio Maria, difficile et dangereux.
7-Les enquêtes des crimes politiques de Rio Maria sont faites de manière tendancieuse, des innocents sont en prison. Y aura-t-il d’autres morts ?
Depuis 2001 se déroule un combat mortel entre deux groupes politiques de Rio Maria. Il y a eu déjà trois assassinats. Le dernier a été celui du conseiller municipal Artidônio Almeida Brandalise, assassiné par deux hommes à la porte de sa maison, le 8 décembre 2002. Tout indique que ce crime a été fait pour éliminer un témoin de l’assassinat antérieur du secrétaire des finances de la mairie, Wilismar Pereira de Souza, le 4 novembre 2001.
Deux travailleurs ruraux, suspectés par la police d’être les auteurs de l’assassinat de Wilismar, sont détenus depuis plus de 14 mois dans une centrale pénitentiaire comme s’ils étaient déjà condamnés alors qu’ils n’ont pas encore été jugés ni même l’enquête de police conclue. Il est de notoriété publique qu’ils sont innocents et l’obstination de la police, du ministère public et de la justice à leur refuser de répondre librement au procès, comme c’est leur droit, parait bien étrange. Est-ce que réellement l’enquête de police exige cela ?
Le Comité Rio Maria s’emploie, avec d’autres organisations, à faire apparaître la vérité et à obtenir que ces deux travailleurs innocents, qui remplissent toutes les conditions prévues par la loi, puissent répondre en liberté au procès. Si les autorités ne mènent pas d’enquêtes rigoureuses sur ces crimes, il y aura probablement d’autres morts.
8-Le travail esclave continue d’être l’un des problèmes les plus sérieux du sud de l’État du Pará [5].
En 2001, 22 propriétés rurales avaient été dénoncées pour pratique de travail esclave, alors qu’en 2002 le nombre s’est élevé à plus de 100. En 2002, plus de 3000 travailleurs ont été maintenus dans des conditions de travail dégradantes et inhumaines dans la région, sans être payés. Des 100 propriétés dénoncées, 27 sont récidivistes. Une des causes principales est l’impunité.
Ces nouvelles ne sont pas très encourageantes, mais le Comité Rio Maria, comme toute la société civile brésilienne, commence l’année 2003 avec beaucoup d’espérance, confiants dans l’engagement social et de justice affirmé par le gouvernement du président Lula. Le Comité Rio Maria, avec d’autres organisations, emploiera toute sa force à obtenir que les changements annoncés se réalisent.
Rio Maria, le 16 janvier 2003
Frère Henri Burin des Roziers
Commission pastorale de la terre-sud du Pará
Luzia Canuto de Oliveira Pereira
Présidente du Comité Rio Maria
Le gouvernement de Lula veut en finir avec le travail esclave
27 janvier. Porto Alegre. Le Secrétaire spécial pour les droits humains, Nilmário Miranda, a annoncé ce samedi 25 janvier, lors qu’une participation à une table ronde « Le travail esclave : une blessure ouverte » au 3ème Forum social mondial, que le gouvernement Lula entend éradiquer ce mal du pays dans les quatre prochaines années.
– Nous prolongerons de 30 jours la Commission spéciale du Congrès national pour conclure l’élaboration et l’actualisation du projet d’éradication du travail esclave. Les Groupes mobiles de contrôle seront renforcés avec des patrouilles, des ordinateurs et des téléphones portables. L’Organisation internationale du travail (OIT) contribuera à l’achat du combustible et des hélicoptères. La police fédérale fera le travail de la police judiciaire. Il y aura un travail conjoint des divers ministères, a annoncé Miranda.
– Seront concernés les ministères du travail et de l’emploi, du développement agraire, de l’intégration nationale, de l’environnement, de l’assistance et de la promotion sociale, de l’agriculture et du développement économique. Les travailleurs se trouvant dans cette situation rentreront dans des programmes de logement temporaire jusqu’au moment où ils rejoindront des projets de réinstallation sur les terres et de réforme agraire, recevant des fonds et une aide financière pour procéder aux plantations.
– Le ministre Tarso Genero a l’intention d’inclure dans le nouveau pacte social du pays des mesures pour en finir définitivement avec le travail esclave au Brésil, a-t-il assuré. Nilmário Miranda a ajouté qu’on ne peut pas faire face à ce type d’esclavage « simplement en payant des indemnisations pour le travail, parce que c’est un problème d’atteinte aux droits humains puisque le travail esclave dégrade l’être humain et s’oppose au droit fédéral ». Des données existent pour combattre cette pratique depuis qu’on a des informations sur l’origine et la destination des victimes.
André Jockyman, Adital, 27 janvier.
– Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2615.
– Traduction Dial.
– Source (portugais) : voir à la fin de chaque texte.
En cas de reproduction, mentionner la source francaise (Dial) et l’adresse internet de l’article.
[1] Cf. Dial 2232, 1880, 1573.
[2] Cf. Dial 2559.
[3] Cf Dial D 2504.
[4] Cf.Dial D 2559.
[5] Cf. Dial D 2474, 2423, 2355.